Musée du Chateau d'Argent

Journal janvier 2022

L  A      V  O  I  X      D  A  N  S      L  E      D  E  S  E  R  T
Mensuel du Château d’Argent,  N°  35      -      Janvier  2022
Abbé Lucien JENN
Curé de Bischoffsheim
 
LE JOURNAL D’UN PRETRE ALSACIEN EN CAMP DE CONCENTRATION.
 
LES CAMPS DE CONCENTRATION DE SCHIRMECK ET DU STRUTHOF
PENDANT LA PERIODE FRANCAISE.
1945 
Première traduction intégrale,  publication avec introduction et  notes,  par Danielle VINCENT.
 
-  X  -
 
(Suite de La Voix dans le Désert n° 25, avril 2O21 ;  n° 26, mai 2O21 ;  n° 27, juin 2O21 ;  n° 28, juillet 2O21 ;  n° 29, août 2O21 ;  n° 3O, septembre 2O21 ;  n° 31, octobre 2O21 ;  n° 32, numéro spécial ;  n° 33, novembre 2O21 ;  n° 34, décembre 2021).
 
A la mi-octobre 1945, il y avait encore 1.301 détenus au Struthof français, et environ 1.400 au camp de Schirmeck..  Dans les deux camps, les  libérations de prisonniers se succèdent.  Mais l’abbé Jenn attend désespérément son tour. Il fait sa valise, mais rien ne vient.
 La population voyait d’un mauvais œil le retour des détenus dans les communes, car elle les prenait toujours pour des malfaiteurs et d’anciens nazis  (16.10.45).  Arrivés chez eux, certains sont molestés à mort (14.11.45). Une ligne de fracture commence à apparaître au sein du clergé et de l’Eglise :  alors que les relations protestants-catholiques sont excellentes, les rapports entre prêtres  « résistants » et clergé – comment dire ? – d’orientation  équivoque, explosent de ressentiment. L’abbé Jenn en veut à ces prêtres semeurs de haine et de discrimination (16.10.45).
Pour notre ami, c’est la Bible qui est le plus grand réconfort (16.10.45).  Qui a dit que les catholiques ne lisaient pas la Bible ?  On est étonné aussi par la compassion que l’abbé Jenn montre, à cette époque, pour la cause animale. Un précurseur sur bien des points (16.10.45).
On apprend ici des nouvelles de différentes personnes dont il cite les noms, et dont les descendants sont sans doute encore en vie actuellement. Ce sont notamment des habitants de Bischoffsheim (24/10/45 ).
Les violences des gardiens et la faim poursuivent leurs ravages. Les marchandises qui arrivent au camp  sont souvent avariées (20.10.45). La faim est telle que, près de mourir, les détenus cherchent dans les poubelles des déchets de pelures à manger. Ils se font battre à mort par les gardiens à cause de ce « larcin » (14.11.45).  L’abbé Jenn subsiste grâce aux paquets que lui envoie sa famille et aux dons  de personnes charitables.   La nourriture et les repas sont un souci omniprésent,  une obsession chez lui  (20.11.45).
Il continue à lire la messe chaque jour et à intervenir auprès de détenus enclins à la vulgarité, qui entretiennent au camp un climat  délétère (21.11.45).
Un passage, sans doute le plus émouvant de ce Journal, révèle l’amitié de l’abbé pour les Juifs, alors qu’il essaie, à Schirmeck, de restaurer leur cimetière vandalisé par les nazis. Il est scandalisé  surtout par l’hypocrisie des habitants, qu’il accuse d’avoir participé à ces profanations et qui s’en cachent maintenant, sous des airs de bons patriotes français. Mais aucun   n’a été arrêté  par l’Epuration et ne se trouve au camp.  Par extension,  l’auteur suggère que, dans  bien d’autres communes, les habitants avaient participé à la destruction des cimetières juifs, à l’époque nazie (30.10.45).
Toujours se pose la question déjà évoquée dans ce mensuel  (N° 30, notes 49, 56 et 57) de savoir pourquoi l’abbé Jenn doute de l’existence, au Struthof, d’une chambre à gaz.  Il interprète la  déposition du commandant de camp nazi Josef Kramer au procès de Belsen (septembre à novembre 1945) comme un démenti  à la réalité de cette structure au Struthof. Apparemment, personne n’en parle là-haut,  même pas d’anciens détenus du  camp allemand.  Pas non plus de tout le « reste », tout ce qu’on a montré aux visiteurs après la fermeture du camp français.  L’énigme demeure. Mais nous citons la déposition de Josef Kramer :  le lecteur pourra juger lui-même (notes 7 et 8).
 
16.10.45  (suite).    Alsace libérée du 20.10.45 – 2e année, n° 248 : ( 1 )
 « Une protestation s’impose. La population du Val de Villé a appris et apprend avec stupeur tous ces jours, que les détenus sont libérés et quittent les camps de concentration inconditionnellement. La population rend responsable de ces mesures le Comité d’épuration. Nous voyons revenir tous ces malfaiteurs, tous ces réprouvés politiques, tous ces nazis chevronnés qui, pendant 4 ans, ont marché la main dans la main avec la terreur  boche, contre lesquels, depuis des mois, nous avons recueilli tous les griefs dans le sens de justice le plus strict. Nous protestons de toutes nos forces que ces élargissements soient faits sans notre consentement, sans que l’Administration nous ait prévenu  (sic, ndlr) ou au moins donné préalablement ses raisons dans la presse.
Dans ces conditions, ne pouvant assurer la responsabilité des mesures qui choquent le bon sens le plus élémentaire, constatant que les avis des commissions d’épuration et les conclusions données à nos enquêtes sont considérées comme lettre morte, il ne nous reste plus qu’à donner notre démission et à la rendre publique.
Nous savions que la population ne voulait plus voir ces serviteurs boches, dont beaucoup ont été des terroristes notoires dans nos villes et villages. Nous ne demandions pas de condamnations draconiennes, mais même notre demande pourtant bénigne, la défense de revenir s’installer dans notre département ou dans les départements limitrophes, est rejetée. Notre travail assidu et délicat, entrepris uniquement dans le but d’assainir la terre d’Alsace de ces éléments anti-français, ce travail est torpillé par les récentes mesures prises qui ne manqueront pas d’avoir de graves conséquences.
Pour le Comité d’épuration de Villé :
Le Président, Dr Paul Haubtmann, conseiller général ;  le Vice-président, Eugène Bansept, maire d’Urbeis, interné politique ;  les membres : abbé Hett, curé de Maisongoutte, déporté politique ;  abbé Dossmann, curé de Neubois, grand blessé, chevalier de la Légion d’honneur, croix de guerre avec citations ; Camille Paulus, interné politique ; Albert Stebler, interné politique ; Paul Roché, maire de  Lalaye ; Schieber Camille, maire de Bassemberg ; Woerlé François ; Chamley René ; Humbert Paul ; Vonrosbach, maire d’Albé ; Gonand René, Steige ; Senentz, Breitenbach ; Meyer Constant, interné politique, St Pierre-Bois ».
 
( 2 )   Le brouillon d’une réponse :
« M. le Curé Hett,
Tous les dimanches, à la Ste Messe, notre aumônier nous parle de l’amour du prochain et du pardon des offenses. C’est donc avec surprise et tristesse que nous voyons apposé en bas d’un manifeste publié par L’Alsace libérée du 20.10.1945, la signature de deux prêtres, la vôtre et celle de M. l’abbé Dossmann.
Ce manifeste ne révèle-t-il pas un esprit de haine et de vengeance peu digne d’un prêtre catholique qui doit représenter le Christ ? Votre attitude contraste totalement avec ce que nous avons appris de la morale et de la charité chrétienne. Les Dimanches, vous parlez de cette charité à vos paroissiens, et les autres jours vous prêchez une haine payenne (sic) et vous semez la discorde dans notre pays. Que le Dieu de bonté et de miséricorde  vous éclaire, vous convertisse et vous pardonne !
Le fait que vous avez été un déporté politique ne vous donne aucunement le droit de vous élever au-dessus de vos semblables, de les juger et de les condamner d’une manière injuste et cruelle. Votre conception politique vous a-t-elle fait oublier vos devoirs de chrétien et de prêtre ? Un dimanche, par exemple, vous avez visité le camp de Schirmeck. D’une hauteur surplombant notre camp, vous vous êtes moqué des internés ; avec la société qui vous a accompagné, vous les avez même insulté  (sic)  d’une manière vraiment scandaleuse. Le tort que, ce jour-là, vous avez fait à la religion est immense et presque irréparable. Que ce mépris que vous montrez à vos frères en Jésus-Christ ne retombe pas sur vous-même et que votre semence de haine toute payenne  (sic)  ne porte pas un jour des fruits funestes et pour vous et pour notre pays »  ( 3 )
 
