Journal mars 2022
L A V O I X D A N S L E D E S E R T
Mensuel du Château d’Argent, N° 37 - Mars 2022
L’ ABBE LUCIEN JENN AU STRUTHOF FRANCAIS :
QUE CONCLURE ?
Le Journal de captivité de l’abbé Jenn dérange. Il dérange ce qui est « rangé » de façon inamovible, indiscutable, dans l’esprit contemporain.
Dans les deux cent vingt pages de cette traduction, les « couleuvres » peuvent passer inaperçues, et c’est pourquoi nous allons essayer de faire ressortir ici tous les points qui choquent la pensée actuelle.
Parlons d’abord de l’abbé Jenn lui-même : il faudra bien que le lecteur le prenne comme il était : non-conformiste et insoumis. Les autorités de l’épuration avaient soupçonné, non sans raison, son attachement à l’Allemagne, qui était sa patrie d’origine, et ses sentiments anti-français.
Dans ma conclusion, le mois dernier, j’écrivais qu’il faut essayer avant tout de « comprendre ».
Né en 1885 en Alsace allemande, imprégné dès l’enfance de la mentalité et de la langue germaniques, comment aurait-il pu changer, en 1918, à trente trois ans, au point de renier son éducation et tout ce passé, pour adopter de cœur un pays qui lui était étranger ?
La question s’est posée à tous les Alsaciens, au point qu’en 1945, quatre vingt pour cent d’entre eux ne savaient toujours pas le français (1), ce qu’on a bien constaté lors de l’évacuation, cinq ans plus tôt.
Cet attachement aux racines allemandes a expliqué les raisons de la « collaboration » alsacienne. Dans La Voix… n° 6, de septembre 2019, consacré au Livret militaire de Ferdinand Marcel N., engagé volontaire le 20 janvier 1943 dans la SS, et tué à la bataille de Koursk le 5 juillet 1943 à 21 ans, j’avais écrit que beaucoup d’Alsaciens avaient été enthousiasmés par le nouveau régime et s’étaient engagés volontaires dans la Hitlerjugend et la Wehrmacht. Ils étaient Freiwilliger et non Dienstpflichtiger, et c’était bien précisé dans leur Wehrpass. La simple consultation de leur livret militaire, toujours renvoyé à la famille après leur décès, aurait pu lever tous les doutes.
Lucien Jenn va également dans ce sens ( 2 ). Il donne une autre version de l’occupation et de l’annexion ( 3 ). Pour lui, il s’agissait de la réactualisation de la situation de 1871, et de la loi du vainqueur. Le vainqueur de 1918 a-t-il agi autrement ? C’est la question que nous nous posons.
« La plupart des dirigeants français, de gauche et de droite, condamnent l’action de Vladimir Poutine en Ukraine… C’est normal, quand je vois le manque d’objectivité des médias français. Ils refusent de comprendre les raisons des Russes ; ils désignent les bons et les méchants. J’ai couvert comme journaliste de nombreux conflits dans le monde ; je sais que la réalité est toujours plus compliquée », dit le journaliste russe Maxime Ioussine, aux Dernières Nouvelles d’Alsace du 24 février 2022, à la page 3.
Une relecture de l’Histoire aboutit souvent à une révision. Il n’est qu’à lire le Robespierre de Jean Massin (Club français du livre, 1957) pour se convaincre que le tyran d’hier peut revêtir aujourd’hui le visage du martyr. On trouve une révision sensible de l’Histoire aussi dans: De Gaulle, mon père, de son fils Philippe (Plon, 2003). Jésus, révisionniste de la loi juive ? Galilée, négationniste du système de Ptolémée ? Pasteur, contestataire de la génération spontanée ? Sans eux, l’Histoire humaine n’aurait jamais progressé.
Voici ce que conteste, révise ou nie l’abbé Jenn :
D’abord, au sujet des manières de faire des camps français. Ce n’est même pas lui qui le dit, c’est le président des Etats-Unis : les camps français ont fait exactement comme les camps nazis, hormis l’utilisation des chambres à gaz ( 4 ). A Schirmeck et au Struthof, les « schlagges », tortures, sévices et morts se succèdent toute l’année 1945. Les détenus meurent de faim, et sont battus à mort lorsqu’ils cherchent des épluchures dans les poubelles ( 5 ). L’abbé Brauner, archiviste du diocèse de Strasbourg, se trouve parmi les victimes. Il y a même une maisonnette qui reçoit le nom d’ « abattoir » ( 6 ) Etait-ce, à l’écart, ce qu’on a ensuite pris pour la chambre à gaz nazie ?
