Octobre 2018 - Philosophie
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Philosophie
Friedrich Nietzche (1844 - 19OO)
Friedrich Nietzche est né le 15 octobre 1844 à Röcken, en Prusse, près de Leipzig, dans une famille protestante.
Il étudie la philologie à l’université de Bonn et la philosophie à Leipzig de 1864 à 1869. Musicien lui-même, il découvre la musique de Wagner en 1868. Il est professeur de philologie à Bâle de 1869 à 1879, après quoi il mène une vie errante en Allemagne, Italie, Suisse et en France, de 1879 à 1889. Grand ami de Richard Wagner, il assiste en août 1876 au premier festival de Bayreuth, mais les deux amis ne s’entendent plus et vont se séparer en novembre de la même année.
A la suite d’une douloureuse expérience faite à Turin, le 3 janvier 1889, où la vue d’un cheval battu lui brise le cœur, Nietzche sombre dans la folie et ne guérira plus. Il meurt à Weimar le 25 août 19OO.
Ses œuvres sont nombreuses. Il faut mentionner notamment :
Ma vie (1864)
Humain, trop humain (1878)
Le gai savoir (1882).
Ainsi parlait Zarathoustra (1885).
Par delà le Bien et le Mal (1886).
Généalogie de la Morale (1887).
Le cas Wagner (1876 ?)
Crépuscule des Idoles (1888).
Ecce homo (1888)
L’Antéchrist (1895).
Parmi les éditions les plus importantes des œuvres complètes de Nietzche, mentionnons :
Friedrich Nietzche : Werke. Kritische Gesamtausgabe. Hg. G.Colli und M.Montinari. 15 vol. Berlin/New-York, 1967.
Friedrich Nietzche: Oeuvres complètes, publiées sous la direction de H.Albert. Paris, Le Mercure de France, ( en cours d’édition).
Mercredi 12 juin 2O18 : 132e anniversaire de la mort de Louis II de Bavière, mécène et grand ami de Wagner. Ce n’est pas sans raison que je tombe aujourd’hui sur Ainsi parlait Zarathoustra de Nietzche, en livre de poche, chez Emmaüs. Louis II (1845 – 1886), Richard Wagner (1813 – 1883), Friedrich Nietzche (1844 – 19OO) : une trilogie. Avec Karl Marx (1818 - 1883) : une tétralogie.
Ainsi parlait Zarathoustra a été rédigé entre 1883 et 1885. Sa rédaction débuta l’année de la mort de Wagner et de Karl Marx. Louis II de Bavière l’a certainement connue, car elle fut achevée un an avant sa mort. Lequel a inspiré les autres ? Et dans quelle mesure? L’influence réciproque la plus évidente est celle de Wagner et de Nietzche.
On peut faire ressortir chez Nietzche trois principaux courants de pensée . Ils se situent dans un processus évolutif, car Nietzche les relativise les uns après les autres. Mais ils ont tous comme dénominateur commun l’amour de la vie, si éloquent dans l’épisode du cheval, que Nietzche embrasse en pleurant pendant qu’on s’acharne sur lui.. Un amour de la vie tellement contrarié, que le penseur finit par en perdre tous ses repères.
Le premier volet de cette pensée, qui est plus qu’une philosophie, amour de la sagesse, mais est déjà une métaphysique, une vision au-delà du temps, est ce que l’on peut appeler le Naturalisme et l’Esthétisme : la célébration de la nature, de la beauté du monde, de la musique et de l’art. L’amour de la beauté justifie l’attachement à la vie . Là où il n’y a plus de beauté, il n’y a plus de raison de vivre. La musique wagnérienne, qui est en elle-même une rédemption, symbolise ce premier courant de la pensée nietzchéenne. Ainsi, la vocation de l’homme est de se replonger dans la nature et, par elle, de créer et préserver la beauté.
La Connaissance est le deuxième leitmotiv de sa réflexion. Il apparaît surtout dans les années 1876 à 1879 . L’amour de la nature ne suffit pas : il faut aussi connaître ses mystères. La vocation de l’homme est d’accéder à une connaissance toujours plus approfondie de l’univers. C’est une raison de vivre et aussi une mission pour la société.
Plus tard Nietzche relativisera cet idéal de la connaissance en disant que « L’arbre du Savoir n’est pas l’arbre de la Vie ».