Ce 16 oct.    A 6h du matin, l’adjudant Filzer  a été expulsé avec sa voiture devant la barrière, de façon définitive. Filzer veut saisir maintenant la police criminelle et mettre en cause le commandant en raison des dessins qu’il a fait faire par les détenus et des meubles qu’il a fait confectionner dans le camp.
Filzer avait la croix de guerre avec épées, et se trouvait ici pour garder les Alsaciens- Allemands. On faisait des blagues : là où le renard prêche aux oies et où  le bouc est mis chez le jardinier, on est à Schirmeck.
Le « concierge » Mauermann a reçu de mauvaises nouvelles de chez lui.  Sa femme – avec une petite fille de 4 ans – veut divorcer.  « C’est le beau-frère, prétend Mauermann, qui est là derrière ; il voudrait avoir ma maison.  Quand je serai de retour chez moi, je remettrai les choses en ordre, ainsi que les esprits ;  il est vrai que je suis absent depuis six ans ».
La porte intérieure, seuls les  signati  peuvent la franchir sans être arrêtés : ce sont ceux qui ont un trait blanc en travers de la manche droite.
Toute la matinée, j’ai rassemblé les petites feuilles dorées des bouleaux, sur les places et dans les allées.
« J’ai vu tomber beaucoup de petites feuilles et j’avais le cœur lourd »  disait l’un de mes compagnons de peine.  J’ai alors pensé à une petite poésie italienne, que j’avais jadis apprise par cœur :  « Quando cadran le folie »,  « Quand tombent les feuilles ».
Dans un calendrier  de l’armée américaine « Almanacs », j’ai trouvé une belle et consolante histoire au sujet de la lecture biblique :
« La Bible.
Quand je suis fatigué, la Bible est mon réconfort.
Quand m’entoure l’obscurité, la Bible est ma lumière.
Quand j’ai faim, elle est mon pain de vie.
Quand je suis en danger, elle est mon arme de combat.
Quand je suis malade, elle est la plante qui guérit.
Et abandonné, elle est mon guide.
Quand je suis nu et sans vêtements, elle est l’habit somptueux et chaud.
Quand je suis prisonnier, elle me conduit au  large.
Quand souffle la tempête autour de moi, elle est un port de sûreté.
Si je veux entreprendre quelque chose, elle aplanit la mer devant moi.
Si je veux me reposer, elle est la prairie fleurie ».
Hier, plusieurs sacs « Julienne » se trouvaient devant la cuisine. Ils venaient de la             
Coopérative de Budapest.
Cet après-midi j’ai été préposé à la pelure de betteraves. En compagnie de l’oncle Klein, j’ai de nouveau avalé une petite salade de feuilles de betteraves. Notre cher Klein pesait, dans le temps, 300 livres.  La cure d’amaigrissement d’ici lui a fait du bien. Après la collation végétarienne, l’oncle a offert du café, avec du sucre.
Le sieur commandant était à Strasbourg ; il en a rapporté, paraît-il, 112 ordres de libération.  Femmes et hommes ont assisté avec plaisir à un combat de taureaux. Ils se régalèrent  du jeu cruel entre un chat et une souris que l’on avait attachée à une ficelle.  Pauvre petite souris ! N’aurait-on pas dû dire plutôt :  pauvres hommes !
Ce soir, le Prof. Stoffel  a voulu attaquer avec moi un sujet religieux en anglais. A la fin du cours, il m’a dit :  « Vous en savez plus que ce que je croyais ».
 Les coiffeurs Hessenauer et Rudolf ont été libérés aujourd’hui.  « Vous avez de nouveau un compte rond », m’a dit quelqu’un, quand il m’a vu égaliser le gravier avec le râteau.  Les ramasseurs de petites feuilles ont secoué les arbres, quand ils n’ont plus eu de feuilles à ramasser,  pour ne pas être appelés à un autre travail, peut-être plus pénible.  Le  soleil ne veut pas vraiment se montrer aujourd’hui. D’épaisses nappes de brouillard se mettent constamment « devant la face du soleil ».  L’après-midi, j’étais au commando du balai et ensuite à la cuisine à couper les betteraves pour le cuisinier.  J’ai eu deux grosses ampoules aux mains, donc je n’étais pas paresseux à la tâche.
Plusieurs libérations de nouveau, et parmi elles le garde-forestier Litzmann, ainsi que le professeur Schwartz avec son épouse.  Selon le souhait du professeur Schwartz  ( 4 ),  les bons services qu’il avait rendus à la population pendant l’occupation étrangère, ont été mentionnés.  C’est la raison pour laquelle il a été de nombreux mois en détention au KZ avec sa femme.
Après la soupe de carottes, on a de nouveau eu de la marmelade.
 
19.10.45      Cette nuit,  je suis parti à la chasse aux puces – sans permis de chasse.  J’en ai achevé quelques beaux specimens, qui auraient fait honneur à tous les cirques de puces. Je ne suis jamais revenu bredouille de ces escapades.  On ne peut pratiquement pas attraper ce gibier sans mouiller son doigt. La puce est sûrement ce qu’il y a de plus sucré au monde, puisqu’on se lèche les doigts avant de l’attraper.
Hier soir, un architecte a lu des poèmes sur notre vie au camp. La strophe sur la terreur des Panzer  était percutante ; si seulement je pouvais me la procurer !!  Un SS est apparu déguisé en Noir et a imité l’accent américain sur de la musique noire adaptée.
Aujourd’hui il y a toujours beaucoup de brouillard.  Le Struthof met très volontiers son chapeau. Là-haut, au Struthof, il y a encore 1.301 détenus. Ici, à Schirmeck, nous sommes environ 1.400.  Le nombre des détenus ne diminue que lentement. Quand viendra mon Jour ?
Le 11 septembre, Sa grandeur Mgr l’évêque avait promis de s’intéresser à mon cas. Et aujourd’hui, un bon mois plus tard, je me trouve toujours en habit de prisonnier.  Peut-on le croire ?  Il y a 100 ans, les mêmes événements qu’aujourd’hui se produisaient en Europe.  Pour les années 1848/49, Hansjakob  ( 5 )   donne ce témoignage :   « P. 184 :  Le capitaine prussien, auquel étaient confiés les prisonniers, se comportait avec humanité envers les prisonniers révolutionnaires.  Le soir, il leur faisait parvenir un petit tonneau de bière ; aussi les femmes et les enfants pouvaient leur rendre visite . Même aller au lit et …  (une page manque) ».  Que doit-on penser d’un tel capitaine et d’une telle supervision ?  Ce que Hansjakob fait dire à Becke-Peter, est-ce vrai  (p. 5) ?  Il disait :  « Il n’a jamais rencontré un idiot qui se soit plaint de sa bêtise et s’en soit trouvé mal, et c’était une chance ».  « De tels pauvres diables… n’avaient pas besoin de laisser de traces derrière eux.  Le plus souvent, il est bon que l’on ne sache pas plus tard avec quelle stupidité ils ont appréhendé le monde ».  La bêtise, on peut encore la supporter et l’accepter facilement ; mais c’est autre chose pour la méchanceté, la cruauté et la brutalité !
 
20.10.45      Un chargement de salade est de nouveau arrivé. Il y aura encore de la soupe de salade. Ce n’est pas mauvais ; je n’aurais jamais cru  qu’une telle chose pourrait un jour me convenir.  Aujourd’hui, de nouvelles libérations doivent avoir lieu. Si non e vero, e ben trovato.
Les Dernières Nouvelles  ( 6 )   du 11.X.45,  annoncent qu’au procès des criminels de Belsen ,      
( 7 )   on a aussi parlé du Struthof :  « Kramer, l’accusé  ( 8 )  a contesté que les prisonniers, à Natzwiller, servaient aux expérimentations, mais il affirme qu’ils ont été envoyés à Natzwiller et à Strasbourg pour des expériences relatives aux chambres à gaz auprès du Dr Hirt  ( 9 )   . Kramer a nié la présence des chambres à gaz, et ne les aurait reconnues que sur la foi des photos  ( ?  sic) qui ont été prises au camp de Natzwiller  (10) …  D’après l’accusé, les témoins ont raconté des ‘ histoires ‘ au tribunal :  ‘Ils mentent effrontément’, a  crié Kramer ».
Des épinards ont été livrés ici par wagon. Une grande  quantité en était pourrie. Le wagon dégoulinait, fermentait et écumait.  Tout ce qui pouvait se déplacer a dû se mettre au déchargement des épinards, pour sauver ce qui pouvait encore l’être.  Au travail de nettoyage, j’ai entendu ceci :
« Qui a livré les épinards ?
-  Ils viennent de Bischoffsheim.
- Ils ont simplement été fauchés.
- Ils auraient dû être livrés dans des paniers.
- Le livreur est le maraîcher Briemel.
- Est-ce que c’est un des nôtres ?
- Non, du temps allemand, il livrait déjà au camp. Avant, il était bon Allemand. Maintenant il livre de nouveau, et il est bon Français.
- Aura-t-il lui aussi un jour la monnaie de sa pièce ? »
Ici, il faudrait donner une petite place au  forgeron de clous,  Nagelespitz,  dans Haslacher Leut (11)  de Hansjakob. Pour quelle raison ?  Chacun doit la trouver lui-même !
« Aucun n’était à l’abri de la langue venimeuse du cloutier, quand il croisait son chemin. Pendant la Révolution de 48, il profitait de la liberté nouvelle uniquement pour ‘dire leur vérité’ à des gens qui étaient mal vus. Dans les assemblées du Peuple, il ne se battait ni avec des armes, ni avec des discours ; mais dans la rue, il visait l’individu et le transperçait à mort de sa langue pointue, au nom de la Liberté, de l’Egalité et de la Fraternité »  (p. 113).
Au retour d’une corvée  en train (12),  et particulièrement en wagon à bestiaux, un copain, qui dormait dans un coin sombre, avait été oublié en descendant du convoi. Le groupe de corvée a dû attendre dans la cour jusqu’à ce que l’absent soit de retour. Le dormeur fatigué a reçu, pour sa fatigue, huit jours (de cachot ? )
 
Dix pages manquent ici.
 
Dimanche, le 21 oct. 1945     Ce soir, j’ai assisté en Baraque VI à une soirée  haute en couleurs. Dommage qu’à côté des épisodes sur la Russie et sur les événements de l’époque, il y ait eu aussi quelques obscénités, témoignant d’un esprit qui pouvait vraiment faire perdre le moral.
  1. Edwin Muller, l’ancien gardien de cochons, va nous quitter aujourd’hui. Les élections d’hier se sont bien passées, du moins en ce qui concerne l’Alsace. La liste MRP a fait passer 5 candidats ; les Communistes, Rosenblatt ; la UNAR le Capitant ; et les Socialistes, le fameux Naegelen.  En Haute-Alsace aussi, le MRP doit avoir le dessus.
 