L’abbé Jenn ne pense pas que cette chambre à gaz a existé au Struthof allemand. Il note que le témoignage du commandant Josef Kramer à son procès était ambigu ( 7 ) au sujet de ce camp-là, pas des autres camps où Kramer avait sévi. On aurait aimé plus d’explications de la part de notre auteur : sa concision est prudente, aussi parce qu’il est mal documenté. Nous nous étendons là-dessus et posons la question de savoir si le témoignage de Kramer, lors de son procès de Belsen, difficile à comprendre, a bien concerné le Struthof ( 8 ). Jean-Louis Vonau élude habilement ce problème qui pourrait l’interpeler, comme tous les autres dont l’examen approfondi ne servirait pas le sens apologétique de ses ouvrages ( 9 ).
L’abbé Jenn sait que le camp français du Struthof était, comme au temps allemand, un camp de travail destiné à l’exploitation des carrières de Natzwiller. Par contre, il met en doute que le camp allemand ait été un camp d’extermination ( 10 ).
Il donne des précisions étonnantes sur la manière dont les cendres étaient, au camp allemand, déposées dans des urnes répertoriées et enterrées, de sorte qu’après la guerre, les familles ont pu les récupérer ( 11 ).
On a trouvé des os lors des fouilles : mais c’étaient, disent ceux qui ont creusé, des os d’animaux, bien trop gros pour être humains ( 12 ).
Il fait une fois une allusion au four crématoire ( 13 ), d’après ce qu’on lui a raconté : « Le commandant d’alors et le médecin-chef choisissaient parmi les prisonniers ceux qui étaient destinés au crematorium ». Par contre, les prisonniers du Struthof qui revenaient de Dachau, parlent de chaudières à chauffage central : elles existaient aussi dans d’autres camps ( 13 ). Dachau, le fameux « camp de la mort », comme nous l’avons appris, était aussi un camp de travail où les prisonniers-ouvriers étaient étonnamment bien traités ( 14 ), ce que l’on constate même sur une photo parue sur Wikipédia ( 15 ).
On ne peut pas lire l’ordre d’évacuation du Struthof allemand, daté du 1er septembre 1944, sans être surpris. J.L.Vonau n’en parle pas. Sans doute parce que ce document blanchirait singulièrement le commandant Fritz Hartjenstein qui l’avait rédigé, et qui a été condamné à mort par le tribunal militaire de Metz, le 2 juillet 1954. Certes, on le sait, les Allemands étaient organisés, mais ils montrent ici une sollicitude envers les prisonniers à évacuer, surtout envers les impotents et les malades, qui ne correspond pas aux manières de faire d’un camp où se seraient pratiquées (et à ce moment-là encore davantage) des injections létales, des exécutions massives au gaz, un camp muni de crématoire et de fosses communes. Nous reproduisons ici le texte d’Hartjenstein. L’abbé Jenn, apparemment, n’avait pas eu l’occasion d’en prendre connaissance. (16).
Après l’évacuation du mois de septembre 1 944, il n’y avait plus aucune trace de l’activité du camp allemand : tout avait été nettoyé ( 17 ). Alors se pose la question de savoir pourquoi, en 1948, on pouvait voir, en visitant le camp, d’horribles vestiges de cheveux, os, dents, chairs, crochets et chevalets sanglants, os calcinés dans le four, alors qu’il y avait le chauffage central dans certains bâtiments en 1945 et que ce four a certainement servi de chaudière. Tous ces « vestiges » étaient attribués aux sévices du camp allemand, et donc à trois années de distance. Des milliers de prisonniers avaient défilé dans ce camp, sous le régime français, à partir de janvier 1945. Ils n’ont rien vu. L’abbé Jenn n’en parle pas. Il aurait fallu être aveugle pour ne pas tomber dessus, alors que cela s’étalait dans les couloirs, les escaliers, et par les portes ouvertes. Un an à peine après les faits, les « horreurs » du Struthof nazi n’alimentent même pas les commentaires des FFI et gardiens français, qui n’auraient pourtant pas dû s’en priver. Neuf ans après, au procès de 1954, cela devient une montagne et les anciens commandants n’en croient pas leurs oreilles. Leurs photos témoignent de leur stupéfaction.