Car la vie, dans sa plénitude, ne peut être atteinte que si l’homme, dans toutes ses composantes, avec toutes ses facultés, se transforme, évolue et se perfectionne.
Ainsi, la troisième étape, que Nietzche finit par placer avant toutes les autres, est une dynamique : c’est la volonté de se transformer, de se surpasser : « L’homme est quelque chose qui doit être surmonté » (Zarath. 3) . On a pu appeler cela « la volonté de puissance », mais cette expression est à définir. Il s’agit d’une dynamique de dépassement de ce qu’est l’homme ici et maintenant. L’homme existentiel n’est pas achevé. Pour devenir vraiment lui-même, il doit se surpasser, se laisser entraîner dans un processus infini de perfectionnement.
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Ici, appliquées à la pensée sur Dieu, on ne peut ignorer la correspondance de ces idées avec la théologie du Process, un des volets de la Théologie de la libération, née en Amérique du sud au milieu du vingtième siècle. Pour ses trois principaux représentants, Whitehead, Cobb et Griffin, Dieu est en perpétuel devenir, en perfectionnement; il s’achemine éternellement vers lui-même, vers son être achevé. Dieu n’est pas un être statique, mais en mouvement, en tension vers lui-même. Nietzche et les théologiens du Process introduisent une dynamique dans l’existence de l’homme et de la divinité, rompant avec le statisme qui présidait à la représentation d’un Dieu parfait, et d’un homme achevé, créé à l’image de Dieu. Dans la dynamique du temps et de l’histoire, tout est en devenir, et l’idée de Dieu doit être intégrée dans la contingence du temps. Nous aborderons à une prochaine occasion l’exposé des Théologies de la libération, trop volontiers passées sous silence, et pour cause, car elles constituent, une étape essentielle, et une révolution copernicienne dans la pensée humaine.
Il faut rappeler cependant, qu’ une certaine dynamique existe aussi dans la pensée chrétienne, avec l’incarnation, donc la descente de Dieu dans la contingence humaine et temporelle; avec la foi en l’Esprit saint, souffle transformateur; avec, enfin, l’homme déchu qui doit tendre vers l’homme nouveau. La déification de l’homme est prônée par tous les mystiques. Mais que Dieu soit relatif et imparfait, qu’il doive être en recherche de lui-même, et se constituer éternellement, n’atteignant jamais la perfection, n’atteignant jamais la plénitude de son être, cela n’avait pas encore formé de courant théologique.
Différemment des théologiens sud-américains contemporains, pour Nietzche, ce Dieu qui tend vers la divinité parfaite, c’est l’homme. L’idée d’un Dieu parfait et tout-puissant doit être abandonnée. Ce Dieu-là doit être oublié; il doit mourir dans les mentalités. C’est le Dieu en devenir qui est réel, ou l’homme en devenir de Dieu, ce qui, pour Nietzche, est la même chose, car l’homme qui tend vers la perfection s’achemine vers sa divinisation. Mais alors, la perfection n’existe pas: elle se forge éternellement.
On trouve chez Marx la même dynamique, mais appliquée à la société. Les espoirs supraterrestres de la religion chrétienne doivent être ramenés sur terre, et la société doit tendre toujours davantage à les réaliser dans le cadre de l’histoire, avec le travail et avec le temps.
Le National-socialisme a essayé d’appliquer cette dynamique de perfectionnement à la race et à la nation germanique, trahissant la pensée universaliste de Nietzche et de Marx. Il ne s’agissait plus, ici, de tendre à la perfection du genre humain, mais à celle d’une race exclusive et d’un Etat universellement dominant.
Les facteurs d’ évolution, de dynamisme et de perfectionnement se situant dans un processus qui n’a pas de fin, sont la porte ouverte au modernisme de la fin du XIXe siècle et de ceux qui suivront: la porte ouverte au Progrès. L’idée a été reprise au vingtième siècle par les économistes. Les théologiens de la Libération, eux, l’ont appliquée à l’idée de Dieu.
Dans une prochaine réflexion sur la Théologie du process, il sera certainement intéressant de rappeler et de comparer la pensée de Nietzche , de Karl Marx et de l’existentialisme moderne.
Danielle Vincent.
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