22.10.45     Comme ce matin tôt, je n’avais pas de vin de messe, je n’ai lu la Ste messe qu’à 10 heures. M. l’Aumônier m’a apporté le vin et, pour la faim corporelle, un morceau de pain blanc.  Dehors, un temps de pluie.
A côté du titre du journal populaire Ami du Peuple, il y a, dans le numéro du 21 octobre, un mot de notre pape  (13) :  « Si le monde veut retrouver la Paix, il faut que disparaisse le mensonge et la rancune, et qu’à leur place règnent en maîtresses la vérité et la charité ».
Petit père Staline, on l’a appris ce soir, vient de mourir.  Et ainsi, tous les « grands » qui ont fait la guerre ont quitté la scène mondiale : Roosevelt, Mussolini, Hitler (Staline).  Churchill,  par contre, est toujours en forme  ( 14).   
 
23.10.45      Vingt autres prisonniers sont sortis aujourd’hui.  Ils doivent aller au tribunal de Saverne. On dit que 120 hommes seront encore libérés aujourd’hui.  En ce jour, j’ai lu la messe pour mon fidèle et consciencieux servant de messe, Jos. Schneider.  Au petit déjeuner, on a eu des oignons avec du sel. Je ne savais pas que cela pouvait être aussi appétissant.  Une Madame Schwartz, qui habite maintenant à Schirmeck, m’a envoyé un pain rond. Elle a dit au porteur de colis Fasch Victor d’Erstein, qu’elle penserait à moi toutes les semaines. Si je savais seulement qui est cette  Madame Schwartz.  Fasch est un bon copain. Il m’a souvent donné de son surplus, tantôt une pomme, tantôt un oignon ou un morceau de pain. Que le Seigneur le lui rende au centuple, et lui redonne la foi et la paix du cœur.
A propos de l’abbé Hett,  le chef de baraque Schibilski, qui est aujourd’hui un bon ami à moi, prétendait  que  « Tous ceux qui vont le dimanche à la messe sont des idiots ».  Je n’ai pas entendu personnellement cette remarque, étant absent.  Je célèbre encore toujours la messe après l’appel, quand le service du camp s’en va.
Aujourd’hui, il fait relativement chaud dehors. Il n’y a pas pour nous de travail en route, pour le moment.  C’est pourquoi un groupe a dû venir s’exercer sur la place. Cette fois, la radio du camp ne nous a pas trompés. Il y a effectivement 95 hommes et 31 femmes, donc 126, qui ont été libérés aujourd’hui. J’ai eu l’occasion de remettre mon coffre à Huttard, le chauffeur. J’en suis heureux car ainsi je n’aurai pas trop à porter, quand je sortirai.  Louis Roth, de Bischoffsheim, vit encore, comme me l’a raconté son père, mais il est toujours en détention.
Le 21 octobre, on a fêté la sainte patronne de Bischoffsheim,  Ste Aurélie,  et c’est un prêtre remplaçant qui a prêché. Des prêtres plus jeunes, dont l’abbé P. Schmitt, ont tenu le service.  Mon menu de Fête patronale consistait, à midi, en une soupe de salade avec pommes de terre.
 
24.10.45     A l’instant,  40 femmes munies de pioches, râteaux et pelles, sortent d’ici. Elles doivent nettoyer et arranger le cimetière du camp.
Schmitt René et Briemel Alphonse ont  livré aujourd’hui du céleri, des poireaux et des épinards.  J’ai pu bavarder un moment avec eux.  Kirmann Edouard et la mère de Marie Schuster, une grande bienfaitrice du presbytère, sont décédées.  Je célébrerai le Sacrifice de la Messe demain, pour + Madame Schuster.
J’ai eu la chance de pouvoir remettre à toutes deux une couverture de laine et ma cape. Il faut que je réduise mon trop lourd ballot.  Un des 40 de la Meinau, qui sont arrivés hier, m’a donné le bonjour de mon frère. Il se trouve en ce moment au Bastion, et non plus à la Meinau.  Il pense être bientôt libéré et s’en ira de suite à Paris.
Un nouvel instituteur est arrivé dans mon ancienne paroisse ; il se chargera aussi de tenir l’orgue.  Himber Marcel, le « camarade » est décédé pendant le transport qui le ramenait de captivité.  Le consciencieux chef de la H.J.  (15), Francis Armbruster est revenu ; il n’a été ni battu ni enfermé.  Pourquoi tous n’ont-ils pas été traités ainsi ?  Mon vicaire était là ; les nouvelles qu’il a apportées, je les connaissais déjà pour la plupart. Ce qui était nouveau, c’est que Geissel Clément et Stephan sont morts dans le camp de prisonniers russe. De même, les deux fils de Muller Paul ne sont plus revenus.  Dr Pfiffer a loué la Maison des sociétés  pour 600 F par mois. Melle Kirmann-Frey fait de nouveau des « histoires ». Elle a déjà écrit à l’Ordinariat de l’Evêché. Un des fils de Madame Jacob est très malade et a dû être couché dans le plâtre.
Mon frère a été conduit à Paris.  Il n’y a eu que 58 hommes qui ont pris la Communion à la Fête patronale, et 4 religieux ont apporté leur aide à la confession.
Lucienne avait invité deux copines à la fête. Les raisins du jardin ont été vendangés par Clara. La basse-cour de Maria est remplie. Joseph Baechtel est arrivé comme le benjamin au Conseil municipal. Ce soir, ils sont 15 (7 femmes et 8 hommes) à être libérés.  M. l’Aumônier St.  (16)  a discuté avec Mgr.  (17) : « J’ai fait des démarches pour M. le Curé Jenn ». C’est tout ce qu’il a su dire à mon sujet.  Sur la mention du curé Hett, il a prétendu :  « Qu’il prêche l’Evangile et ne s’occupe pas de politique ! »
« N’oublions pas,  a fait remarquer l’Aumônier,  que  Son Excellence l’évêque est un grand patriote ».  « Alors il ne nous convient pas »   a répondu le chef de chœur, M. Schwarz.
  1. Boissenin m’a permis de lire la messe, mais pas de prêcher. C’est ce que je n’aurais pas non plus demandé. N’y a-t-il pas sous cette interdiction l’idée que je pourrais abuser  -politiquement et en hérétique – de la Parole de Dieu ?
 
25.10.45     Avec 45 autres, qui pourront partir aujourd’hui, se trouve le maître -nageur Meyer du Val de Villé, ainsi que Ruckgraff ;  et à moi, c’est toujours refusé.  Cette nuit, il y avait de la pluie et du vent.  Beaucoup de feuilles sont tombées.  J’ai pu « racler »  (18)  autour de la baraque.  Ensuite : garde du balai et commando des paquets.  Au repas du soir :  soupe d’épinards avec pommes de terre et marmelade.  Ce soir : chez le délégué M.Kurtz, entre 7 et  8 heures.  Je lui ai demandé de rechercher où pouvait, en réalité, se trouver  mon dossier.
Le vieux « Panzerschreck »  (19), avec deux autres encore, avait attaqué une dame âgée, l’avait dépouillée et violée. Il a eu plusieurs années de prison pour cela. Il paraît, a dit le délégué, qu’il passe maintenant des nuits entières à prier.  Et ce Panzerschreck était, dans les premiers mois de notre détention, notre tourmenteur, notre bourreau, notre sbire.
 
26.10.45    Il y a des corvées qui n’ont pas pu être assumées, surtout à la carrière de pierres, à cause du vent et de la pluie. C’est pourquoi j’ai eu, à la Ste messe, une assistance plus fournie que d’habitude. J’admire  le comportement paisible et recueilli de mes camarades. Parmi eux se trouvaient aussi quelques protestants.
Marcel Kraesner, qui travaille avec des détenus, ici à Schirmeck, « a chanté mes louanges ».  Jean Schlumberger écrit, dans un article intitulé « Problème allemand »  (20) :
« Une vieille nation peut toujours se faire respecter quand elle incarne une stricte justice, une scrupuleuse fidélité à la parole donnée ; ce sont là des titres puissants pour gagner la confiance des peuples. Il dépend de nous d’être les Champions du droit… Nous rêvons d’entraîner autrui dans notre sillage, mais n’ont de sillage que les bateaux en mouvement. Derrière ceux qui dorment à l’ancre, personne n’aura l’idée de se ranger pour chercher fortune. Est-ce que nous conservons, malgré notre dénatalité, nos ruines et notre impuissance administrative, assez d’allant, assez d’abondance morale pour servir de pôle attractif à des populations qui ont vécu dans une toute autre tension vitale ? C’est la question préjudicielle qu’il faut bien avoir le courage de nous poser. Nos intentions ne trouveront d’écho que dans la mesure où nous prouverons la supériorité de ce que nous apportons… »  (Le Figaro n° 372, 24.10.45).
 
27.10.45     Hier, la « scandaleuse »  libération de Jules Schirmann, qui a été cherché en voiture (Herberich). Ceci a donné lieu à une courtoise prise de congé, avec serrement de mains et sourires amicaux du commandant et de l’adjudant.  Quand on ira à Strasbourg,  ce sera bien d’aller dire un petit bonjour à Schirmann Jules qui a traîné ici à l’infirmerie, mais a jeté le bâton en l’air de joie, devant la barrière, pour montrer qu’il était de nouveau guéri.
L’abbé Gabriel  (21)  m’a fait envoyer, par M. l’Aumônier, un paquet avec du gâteau, 3 petites saucisses, du sucre et de la viande en conserve.  « Quel beau firmament d’étoiles ! »  Comment pourrai-je jamais lui rendre ce geste d’amitié ?  (Après la libération :  j’ai récemment lu la Ste messe pour ce bon prêtre défunt +)  (22).  Deux sorties doivent  avoir lieu lundi prochain.
 