« Il fallait attiser la haine » ( 18 ). Beaucoup d’affabulations ont poussé sur la haine comme des champignons.
L’abbé Jenn réussit à faire de son séjour au camp une occasion de rencontres interreligieuses, sans doute une des premières manifestations œcuméniques du XXe siècle. Prêtres et pasteurs travaillent main dans la main, s’éclairent mutuellement sur leurs différences doctrinales, assistent ensemble aux offices et créent une chorale de grande qualité. De plus, notre auteur se montre très ouvert aux Juifs persécutés, travaille à restaurer leur cimetière vandalisé par les nazis, et par les habitants : ces derniers s’en cachent à présent, ils n’ont pas été poursuivis, alors que lui est en détention, peut-on lire dans son Journal, à la date du 30 octobre 1945.
Notre auteur perd aussi ses illusions au sujet des autorités religieuses. De leur part, il n’a aucun soutien. Elles ont peur de l’épuration, comme la plupart des Alsaciens ( 19 ). Il enlève le masque et révèle le vrai visage d’évêques fort honorés ( 20 ).
Il est déçu par de Gaulle également, qui n’apporte rien ni à l’Alsace ni aux détenus : il vient les mains vides avec des promesses sans consistance (21).
Pour la première fois peut-être, dans ce journal, les concepts de « résistance » et de « collaboration » sont relativisés. Ce sont pour l’auteur, des phénomènes très ambigus : « Chacun avait, d’une manière ou d’une autre, apporté une aide à l’Allemagne, en travaillant dans l’industrie, en aidant au ravitaillement, en assurant l’ordre public, la marche des administrations civiles ou militaires, les transports, etc. Il n’y a plus de limites pour dire avec certitude où commence le crime… », texte d’un détenu, lui-même juriste, très important et que le lecteur devrait lire en entier (22).
L’épuration, dans le journal de l’abbé Jenn, est saisie au jour le jour, sur le vif. La population, subitement revenue au chauvinisme, se jette sur les suspects, aussi sur ceux qui sont libérés des camps français, les moleste et les tue ( 23 ).
Lui-même, revenant à Noêl 1945 dans sa paroisse de Bischoffsheim, plein d’espoir, n’est même pas salué par le vicaire qui le remplace et n’a d’autre choix que de repartir le jour d’après.
Haïr devenait un devoir d’Etat. Malheur à celui qui refusait de haïr et essayait de comprendre.
Aujourd’hui encore ?
Si c’est encore le cas, alors, oui, il faut réviser. Il faut à présent essayer de comprendre la cause des effets. Des paquets d’archives restent encore à dépouiller ( 24 ), et pourront nous aider à comprendre, après un siècle de ressentiment. Se documenter, en somme, au lieu d’interpréter, est la voie à suivre maintenant ( 25 ).
N O T E S :
( 1 ) Voir La Voix… n° 26, note 13. L’abbé Jenn fait ces réflexions le 13 mai 1945 : l’allemand et l’alsacien étaient les langues les plus répandues dans la région, avec un pourcentage de 80 à 90 %, semblable à celui de 1918. « Que signifiait en Alsace cette résistance obstinée au français : un plébiscite déguisé ? », demandons-nous.
( 2 ) N° 28, introduction et note 3 : contre la pensée unique et la violence idéologique.
N° 29, introduction, p.2.
( 3 ) Il reconnaît la légitimité de l’annexion : n° 27, note 27: 8 juin 1945. Il fait une distinction entre occupation militaire par la force des armes, et annexion politique par suffrage populaire, convention ou réactualisation d’une situation ancienne. Voir aussi n° 30, note 10. Et l’intéressante démonstration d’un détenu, juriste, dans le n° 31, p. 14 bas et 15 : 16 septembre 1945.