28.10.45    Dimanche du Christ-Roi.   Un temps beau et ensoleillé.  J’ai lu ma messe pro populo - pour ma paroisse.  Les deux grands arbres devant le camp sont déjà entièrement dépouillés de leurs feuilles.  Les premiers messagers de l’hiver,  les corneilles, se livrent à des vols incertains et crient au-dessus de la « cour des casernes » où nous nous tenons pour l’appel.  Un menuisier, un sculpteur, un artiste-peintre sont recherchés.  Avant on disait :  « Sculpteurs et curés doivent sortir des rangs ». Schwind a trouvé cette expression  ou plutôt cette invective.  Heureusement, tant de sculpteurs se sont présentés, que nous, prêtres, étions en surnombre; nous avons pu nous retirer, au grand dam du sieur lieutenant du camp  (23) .
Ce matin, il y a eu de nouveau du beurre, après longtemps.  L’archevêque Jules Gérard Saliège de Toulouse  (24)    note que l’esprit d’Hitler est encore est encore vivace en France et cause des ravages.   (25)   
« Son esprit vit toujours et…opère des ravages en France, ravages des mensonges que les journaux et les propagandes nous prodiguent chaque jour. Ravages dans certains camps de concentration et ravages dans certaines prisons, ravages de la haine et ravages de la vengeance… Des hommes meurent de faim, des hommes sont frappés, piétinés. Dachau existe toujours. Il n’est plus en Allemagne… Mes frères, ne vous laissez pas tromper. L’esprit de vengeance, l’esprit de haine, ce n’est ni humain ni chrétien. Je vous demande de ne pas vous laisser mener par cet esprit de haine et de vengeance. Ne soyez pas des hitlériens au petit pied. Méfiez-vous : les mots changent, la chose demeure. C’est mon devoir de vous dire cela. Seule la vérité vous libèrera. Seul l’amour fera triompher la justice, une justice humaine, non une justice d’ambiance. Une fois de plus les assassins de Dieu sont les assassins de l’homme. Pour qui ne croit pas en Dieu, la personne humaine ne compte pas. On l’a vu, on le voit encore… »  (Honneur et Patrie. Vendredi le 26.10.45).
 
29.10.45     Il y en a de nouveau cinq de notre baraque qui ont été congédiés. Ensuite 27 femmes, environ autant d’hommes, parmi lesquels M. le Prof. Frey de Sélestat ; en tout 102.
  1. Wirth d’Epfig a eu la visite de sa femme, avec autorisation de parloir. Un Fifi lui a dit :
« Il n’aurait pas été nécessaire de vous déranger: votre mari est mort ce matin ».  Quand la femme et l’enfant ont poussé un cri et qu’il prit conscience de ce qu’il avait fait, il ajouta rapidement :  « Ce n’était qu’une blague ! » Wirth a déposé plainte auprès du commandant.
  1. Issele - plus tard il mit fin à ses jours – a été libéré ce soir et est venu me dire au-revoir alors que j’étais au lit.
 
30.10.45      Mon servant de messe Jos. Schneider qui, au dernier jour d’une neuvaine, m’avait demandé de lire une messe en l’honneur de la Vierge du Secours perpétuel, a été libéré encore le même soir.  M. Fritz m’a mis à disposition un couteau qu’il a confectionné lui-même. J’avais perdu le mien. Il a sans doute été enfoui dans la couverture de laine, le jour des punaises.   L’après-midi, le cher homme m’ a raccommodé ma paillasse.  Il est originaire d’Ober ( ?  sic ) Seebach et est protestant.
Aujourd’hui nous, entendez mon copain et moi, avons  mené à bien un travail qu’aucun n’a jamais entrepris.  Nous avons nettoyé le cimetière juif.  Toutes ses pierres tombales avaient été renversées par les nazis : un acte de barbarie morale, du vandalisme sans pareil. Les Schirmeckois, qui avaient un jour participé à ces profanations de sépultures, vont maintenant s’esquiver et se cacher  -  ou crier fort : « Vive la France ! », pour effacer le passé. Je ne crois pas que l’un d’eux se trouve au camp de concentration de Schirmeck.
Nous profitons de l’occasion pour arranger aussi deux tombes de nos copains et de nos amies qui sont morts ici, dans le camp ; nous les garnissons de lierre et de gui en vue de la Toussaint toute proche. Nous avons aussi ôté la mauvaise herbe de la tombe du Major Deupke, mort en 1909 à Schirmeck – La Broque, chevalier de la Croix de fer.
  1. Reinhard a présenté ce soir une de ses meilleures pièces : un couple, affligé d’un défaut de prononciation, voudrait éteindre la bougie avant d’aller dormir. Le jeune époux souffle à droite de la bougie, l’épouse à gauche, et la bougie continue à brûler. Le beau-père, appelé à la rescousse souffle trop haut, et la belle-mère trop bas. On appelle le garçon d’hôtel : il étouffe la flamme de ses deux doigts. Pendant que M. Reinhard fait ce geste, la lumière qui était éteinte avant la scène, se rallume comme par enchantement.  La pièce était très bien jouée et a valu à notre cher acteur plein de félicitations et une reconnaissance méritée.
 
31.10.45     Des détenus du Struthof sont arrivés toute à l’heure, et, parmi eux, de vieilles connaissances.  Le forgeron d’art Kopp est aussi là. Ils ont été hébergés au Schlaghaus  (26) . Lorsque le commandant Rohfritsch s’est pointé, l’un d’eux a crié :  « Husch, husch, dehors ! »    Pierrelle s’est précipité sur l’un d’eux et l‘a tabassé… C’était la « bavette ». Après on a su qu’un Lingolsheimois, une ordonnance du commandant, était l’auteur du délit.
Ce matin, entretien avec le chef de baraque Schibilski. Il était tout étonné que les croyants d’autres religions pouvaient aussi aller au Ciel, malgré la phrase, souvent faussement interprétée :  « Hors de l’Eglise, pas de salut ».   Au Struthof, la baraque XV a été aménagée en chapelle. A cette fin,  le Uhli a peint une représentation du Sacré-cœur de Jésus.  Au mur sont accrochées ses 14 stations.  Toute l’après-midi nous avons, avec encore 3 copains, retourné le jardin d’un gendarme,  qui est d’ici.  Le casse-croûte, offert ensuite, était fait de haricots, tomates, salade, un morceau de fromage, du pain blanc et quelques bouteilles de bière.
 
1er novembre  - La Toussaint      A 10h, grand’messe. La chorale a interprété plusieurs  morceaux à quatre voix et a chanté la Messe de Dumont.  Pendant la communion, un  magnificat  à voix mêlées.  Quelques hommes et femmes ont été cherchés pendant la célébration, ayant été libérés.  M. Appel d’Andlau, a aussi été libéré.  Il remercie les sœurs pour tout ce qu’elles avaient fait pour lui avant l’effondrement.  Mais après, ces mêmes religieuses lui ont, paraît-il, fait beaucoup de mal  -  la valise avec des pièces de rechange ?!
Une blague du Struthof qui, en fait, ne colle pas bien ici. Mais comme elle est bonne et que je ne voudrais pas l’oublier, je la raconte ici :  Le commandant avait besoin de quelques paniers pour le camp. On demande aux détenus s’il ne se trouve pas quelqu’un qui pourrait le sortir d’affaire ; mais en vain, car il n’y a aucun vannier parmi eux. Il rassemble les Fifis, et voici qu’il y en a vingt à se présenter. « Dieu merci , dit le commandant, qu’il y en a quelques-uns, sinon j’aurais dû faire cela moi-même »  (27) .
Pendant que j’écris cela, à côté de moi un graphologue étudie l’écriture d’un détenu.  Le graphologue est capable de tout découvrir, oui, absolument tout, du père au grand’père, du passé à l’avenir ; il voit tout sur la santé et la maladie. Le professeur Stoffel de Bouxwiller a été, paraît-il, un de ses meilleurs clients.  Le jeune théologien Wagner, du Struthof, m’a raconté que P. Fl. avait demandé de mes nouvelles. De tous côtés on demandait après moi et on me cherchait. L’ordinariat, le Mont Ste Odile, Mgr Douvier, personne ne savait où j’étais.
 
2.11.1945    J’ai pu lire aujourd’hui trois messes à l’intention de…  M. l’Aumônier a tenu, pendant la Grand’messe une prédication pour la Toussaint. La chorale a présenté un  Pie Jesu et un De Profundis  à plusieurs voix.  Fritz Klein a fait cadeau, aujourd’hui, comme si souvent,  d’une salade verte bien fraîche.  Je l’ai lavée trois fois et j’ai encore trouvé, la troisième fois, un asticot dedans.
 
3.11.45.       Environ 60 femmes venant du Struthof sont arrivées ici.  A l’appel, le lieutenant Mura m’a dit soudain :  « Jenn, partez ! »  (28) .
Il ne me l’aura pas dit deux fois. Qu’est-ce qui m’a attiré cette faveur ? Je ne trouve pas d’explication, si ce n’est que Mura a voulu me récompenser de m’être librement proposé à la corvée chez le gendarme ; celui-ci a dû louer mon comportement et mon travail consciencieux.
Karcher, de Schirmeck, m’a envoyé un pain rond. Au quartier général, on a parlé cet après-midi de l’épuration. Comme j’ai pu en conclure, d’après les bruits qui courent, on a reproché au commissaire de Police  d’être responsable des outrances contre les détenus du camp. Il a demandé de pouvoir se défaire de cette charge.
Avec détermination,  le Chanoine Bornert, conférencier  -du quartier général -  a attaqué le maintien des camps de concentration, qu’il dénonce comme une honte de l’humanité, un défi à la civilisation chrétienne, et le scandale du siècle  (Nouvel Alsacien, 4/5 nov.).
1er juillet :  6.560 détenus.  1er août :  4.772 détenus.  1er novembre :  2.500 détenus.
La Commission d’enquête cantonale a monté les dossiers. Une commission supplémentaire du préfet d’arrondissement Cornut-Gentille a recontrôlé les dossiers. La Justice a été saisie de 3.318 cas  (29) :
Cour de Justice :      166 décisions,  149 condamnations,  17 acquittements.
Chambre civique :   338 cas,  241 condamnations,  17 acquittements.
(30)  Baur, du Conseil général, voudrait avoir des explications sur le scandale de la confession, au Struthof.  Sur le moment, je ne peux pas donner d’explication, mais je vais examiner le cas exhaustivement et en parler.
Jean, mon neveu, m’a apporté un paquet. Deux pains ronds tout frais m’ont été envoyés par M. Zink, rue des Vosges à Barr.
Au Salm, en cherchant du bois, il y a de nouveau une charrette qui a dévalé la pente et un détenu a eu la jambe cassée.
La cellule de Wodli, dans laquelle j’ai été enfermé plusieurs jours, a été prise en photo.
Monsieur Heidt a visité sa baraque.  Il nous a dit :  « Nous allons nous mobiliser pour votre libération, bien que nous soyons obligés de nous rallier à l’ire de la population ».  Quand, au Bunker, il a dit au commandant :  « Il doit y avoir certainement ici, au camp, des Zellenleiter, des Blockleiter et des Ortsgruppenleiter » (31). Le commandant a répondu :  « Il y en a beaucoup ici, et qui ne faisaient même pas partie de l’Opferring ! »   (32)
Vers le soir est arrivée une autre commission, M. le député Rosenblatt (communiste), a dû en faire partie  (33).
  1. l’abbé Stiehr m’a de nouveau apporté un morceau de pain. Je lui ai donné 25 F pour les journaux qu’il distribue aux prisonniers. Il y a, dans l’Ami du Peuple, une image saisissante de l’évêque Ruch, alias Père Bonaventure pendant son exil.  Schibilski porte le petit Schneider dans la baraque er l’enfant est en train de souffler dans une petite trompette. Le garçonnet m’a donné un morceau de saucisse au petit déjeuner.
 
Dimanche, le 4 novembre 1945.   La radio a, paraît-il, annoncé que  le Ministre de la Justice a ordonné aux préfets de dissoudre les camps.  A la fin de l’appel, le petit Schneider a été chargé de prendre le commandement, à la joie de tout le camp. Mais il a oublié de dire : « A droite, droite ! »,  et le lieutenant Mura lui a fait remarquer que « Si les hommes avaient marché à ton commandement, ils t’auraient renversé ».
Le soir, deux camarades ont chanté des chants populaires à deux voix. C’était très beau et entraînant.  L’un d’eux a demandé qui voudrait raconter des blagues.  « Personne ne peut s’opposer à des blagues correctes », ai-je dit. Alors, une histoire sale et blasphématoire, « La confession de Dominique », en vers, est sortie.  Quand le conteur avait fini, j’ai dit, à haute voix, dans le silence :  « C’est une insulte aux institutions catholiques. Un homme qui respecte la religion ne se permettrait jamais cela ».  Et après , le silence; aucune réponse. J’en ai conclu que la majorité était d’accord avec moi. Ce sera l’occasion, demain, de faire un exposé sur la chanson populaire.
 
5.11.45     Aujourd’hui, quelques femmes et 4 hommes ont retrouvé la liberté. Monsieur Kuntz m’a rendu mon livre anglais.  L’après-midi :  garde du balai, et comptes-rendus.
 
6.11.45       A l’instant, M. Roth m’appelle de l’office où il travaille comme cuisinier.     « Venez aux  lavabos, je voudrais vous montrer quelque chose ». Ce fut une heureuse, très heureuse nouvelle :  « M. le curé, votre frère Joseph est à la maison. Il a été libéré par le tribunal parisien. Arrêté par erreur ! » 
Maintenant il peut faire les démarches,  pour que je sois aussi bientôt rendu à la liberté. Le ministre de la Justice Teitgen  (34)  a mentionné que 31.130 cas  vont être déférés aux cours de justice et que 27.669 cas seront classés, faute de preuves  (9/10 !).  Teitgen dit aussi, qu’il avait assigné les préfets à faire cesser les soi-disant « internements administratifs ».  (35)
« Maintenant »  (seulement maintenant ?)  poursuit le ministre,  « nous pouvons retourner à la légalité républicaine. Les jurés des tribunaux peuvent être désignés par le moyen de conseils généraux et des conseils municipaux, au lieu de l’être par les CDL, auxquels on a, entre autres, reproché d’être partisans.  En ce qui concerne l’organisation de la haute cour de Justice, c’est la Constituante qui la définira selon sa propre volonté »  (Nouvel Alsacien, 4/5 nov. 45).
 
7.11.45     J’ai appris par M. Kurtz, que mon dossier se trouve encore en sommeil à la Sous-préfecture.  C’est certainement intentionnel car, aussi longtemps que les papiers sont retenus là-bas, aussi longtemps  le curé de Bischoffsheim sera retenu au camp.  Ce matin, j’ai travaillé avec le râteau. Cet après-midi nous avons rapporté de Schirmeck des tonneaux de betteraves au camp. Le soir, j’ai fait un exposé, dans mon baraquement, sur la chanson populaire. Il a été écouté avec attention et intérêt.
 
8.11.45    Même l’Humanité s’intéresse maintenant à nous autres, détenus. Parmi les 60 libérations d’aujourd’hui, il y a mon servant de messe Schneider et mon voisin de lit, qui ronflait toute la nuit, et ne se laissait pas le moins du monde déranger quand je sifflais.  Madame Wach, d’Andlau, était ici, paraît-il ;  c’est   le porteur de paquets Fahsel d’Erstein, qui vient de me le dire.  Il m’a apporté le colis de ma sœur Marthe.
Ce matin, de nouveau au râteau. L’après-midi, je me suis pelotonné au lit à cause du froid et du mauvais temps.  Cela nous avait été sévèrement défendu !
Les « étrangers » ont dû scier et couper du bois  cet après-midi. Ce sera bientôt fini avec le ramassage des petites feuilles ; nos bouleaux et peupliers sont presque entièrement dépouillés.
  1. l’Aumônier m’a apporté un morceau de saucisse qu’on lui avait envoyé de la maison. Comme je n’ai plus d’hosties, je ne pourrai lire la messe que tard demain, ou alors pas du tout.
Depuis  2 jours, deux hommes vont quotidiennement en forêt pour chercher du bois.  On peut faire du feu dans les baraques à partir de 6 heures.
Est-ce que j’aurai la faveur de me chauffer encore longtemps à ce poêle ?
 
9.11.45     J’ai encore trouvé un morceau de la grande hostie.  Je l’ai découpé en rond avec des ciseaux et j’ai donc pu, quand même, lire la messe. Depuis deux jours, en nous levant, nous n’avons pas d’eau pour la toilette.  Rohfritsch doit rechercher un nouveau poste et une autre activité. Les beaux jours de tyrannie et d’arbitraire, les jours de débauche et de torture semblent révolus.
 
10.11.45      Hier, le bracelet-montre de M.Mura a été volé dans les douches.  W.Q., le fameux « mendiant de pain » est fortement soupçonné de l’avoir dérobé, car il avait cherché de l’eau là-bas, avec deux autres. La première neige s’est déposée sur les sommets.  Sur les hauteurs du Struthof, ils devront sans doute déjà sortir avec des patins.
50 ont pu de nouveau regagner la liberté.  Dans le paquet de Marthe, il y avait 6 saucisses, de la confiture et 4 œufs. J’ai pu me préparer aujourd’hui deux œufs au lard.  Tristes semaines, joyeuses fêtes ! Demain, la Fête nationale.  Est-ce que l’amnistie viendra en cadeau de la Mère-patrie ?  Je veux la justice, et non des faveurs !
 
11.11.45    Ceux qui restent du Struthof sont arrivés hier. Comme c’est dimanche aujourd’hui, M. l’Aumônier m’a de nouveau laissé chanter la Grand’messe. Au cours de la célébration, j’ai distribué 60 communions.  Le repas d’aujourd’hui consistait en une soupe de pois  avec du lard.  Les montagnes et les sommets sont couverts de neige jusque très bas dans la vallée.  Aujourd’hui  nous n’avions de nouveau pas d’eau pour nous laver.
  1. Kurtz, notre délégué, nous a communiqué officiellement aujourd’hui, que celui qui ne recevra pas d’arrêté jusqu’au 10 novembre, sera libéré. La Chambre civique et la Cour de justice n’entreront plus en compte pour lui. Tous les autres cas passeront devant la justice militaire. Pourrai-je, moi-aussi, rentrer cette semaine ?
J’ai lu aujourd’hui une nouvelle de Fedor Mickaïlowitsch Dostoïewsky :  Le Joueur. J’en ai copié quelques extraits :
« Chez les Français l’apparence est si  parfaite, qu’ils suscitent une grande impression de noblesse, alors qu’ils sont en réalité les hommes les plus indignes.  C’est pour cette raison-là qu’ils donnent tant d’importance à  leur image.  A mon sens, les Français n’ont absolument pas d’image ; ils n’en font apparaître qu’une seule, celle d’un coq, le coq gaulois… Mais pourquoi pas ? Un coq peut être vraiment beau… »
« Les Russes, dans l’ensemble, ont une trop grande richesse et diversité d’attributs pour trouver facilement l’apparence qui leur convient. Tout, en effet, dépend du paraître. Les Russes sont, pour la plupart, si doués, qu’il leur faut du génie pour trouver l’image adéquate. Celle-ci, dans la plupart des cas, fait défaut, parce qu’elle ne se manifeste extérieurement que très rarement ».
« L’homme est un tyran par nature, et aime faire souffrir les autres… »
« Le baron allemand était long et maigre…Il portait des lunettes et pouvait avoir dans les 45 ans. Les jambes commençaient presque de suite au niveau de la poitrine ; un signe de race… »
« De Grieux était, comme tous les Français, très poli et enjoué quand il fallait et que c’était utile ; et au contraire, ennuyeux à mourir quand il n’y avait pas lieu d’être poli et amusant. De nature, le Français est rarement aimable ; il ne l’est que sur commande ou par calcul ! S’il estime, par exemple, utile d’être original et plein de fantaisie, son caprice est d’une sottise et d’un artifice sans égal, insipide et suranné.  Le Français moyen est d’une étoffe inférieure,  petit-bourgeois. En un mot, il est la créature la plus ennuyeuse qui soit sur la terre de Dieu… Cette apparence impersonnelle, cette comédie de salon, ces airs dégagés et  obséquieux seront insupportables à tout homme perspicace… »
« Vous savez, nous acceptons aussi d’avoir des relations avec des personnes que nous détestons, quand la nécessité nous y oblige… ».
 