( 4 ) N° 34, p. 15 : « Le Président des Etats-Unis (Truman) affirme qu’il a l’impression, sur la foi de témoignages sérieux, que les Américains ne traitent pas mieux les juifs que ne l’ont fait les nazis, avec la seule exception qu’ils ne les mettent pas dans les chambres à gaz ».
Les bagnes d’Europe étaient généralisés après la Libération : la Weltwoche du 12 octobre 1945 fait état de 14 millions de détenus (N° 34, p. 13 : 16 octobre 1945).
Au sujet des camps allemands, l’abbé Jenn cite Le Nouvel Alsacien du 20 juillet 1945 et Temps Présent du 19 juin 1945, et parle de la timidité des protestations et d’un complot du silence, à propos des innombrables victimes juives du camp d’Auschwitz (N° 29, p. 15 : 21 juillet 1945, et notes 79 à 81).
( 5 ) N° 28, note 36 ; n° 29 : 13 juillet 1945, p.5-6, et notes 6 à 9. N° 35 : 20 octobre 1945, p. 4-5 ; 14 novembre 1945, p. 14.
( 6 ) Au sujet de l’abbé Brauner, voir n° 27, p. 4 : 6 juin 1945, et note 11. N° 28, p.12 : 5 juillet 1945. N° 29, p. 10 : 16 juillet 1945.
Le Schlachthaus au Struthof français, est mentionné à propos du Journal de Joseph Rossé (La Voix…n° 23, note 17). L’abbé Jenn écrit le 6 juin 1945 (n° 27, p. 4) : « On pense aux trois qui, le 27 janvier, se sont également coupé les veines à l’abattoir ». L’auteur parle des tentatives de suicide de plusieurs détenus voulant échapper aux tortures, en 1945.
( 7 ) Point d’interrogation de notre auteur au sujet d’une chambre à gaz : n° 35, p. 4 : 20 octobre 1945 : « Kramer a nié la présence des chambres à gaz et ne les aurait reconnues que sur la foi des photos ( ? ) qui ont été prises au camp de Natzwiller… D’après l’accusé, les témoins ont raconté des histoires au Tribunal : ‘Ils mentent effrontément’ a crié Kramer ».
Il s’agissait du procès de Belsen (17 septembre au 17 novembre 1945) : voir n° 35, notes 7, 8, 9 et 10. Le Dr Hirt identifie le local comme simple chambre de désinfection ( J.L.Vonau, op. cit. ci-dessous, p. 231), et c’est ainsi, et non comme chambre à gaz, que Kramer a reconnu le bâtiment.
( 8 ) N° 35, note 8, p. 17. Les expériences de Kramer et du Dr Hirt auraient été faites uniquement pour trouver un antidote aux gaz de combat, dont on craignait de nouvelles offensives de la part des Américains. (J.L.Vonau, op.cit. p. 240). Mais alors il ne s’agissait pas, dans ce cas, d’exterminations massives de prisonniers. J.L.Vonau s’étend sur le problème éthique de l’expérimentation déjà opérée par Pasteur et Koch sur des humains,
(op.cit. p. 242), méthode d’expérimentation qui est toujours d’actualité.
( 9 ) Jean Laurent Vonau : Profession bourreau. Struthof-Schirmeck, Les gardiens face à leurs juges. Strasbourg, La Nuée Bleue, 2013.
(10) N° 30, introduction p. 1, et p. 17 (6 septembre 1945) : au sujet d’un pèlerinage de déportés paru dans l’Echo de l’Est le 4 septembre 1945, l’abbé Jenn place des points d’interrogation et d’exclamation après les phrases affirmant que le Struthof a été le camp d’extermination d’un système diabolique, que quatre cents patriotes français ont été enterrés dans une fosse commune, qu’on a trouvé, malgré le nettoyage du camp par les nazis, des os, des cadavres enfouis, des restes de vêtements : ces affirmations, apparemment, le font bondir.
Voir aussi dans ce n° 30, les notes 56 et 57, p. 22.
(11) N° 29, p. 12 : 18 juillet 1945 et note 63.
(12) C’est le témoignage d’un Italien, le 15 novembre 1945, dans une page oubliée du Journal (N° 36, p. 12). Voir aussi n° 30, p. 17 : 6 septembre 1945
(13) N° 27, p. 4: 6 juin 1945.