 12.11.45      Le temps est frais aujourd’hui, mais sans pluie.  M. l’Aumônier vient de me donner un morceau de pain blanc, encore tout frais et  chaud.
Le gardien Lehmann, un ancien de Dachau, qui avait montré beaucoup de compréhension pour notre situation, a été libéré ce matin. Nous avons beaucoup regretté son départ.  Les montagnes tout autour sont toujours blanches de neige jusqu’en bas dans la vallée.
A 2 heures, on nous a dit :  montez au Struthof pour pelleter la neige. Nous avons réquisitionné une bonne cinquantaine d’hommes.  Une heure et demie de marche,  une heure et demie de travail, une heure et demie pour le retour. Les miliciens qui sont emprisonnés en ce moment au Struthof  ont dégagé le chemin de haut en bas, et nous de bas en haut.  Là-haut, de merveilleuses images de la  nature ; les superbes couleurs d’automne flamboient encore davantage sur fond de neige immaculée.  Ce soir je me suis trouvé mal.  J’ai eu tant de vertiges, que j’ai dû me coucher.
 
Mardi le 13.11.45      Je suis resté couché jusqu’à 7 h.  Comme il n’y avait pas d’eau, il n’y avait pas de thé non plus.  Un peu plus tard, je me suis confectionné du thé sur un réchaud électrique ; cela m’a fait du bien.
Blum, l’Ortsgruppenleiter  de Dorlisheim  a été, lors de sa libération et de son retour, tellement battu et molesté par ses compatriotes, qu’il est mort à l’hôpital des suites de ces coups ;  et le Ministre de la Justice annonce que  « nous devons revenir à la légalité républicaine… ».
Le Harwa   (36)   écrit les noms des détenus dans sa propre orthographe. L’un d’eux s’appelle, sous sa plume, « Fillibb ». Un rayon de soleil tombe sur mon papier alors que j’écris ces notes. Mais dehors, il fait un temps froid de novembre.
 
Mercredi le 14.11.45      Depuis deux jours, Fritz Klein m’apporte chaque soir une pierre chaude dans le lit. Comme c’est gentil, comme il est dévoué à mon égard ! Auguste Weber a été libéré hier, pour faire semblant.  – Comme c’est dur et cruel !  Quand, tout joyeux, il a voulu partir, il a été arrêté et fouillé. On a cherché la montre volée. En vain. Ne l’a-t-on pas soupçonné injustement ? Le pauvre bougre a de nouveau été obligé d’enlever ses habits civils et se retrouve, comme nous tous, dans la tenue verte des prisonniers.  La baraque IX a été perquisitionnée par au moins 6 gardiens.  Le schnaps qui a été trouvé à cette occasion semble (avoir été confisqué. )   (37)
Aujourd’hui, 30 sorties, que le commandant a rapportées de son voyage de mercredi.  Nous avions fait du feu et chauffé la baraque. C’est alors que M. Mura est venu et a dit : « Aussi des petites bûches ?  Sortez tout le bois du fourneau ! »  Le gardien de la baraque a dû plonger la bûche dans l’eau et l’envelopper dans un carton.  J’ai été assigné au commando du bois et de là au bureau du commissaire de police. Il m’a demandé comment il se fait que je sois encore ici. J’ai répondu que je l’ignorais.  A la suite de mon témoignage dans l’affaire Meyer, la détention d’Auguste Meyer   aurait été « prolongée. »  J’ai répondu que cela ne pouvait être exact, car tout de suite après, Meyer a été libéré. La famille est anticléricale, et le village est persuadé que la cécité de la petite fille d’Adolphe Meyer, ainsi que le décès de la sœur, sont une punition divine.
 « Mais vous êtes souvent allé en Allemagne ». J’ai répondu que cela ne regardait personne.
« Vous aviez tort de le faire ».  -  « Comme citoyen français, j’ai le droit de voyager où cela me plaît ; c’est un droit personnel, dont je ne me laisse pas priver.  Les Français peuvent bien nous critiquer et nous condamner, après s’être enfuis en 1940 et nous avoir laissés dans le pétrin ». -  « Vous avez un peu raison », a-t-il dit, en acquiesçant.  «Votre sœur  se promenait avec la croix gammée. », poursuivit-il.  -  « Ca, elle ne l’a jamais fait » ai-je répondu.  -  « Oui, elle assistait au feu de joie que l’on avait allumé avec des livres français »  -  « Comme membre de la Croix rouge, il fallait qu’elle participe.  De toute façon, aucune loi ne prévoyait un internement de plusieurs mois à cause de l’adhésion au Parti  - or elle n’a jamais été membre du parti  -  le ministre de la Justice avait raison de déclarer, il y a 14 jours : ‘Il faut que nous retournions à la légalité républicaine’. »
Nous étions donc, jusqu’ici, dans l’illégalité !  Le fait que j’ai découvert le campement des résistants, en cherchant des champignons dans la forêt, et ne l’ai jamais révélé, de cela personne ne parle  (38);  et que la grande partie de la population demande ma libération par une pétition signée, voici  qui aurait dû être mieux pris en considération  dans un Etat démocratique.  Ce qui ne devrait pas être oublié non plus, c’est la parole d’honneur que la France a donnée par le maréchal Joffre à Thann, de préserver les particularités de l’Alsace.  Je suis régionaliste et, comme prêtre, je le dis franchement ; je ne fais pas de ma conscience un repaire de brigands.
« Combien de pasteurs y a-t-il encore ici ? »   J’ai répondu :  « Aucun. Hier, le dernier pasteur, Frey, a été libéré ; il n’y a que le curé catholique qui est encore là.  L’abbé Rauch et l’abbé Cridlig  sont au Mont Ste Odile  (39).  Je ne les connais pas, mais je leur ai dit ce que je pense, librement et franchement, à cœur ouvert ».
En cherchant les paquets, j’ai rencontré l’architecte Schneider de Strasbourg, de la baraque V.  Son cas est très intéressant.  M.Schneider n’était ni dans l’Opferring , ni au Parti.  Dans 9 jours, cela fera un an qu’il a été  arrêté.  5 jours après son arrestation, une bombe est tombée dans sa maison, et sa femme a été tuée. Sa fille est médecin en Allemagne. C’est  un homme de 60 ans ; grand connaisseur de champignons et d’herbes médicinales, il cherche à  préserver sa santé par une salade de balsamites, d’orties  (40),  de véroniques et d’oseille.
  1. Ackermann, qui était près de mourir de faim, s’est cherché dans les déchets, des pelures de pommes de terre qui étaient encore dures et épaisses, de sorte qu’on pouvait en racler une partie et en faire encore un repas.
Il a été surpris dans ce « larcin » par le lieutenant Bechthold, et a eu pour cela 30 jours de Bunker et, sur le billot, de tels coups que le sang a jailli   de nombreuses plaies, et qu’il a subi deux fractures.  Et son cas n’est toujours pas réglé.  Il n’a encore jamais reçu de paquet. Je vais lui apporter quelque chose.  Oui, si j’avais un paquet comme « l’oncle » Fritz Klein en a reçu, je pourrais faire plaisir à certains.  Tout y était :  miel, confiture, fromage, saucisse, pain, fruits,    etc…
 
16.11.45      Et…notre oncle a été libéré aujourd’hui ; avec lui environ 20 autres. Schmitt, de l’Office du travail de Molsheim se trouvait parmi eux.
 
17.11.45      « Sois toujours fidèle et honnête, jusqu’à ton froid tombeau », a chanté le chef de baraque Zimmermann, quand il me voyait travailler avec le râteau devant la baraque.  Cet après-midi, par un temps chaud et ensoleillé, j’ai cherché en forêt  une charge de bois. Le soir, de nouveau quelques départs.  M. l’Aumônier m’a dit qu’il discuterait, mardi, de mon cas avec les « messieurs de Strasbourg ».  J’ai répondu que ce ne serait pas nécessaire, ces messieurs n’ayant aucun intérêt pour moi et n’ayant absolument rien fait à mon égard ; ils ne se sont pas le moins du monde préoccupés de moi.
 
Dimanche, le 18.11.45      Mon dernier dimanche au camp, espérons-le.  A cause du froid, nous n’avions aujourd’hui qu’une messe basse à 10 h.  Le culte protestant a été assuré à 10h1/4.  « Y aura-t-il aujourd’hui des pommes de terre et des betteraves aigres ?  Nous n’en avons pas reçu du tout ; il y avait des pommes de terre et des épinards avec une tranche de pâté de viande.  Le soir, un morceau de fromage et du vrai café  - ce n’est pas une blague ! – et il était bon.
19.11.45       En ce jour de la Ste Elizabeth, j’ai lu la messe pour ma soeur Lise.  Quelqu’un m’a offert un œuf.  Je l’ai cuit avec du lard et des croûtons de pain, sur le fourneau de la baraque.  Cet après-midi, il faisait de nouveau très froid.  Je suis un peu  grippé, avec la gorge très sèche.  Je me suis mis au lit, mais j’avais aussi froid que dans la chambre.
 