Au sujet de Dachau, voir n° 28, p. 12, 7 juillet 1945, le témoignage d’un ancien détenu qui avait passé un an à Dachau : « Nous avions le droit de fumer, nous pouvions acheter ce que nous voulions et nous avions des conférences, des projections de films ; les baraques étaient chauffées par chauffage central. La censure du courrier était sévère. Seuls ceux qui avaient commis un crime dans le camp lui-même étaient exécutés. Les surveillants n’avaient pas le droit de nous toucher… ».
(14) N° 28, note 47, p. 17-18.
(15) N° 28, note 47.
(16) L’ordre d’évacuation du Struthof allemand, le 1er septembre 1944 :
Le 1er septembre 1944, l’Inspection des camps de concentration, située à Oranienburg, en Allemagne, ordonne l’évacuation du camp du Struthof. Cet ordre est transmis au commandant du camp, le SS-Sturmbandführer Fritz Hartjenstein. Il rédige immédiatement l’ordre suivant :
A) Conformément à l’appel téléphonique de l’Amtsgruppe D en date du O1/O9/44, le KL-Natzweiler doit être évacué.
B) Les instructions suivantes sont données pour mener à bien cette action.
1 - Le 02/O9/44 à partir de 18h00, la direction de la Reichsbahn de Karlsruhe, mettra six trains à disposition pour le transport des détenus vers le KL-Dachau. Le SS Unterscharführer Sedlmayer doit se mettre en communication à la Kommandantur, Abt. III et à la compagnie de garde.
2 - L’Abteilung III (Section de détention) doit organiser les transports en faisant en sorte que chacun compte environ mille détenus. Il faut prendre en compte pour cela, le fait que les détenus en bonne condition physique peuvent être davantage entassés que ceux qui sont malades ou inaptes au travail. Les transports comprenant les détenus en bonne santé peuvent donc compter 1.100 à 1.200 hommes, en fonction de la composition des trains et des wagons.
3 - L’Abteilung doit prévoir des récipients pour les besoins des détenus. Chaque détenu doit avoir un couvert, cuillère et gamelle. L’Abteilung III avertira la Kommandatur de chaque départ.
En ce qui concerne le transport des malades et des détenus hors d’état de marcher, on utilisera les camions du Service automobile et les deux Buldogs de l’Amt W 1 de Rothau. Les camions doivent être demandés au responsable du Service automobile. Les camions et les Buldogs doivent être couverts durant le trajet entre le camp et la gare, et les détenus toujours accompagnés de gardiens.
Pour la mise à disposition de Buldogs et des remorques, le Service automobile doit se mettre en rapport avec le SS-Standartenführer Blomberg.
Les détenus malades et incapables de marcher doivent être transportés en un ou deux convois sous étroite surveillance. Pansements et instruments médicaux doivent être emportés. Il faut répartir en nombre suffisant le personnel soignant. L’évacuation des malades est placée sous la direction du SS-Standortartzt, SS-Obersturmführer Rohde.
4 - L’Abteilung II (Section Sécurité) et l’Abteilung III doivent étroitement collaborer, pour fixer le plus exactement le nombre de détenus évacués et pour en dresser les listes nominatives. Chaque responsable doit être muni d’une liste. Le transfert des autres documents se fera après celui des détenus.
5 - Le camp et ses dépendances doivent être laissés dans un parfait état de propreté et d’ordre.
6 - Le SS-Hauptscharführer remplira sa mission.
7 - Les gardiens doivent être répartis en fonction du nombre de transports. Pour chacun d’eux, il faudra déterminer qui en aura la responsabilité et qui les conduira. Afin d’assurer le maximum de sécurité, une compagnie de police, forte d’environ 120 hommes, arrivera le 02/09/44, en gare de Rothau, et est mise à disposition. La compagnie de garde doit se mettre sans réserve en rapport avec eux. Il convient d’être particulièrement vigilant et de redoubler d’attention durant le transfert des détenus du camp vers Rothau, afin d’éviter toute évasion ou agression par des civils. La population civile doit évacuer les rues. Les hommes doivent être équipés d’un fusil et d’un MP (pistolet mitrailleur), pistolet et MG (mitrailleuse). La gare de Rothau et les alentours doivent être évacués.