20.11.45       De Gaulle est de nouveau élu, malgré l’abstention des voix communistes.  Tous les rassemblements sont interdits.  Un jeune taureau et un vieux cheval ont été abattus hier. Est-ce qu’on veut nous préparer un repas d’adieu,  ou veulent-ils faire un banquet pour la Libération des 22 et 23 novembre ?  6 litres de vin sont octroyés.  Suffiront-ils à éveiller un authentique  esprit de fête au sein de nos  épreuves ?  Hier, je me suis beaucoup appliqué à l’anglais.
Ca  avance. Espérons que mon plan réussira !  Que Dieu lui donne sa bénédiction.  ( 41)   
 
21.11.45   Consécration de la Vierge.    On a distribué de la poudre de lessive et du savon.   En conséquence, aujourd’hui, jour de lessive.  Quand serai-je libéré ?  J’espère bientôt.  Combien de fois cette expression de l’Avent : « Espérons… » apparaît sous ma plume !
Cette nuit : pleine lune et gel.
Ma valise est fin prête.  Dehors, à la porte, le gardien racle le givre avec ses bottes de laine.  Des gouttent tombent du toit, car le soleil de novembre fait fondre le givre.  Le soir, un « cochon » s’est rendu intéressant avec ses obscénités, juste après que nous nous soyons mis au lit.  J’ai protesté de suite contre ces effronteries en disant :  « S’il vous plaît, changez de sujet ! »  -  « Si je veux continuer à raconter mes blagues, je le ferai quand même ! »  -  « Oui, un cochon reste un cochon. La bouche déborde de l’abondance du cœur ».   Silence gêné. Ce sera peut-être l’occasion de parler sérieusement  avec mes camarades de baraque   de la vulgarité et  des polissonneries.
 
22.11.45      Fête de Ste Cécile et Fête de la Libération.   A 6 h du matin : réveil ! Deux camions de choux ont été livrés.  Les baraques IX et XI ont été vidées.  Nous avons eu de  nouveaux arrivants.  Mais le lit à côté du mien est encore vide.  Est-ce que personne ne veut dormir à côté du curé ?  A la déception de beaucoup de visiteurs, aucun paquet n’a été accepté aujourd’hui.  J’ai ouvert la boîte  (de conserve) avec la viande de porc. Une réserve abondante pour plusieurs jours. J’ai coupé un morceau de viande  pour M. Klett,  en remerciement de la salade de pommes de terre qu’il m’avait offerte un jour.
Ce soir, j’avais une discussion religieuse,  en particulier avec M. Brandenburger. 
 
N  O  T  E  S   : 
( 1 )      En français.
 
( 2 )      Toujours en français.
 
( 3 )     Ce n’est pas signé, mais c’est la réponse de l’abbé Jenn.  La suite est de nouveau en allemand.
              Hett Alhonse est né à Riedisheim le 20 décembre 1891. Il a été ordonné à Strasbourg le 25 juillet 1917.  Vicaire à Habsheim  (1/8/1917),  à Paris (1/2/1919),  puis à l’Hôpital civil de Strasbourg (15/10/1919), il est nommé curé-doyen de Weyer (Drulingen)  le 1er octobre 1928.  Il revient à Strasbourg comme curé de St Ignace (26/9/1931), puis est nommé curé de Maisongoutte ( 8/7/1941)  où il décède  dix ans plus tard, le 13 mai 1951. Il est inhumé à Riedisheim.
              Dossmann  Edmond  est né à Niederschaeffolsheim le 18 février 1905, et ordonné le 16 juillet 1931 à Strasbourg. Vicaire à la paroisse St Florent de Strasbourg (20/8/1931), puis à Mulhouse St Etienne (17/8/1934), il est nommé curé-doyen de Bischwiller le 3 juillet 1947, puis aumônier de l’Hospice départemental de Bischwiller le 1er juillet 1972.  Décédé le 17 avril 1974, il est inhumé à Niederschaeffolsheim.
 
( 4 )      Le mot  Wisch  du tapuscrit doit sans doute être pris pour   Wunsch .
 
( 5 )   Heinrich Hansjakob est né à Haslach (Bade-Wurtenberg) le 19 août 1837. Prêtre, historien, politicien et écrivain, il a centré ses nouvelles et ses romans  sur l’histoire locale,  la nature et   la vie du petit peuple.  Il était prêtre à Hagnau (Lac de Constance) de 1869 à 1883, puis à Fribourg-en-Brisgau (1884-1913).  Affecté de troubles nerveux,  il s’est retiré à Haslach en 1913, où il est décédé le 23 juin 1916.  Parmi ses œuvres :  Der Steinerne Mann von Hasle,  Meine Madonna,  Erinnerungen einer alten Schwartzwälderin,  Zwiegespräche über den Weltkrieg...,  Erzbauern, Theodor der Seifensieder.  Voir:  Gesammelte Werke Heinrich Hansjakobs  (E-Book-Ausgabe, 2020).
 
( 6 )      N.N. :  Neueste Nachrichten. L’extrait cité est en allemand.
 
( 7 )    Le procès de Belsen (Basse-Saxe) s’est tenu à Lunebourg, à proximité du camp de  Bergen-Belsen,  du 17 septembre au 17 novembre 1945, contre quarante-huit anciens SS et fonctionnaires, dont Josef Kramer,  ayant officié notamment dans les camps d’Auschwitz et de Bergen-Belsen (Voir ci-dessous). En présence d’observateurs internationaux et de deux cents journalistes,  ce tribunal militaire britannique était tenu en anglais avec des traducteurs allemands et polonais, ce qui a suscité beaucoup de  confusion.  La réalité des camps venait d’être découverte et les juges de ce procès n’en possédaient pas encore tous les éléments.  Le tribunal a prononcé   onze condamnations à mort par pendaison  (dont trois femmes) (13 décembre 1945),  et quatorze acquittements. Pour les autres, les peines de prison ont été réduites par la suite et même suivies de libérations en 1955.  Un deuxième procès a eu lieu à Lunebourg, du 16 au 30 mai 1946, toujours par un tribunal militaire britannique. Quatre accusés SS ont été condamnés à mort et exécutés le 11 octobre 1946.
 
( 8 )     Josef  Kramer :  est né le 10 novembre 1906 à Munich.  SS Hauptsturmführer,  garde au camp de concentration de Dachau (1934), il sévit à Sachsenhausen et Mauthausen, puis devient l’assistant du commandant de camp d’Auschwitz, Rudolf Höss, en 1940.  Lors de la création du camp de Natzwiller-Struthof, il fait d’abord fonction de commandant par interim (février à avril 1942)  puis de commandant à partir d’octobre de la même année, jusqu’en mai 1944.  Il prend  ensuite le commandement du camp de Birkenau en Pologne, et y extermine les juifs de Hongrie. Il est muté au camp de Bergen-Belsen en décembre 1944, et y  reçoit le surnom de « Bête de Belsen ». Il y restera jusqu’à la libération du camp, le 15 avril 1945 par les Britanniques  auxquels il se rend et fait visiter son camp.  Il est condamné à mort au premier procès de Belsen le 17 novembre 1945 et pendu le 13 décembre.
Nous citons la déposition de Josef Kramer, enregistrée par le commandant Jadin à la prison de Celle, le 26 juillet 1945, au sujet du gazage de 86 Juifs au Struthof :  
« Au début d’août 1943, je reçus les 80 internés destinés à être supprimés (…) et je commençai par faire conduire dans la chambre à gaz un certain soir vers 9 heures, à l’aide d’une camionnette, une première fois, une quinzaine de femmes environ. Je déclarai à ces femmes qu’elles devaient passer dans la chambre de désinfection et je leur cachai qu’elles allaient être asphyxiées.
Assisté de quelques SS,  je les fis complètement se déshabiller et je les poussai dans la chambre à gaz, alors qu’elles étaient toutes nues. J’introduisis, après avoir fermé la porte, une certaine quantité de sels dans un entonnoir, prolongé lui-même par un tube de métal. Ce tube de métal conduisit le sel et l’eau dans l’excavation intérieure de la chambre dont je viens de vous parler. J’allumai l’intérieur de la chambre à l’aide du commutateur placé près de l’entonnoir et j’observai par le regard ce qui se passait à l’intérieur de la chambre.
Je constatai que ces femmes ont continué à respirer une demi-minute , puis elles tombèrent à terre. Lorsque j’ouvris la porte après avoir fait en même temps marcher la ventilation à l’intérieur de la cheminée d’aération, je constatai que ces femmes étaient étendues sans vie et qu’elles avaient laissé échapper leurs matières fécales.
J’ai chargé deux officiers SS infirmiers de transporter ces cadavres dans une camionnette, le lendemain matin vers 5h30, pour qu’ils soient conduits à l’Institut d’anatomie, ainsi que le professeur Hirt me l’avait demandé.
Quelques jours après, dans les mêmes conditions que sus-indiquées, j’ai conduit de nouveau dans la chambre à gaz une certaine quantité de femmes qui furent asphyxiées de la même façon,  puis encore quelques jours après, j’ai fait conduire dans la chambre à gaz, en deux ou trois fois, peut-être une cinquantaine d’hommes environ, peut-être cinquante- cinq, qui furent supprimés toujours à l’aide de ces sels que je tenais de Hirt.
Question :  Vous m’avez tout à l’heure, parlé des conditions dans lesquelles vous avez exécuté les internés à l’aide de gaz asphyxiants.  Au cas où les internés n’auraient pas été tués à la suite de l’introduction des gaz, faite par vous, les auriez-vous achevés à l’aide d’une balle ?
J’aurais tenté de les asphyxier à nouveau en projetant dans la chambre une seconde dose de gaz. Je n’ai éprouvé aucune émotion en accomplissant ces actes, car j’avais reçu l’ordre d’exécuter de la façon dont je vous ai indiqué, les 80 internés. J’ai d’ailleurs été élevé comme cela ».   (Source Wikipédia).
 
Voir :  Robert Steegmann :  Le Struthof : KL-Natzweiler : Histoire d’un camp de concentration en Alsace annexée 1941-1945.  (Strasbourg, La Nuée-Bleue, 2005).
 
L’abbé Jenn ne le croit pas.  Les débats du procès de Belsen avaient été confus et Jenn mal documenté. Apparemment, personne, à Schirmeck  ou au Struthof français, ne lui avait jamais parlé de l’existence d’une chambre à gaz  du temps allemand, pas même le commandant qui pourtant n’aurait pas dû s’en priver.  Et pas davantage de fours crématoires ni d’expériences médicales, au point que notre auteur ne croit pas que le Struthof allemand était un camp d’extermination   (Voir : La Voix… n°  30).
 
Une question pourrait être posée ici :  la déposition de Kramer, citée plus haut, concernait-elle bien le camp du Struthof ? Dans la confusion de ce procès et ses malentendus de traduction,  il ne serait pas étonnant que l’on ait confondu ce camp avec un autre où avait sévi Kramer.  Le docteur Hirt, qui collaborait avec Kramer, avait aussi demandé les services  de  ce dernier,   quand  Kramer était à Auschwitz (voir ci-dessous, note 9).
 
Sur la vie dans différents camps nazis, il faudrait lire absolument l’émouvant témoignage de Simone Veil : L’Aube à Birkenau. Paris, Les Arènes, 2019.
 
 
( 9  )      August Hirt  (29/4/1898  -  2/6/1945) est né à Mannheim. Anatomiste, il avait enseigné aux universités de Heidelberg, Greifswald, Francfort et Strasbourg.
 «  Il a effectué des expériences avec le gaz moutarde sur les détenus du camp de  concentration de Natzweiler-Struthof et a joué un rôle dans l’assassinat de 86 déporté juifs du camp de concentration d’Auschwitz, qui devaient être utilisés pour constituer une collection de squelettes à l’Institut anatomique de Strasbourg. Il était Sturmbandführer SS,  membre de l’Institut d’anthropologie raciale  Ahnenerbe ».  (Citation : Wikipédia).
Après la libération de Strasbourg, il s’est enfui avec sa fille à Tubingen, puis en Forêt-Noire. Il s’est suicidé par balle le 2 juin 1945 à Schoenenbach.
 
Voir entre autres :  Jean-Claude Pressac :  L’Album du Struthof : étude du gazage au Struthof de 86 Juifs destinés à la constitution d’une collection de squelettes.  (New-York, The Beate Klarsfeld Foundation, 1985).
 
(10)      Le point d’interrogation placé ici par l’abbé Jenn est important :  l’abbé met en doute     que ces photos soient celles d’une  chambre à gaz au camp de Natzwiller-Struthof.  Il laisse     supposer qu’une chambre à gaz n’existait pas en ce lieu,  et que ce bâtiment, comme pour Kramer,  n’avait pas servi  à cette fin.  L’abbé Jenn, craignant toujours que son journal tombe  entre certaines mains, ne s’explique pas davantage, et se contente du point d’interrogation. 
 
(11)      Les Gens de Haslach.
 
(12)      Il s’agit d’un groupe de détenus au travail.
 
(13)      En français.
 
(14)     Il est étonnant que notre auteur ne pense pas à un autre « grand » : le général de Gaulle.
 Franklin Delano Roosevelt est décédé  le 12 avril 1945.
 Benito Mussolini  est  assassiné le 25 juillet 1943.
 Adolf Hitler s’est suicidé le 30 avril 1945.
 Winston Churchill  est décédé le 24 janvier 1965.
 
(15)      H.J. :  Hitlerjugend.
 
(16)       L’abbé Stiehr :  voir La Voix… n° 34,  note 15.
 
(17)      En français.
 
(18)      En français.
 
(19)      C’est le surnom d’un détenu.
 
(20)      En français.
 
(21)       Gabriel Alfred est né à La Broque le 22 janvier 1881.  Il est ordonné le 6 août 1907 à St Dié pour le diocèse de St Dié. Professeur de 1907 à 1911, il est ensuite vicaire à Le Thillot (1911), puis à Saulxures-sur-Moselotte (1913-1914). Administrateur à La Claquette (1/4/1919) , il est incardiné dans le diocèse de Strasbourg en 1919.  Le 24 mai 1919 il est nommé vicaire à Ste Croix-aux-Mines, puis à Schirmeck (4/12/1920).  Le 1er novembre 1921 il devient curé à La Claquette près de Schirmeck.  Il décède le 5 février 1954.
 
(22)      L’auteur a relu son journal et a ajouté cela.
 
(23)      Très difficile à comprendre.
 
(24)      Mgr Saliège :  Jules Géraud Saliège est né à Mauriac le 24 février 1870. Il est ordonné prêtre en 1895. Il est supérieur du Grand séminaire de St Flour en 1907 et aumônier militaire en 1914. Intoxiqué par les gaz, il est démobilisé en 1917, et devient prêtre infirmier  au Petit séminaire de St Gildas. Il est nommé évêque de Gap en 1925, puis archevêque de Toulouse en 1928.  Handicapé de la parole à la suite d’une attaque cérébrale (1932) , il va s’exprimer par des écrits fracassants. Dès 1933, il condamne l’antisémitisme : « Je me sens lié à Israël comme la branche au tronc qui l’a porté », et publie pendant dix ans un hebdomadaire intitulé : Menus- Propos, sur toutes les questions d’actualité.  Suivant l’encyclique « Mit brennender Sorge » (14 mars 1937) de Pie XI,  il condamne le racisme et reçoit à Toulouse beaucoup de réfugiés en 1940.  Par souci d’obéissance, il accueille favorablement le régime de Vichy.  Mais, apprenant dès 1942 l’existence des camps, il rédige, le 23 août 1942, une Lettre pastorale : « Et clamor Jerusalem ascendit » qui condamne les persécutions antisémites aussi dans les camps français  (les camps de Noé et Récébédon). Pierre Laval   fait interdire la publication de cette lettre pastorale, mais elle est diffusée malgré tout par le Vatican, par  l’hebdomadaire  Semaine Catholique,  par le diocèse de Montauban et Mgr Pierre-Marie Théas de Marseille ,  ainsi que par la BBC.
Or, la majorité de l’épiscopat était pétainiste. On lit sur Wikipédia que « Seuls cinq évêques sur plus d’une centaine ont publiquement dénoncé  les rafles antisémites ». Parmi ces cinq, il y avait le Cardinal Gerlier, Primat des Gaules, et l’évêque de Marseille, Mgr Delay.
Mgr Saliège organise dans son diocèse l’accueil et la protection des Juifs, aidé par de nombreux prêtres qui créent des filières d’évasion, procurent pièces d’identité et  faux certificats de baptême,  se chargent des camouflages dans les écoles et les couvents.
La Gestapo  tente d’arrêter l’archevêque, mais y renonce en raison de sa santé.
Fait Compagnon de la Libération par le Général de Gaulle, le 7 août 1945, Mgr Saliège s’élève alors aussi contre les violences commises par l’Epuration :  « On tue l’homme qui déplaît. On tue l’homme qui n’a pas des opinions conformes. On tue sans jugement. On tue avec jugement. On tue en dénonçant. On tue en calomniant. On tue en jetant dans la rue, par la radio, par la presse, par des paroles de haine. Tous les terroristes sont inhumains et condamnés par le monde chrétien ».
Bien que le pape Pie XII ait été réticent à le nommer cardinal ,  à cause de son état de santé, Mgr Saliège accède à cette dignité  le 18 février 1946   grâce aux fortes pressions du Général de Gaulle et des milieux de la Résistance.
Il est cité à l’Ordre de la Libération et reçoit le titre de « Juste parmi les Nations ».
Mgr Saliège décède le 5 novembre 1956 à Toulouse.
 
(25)       La citation suivante est en français.
 
(26)      « L’abattoir » :  voir  La Voix… n° 23, note 17 et n° 27, note 5.
 
(27)    Sous-entendu : s’il savait tresser des paniers, c’est qu’il était vannier lui-même, comme les Fifis.
 
(28)      En français.
 
(29)      En  français.
 
(30)      En allemand de  nouveau.
 
(31)      Les chefs de cellule, de block et  de localité nazis.
 
(32)      L’Opferring :  Le « Cercle du sacrifice » était un  engagement préalable à l’admission au Parti nazi.
 
(33)       Marcel Rosenblatt  est né le 17 décembre 1908 à Mulhouse.  Il adhère au Parti  communiste français en décembre 1932 et devient directeur de l’édition régionale en langue allemande de l’Humanité. En 1940 il est arrêté à cause de ses activités politiques par la Gestapo  et déporté au camp de Schirmeck, puis, en  1941 à Dachau. Libéré en 1945, il devient secrétaire de la Fédération communiste du Bas-Rhin. Il milite alors pour la défense des Alsaciens-Mosellans incorporés dans l’armée allemande et enfermés dans les camps soviétiques. Il est député du Bas-Rhin de 1946 à 1955. Il décède à Strasbourg le 28 novembre 1973.  (Source : Wikipédia).
 
(34)      Le ministre Teitgen : voir La Voix n° 34, note 37.
 
(35)      La suite en français.
 
(36)      L’Algérien.
 
(37)      Une page manque ici.
 
(38)      C’était sans doute pendant la période allemande.
 
(39)      L’abbé Cridlig  de Gertwiller :  voir  La Voix …n° 25, p. 9.
             L’abbé Rauch :   voir La Voix…  n° 28, note 4.
 
(40)      « Spitzwegerichten ». Avons-nous bien traduit ?
 
(41)      C’est la première fois que notre auteur parle d’un « plan ». Evasion ?  Il est certain qu’il en a assez d’attendre.  Suspense… 
 
L  A      P  H  R  A  S  E      D  U       M  O  I  S  :
 
«  C’est souvent dans les détails que perce la vérité d’un homme ». 
François Hollande :  Affronter.  Ed. Stock, 2O21, p. 346. 
 
                                                                                           Château d’Argent :  Transmettre le savoir.
 
 La Voix dans le Désert,  mensuel gratuit du Château d’Argent.
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ISSN : 2650 -7225
Dépôt légal :  1er trimestre 2022.