La compagnie de garde veillera à empêcher toute personne d’observer ou de rester stationnée.
Un camion est mis à la disposition des gardiens pour le retour au camp.
Le ravitaillement pour une durée de trois jours doit être prévu.
Les gardiens qui accompagneront les détenus au KL-Dachau devront, sans exception, retourner au KL-Natzweiler.
8 - L’intendance doit préparer le ravitaillement pour trois jours. Le transfert des appareils, objets et vêtements se fera après évacuation des détenus.
9 - Le matériel roulant restera au KZ-Natzweiler après l’évacuation des hommes.
10 - Toutes les Abteilungen doivent se tenir prêtes à pouvoir être évacuées après le départ des détenus.
11 - Toutes les Abteilungen doivent déclarer, pour le 02/09/44 à 11 heures, tous leurs membres et collaborateurs, qui doivent être transférés au KL-Dachau, afin qu’ils puissent, dès leur arrivée, pouvoir continuer leur travail.
12 - Tous les moyens de communication, téléscripteurs, radios, doivent rester sur place.
Le commandant et la garde resteront, après l’évacuation et leur retour, pour l’instant au KL – Natzweiler.
Signé : Hatjenstein.
(Document internet).
(17) N° 30, introduction ; notes 49 et 56, 6 septembre 1945.
(18) N° 30, introduction ; n° 31, 16 septembre 1945.
(19) N° 29, note 2. 13 juillet 1945 ; 17 juillet 1945 ; 22 juillet 1945 ; n° 33 : 29 septembre 1945.
(20) Mgr Weber, Mgr Ruch : n° 28, p. 5 : 23 juin 1945, et notes 16, 17 et 23.
Mgr Brunissen qui refuse d’accueillir la sœur de l’abbé Jenn au mont Ste Odile : n° 29, p. 14 : 20 juillet 1945, et note 76.
Le cardinal Suhard, au mieux, par diplomatie, avec les milieux de Vichy : n° 33, p. 5 et note 9.
(21) De Gaulle : n° 34, p. 4 : 6 octobre 1945.
(22) N° 31, p. 14 : 16 septembre 1945, et note 37 .
(23) N° 28, p.8-9 : 26 juin 1945. N° 29, p. 17 : 22 juillet 1945. N° 35 , p. 2 : 16 octobre 1945. Voir : Robert Aron, Histoire de l’Epuration ( Paris, Fayard, 1969) ; et Jean-Laurent Vonau, L’épuration en Alsace : la face cachée de la Libération (Strasbourg, La Nuée Bleue, 2005).
(24) Journal L’Alsace du 6 février 2015 : Hervé de Chalendar, Struthof et Schirmeck après les nazis : « Histoire zappée, mémoire escamotée, sujet d’étude en friche, des piles d’archives attendent leurs chercheurs ».
(25) On trouve un début de compréhension dans la Weltwoche du 12 octobre 1945 ( cité par L.Jenn, n° 34, p. 14 : 16 octobre 1945) : « Comment un homme peut-il se prévenir contre des actes injustes, contre la fatigue et la dureté de cœur, quand il doit s’occuper de milliers de cas particuliers et souvent sans en avoir le temps ? ».
Dans le même ordre d’idées, je me suis demandé comment les camps allemands ont pu gérer l’afflux de milliers de prisonniers arrivant des camps polonais, à la mi-1944, quand Hitler avait ordonné leur évacuation vers l’intérieur de l’Allemagne. Le chaos qui en est résulté a été stigmatisé, mais un essai d’explication de cette situation ingérable serait passé pour du révisionnisme.
D.V.
L A P H R A S E D U M O I S :
« Les détenus malades et incapables de marcher doivent être transportés en un ou deux convois sous étroite surveillance. Pansements et instruments médicaux doivent être emportés. Il faut répartir en nombre suffisant le personnel soignant »
Fritz Hartjenstein.
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Editions du Château d’Argent, 185 rue de Lattre de Tassigny, 6816O Ste Marie-aux-Mines.
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ISSN : 265O -7225. Dépôt légal : 1e trimestre 2O22.
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