Musée du Chateau d'Argent

Journal janvier 2021

L A  V O I X   D A N S   L E   D E S E R T 
Mensuel du Château d’Argent - N° 22 - Janvier 2021

 

 JOSEPH   ROSSE :      JOURNAL DE MON EXIL

(2 décembre 1944  -  2 février 1945).

- I - 

Journal de mon exil.  Journal et exposé des faits, par Joseph Rossé, à partir du 2.12.1944, jour de son arrestation projetée par la Gestapo, jusqu’au 2.2.1945, jour de la Libération de Colmar,  lorsqu’il s’est mis lui-même à la disposition du préfet Fonlupt.
 
Journal meines Exils.  Tages und Tatsachenbericht von Joseph Rossé, vom 2.12.1944, am Tage seiner vorgesehenen Verhaftung durch die Gestapo, bis am 2.2.1945, Tag der Befreiung von Colmar, nachdem er sich selbst dem Préfet Fonlupt stellte.
(Fonds Rossé de la Bibliothèque Nationale Universitaire de Strasbourg.   Première publication en allemand  par Jean-Jacques Ritter, dans :  Cahiers Joseph Rossé n° 2, automne 2O19,  pp.8 à 46).
 
Traduction française, introduction et notes  par  Danielle Vincent.
 
Voulant rester à égale distance du jacobinisme et du nazisme, l’autonomiste alsacien Joseph Rossé était pris entre le marteau et l’enclume. Patron de la maison d’édition et imprimerie Alsatia,  il  a été persécuté par la  Gestapo qui le soupçonnait de  complicité dans l’attentat du 2O juillet 1944 contre Hitler, et ensuite  par la police de l’épuration, à cause de ses amitiés allemandes.
Nous traduisons pour la première fois le journal qu’il a écrit en allemand dans les deux mois précédant la libération de Colmar.
 
Mulhouse avait été libérée par la 1ère armée française du général de Lattre de Tassigny le  21 novembre 1944., qui réussit à atteindre le Rhin au niveau de Bâle.  Le 23 novembre,  le général Leclerc et sa  2e division blindée entrent à Strasbourg.  Les Allemands sont repoussés au nord et au sud de l’Alsace et se concentrent dans la région de Colmar, où, pour des raisons de logistique et aussi à cause de l’hiver particulièrement rigoureux, les troupes françaises et américaines ont beaucoup de mal à les déloger.  Officiellement, les combats de la Poche de Colmar ont commencé avec l’opération Nordwind, que les Allemands lancèrent à partir du 7 janvier 1945.  Mais on voit, dans le présent journal ,  qu’il y a eu des combats bien plus tôt,  début décembre déjà,  tant à Colmar que dans les villages environnants,  et qui ont contraint la population à s’enfuir.
 
   Samedi 2 déc.   -   Vers 7 heures, à la porte d’entrée de notre cour (1), Koch, le chef de la Gestapo de Colmar (2), me refusa, après avoir consulté son supérieur, l’autorisation d’entreprendre le lendemain à 5 heures, le voyage  projeté chez le Gauleiter à Oberkirch. Il m’expliqua que je devais absolument partir déjà ce soir, au plus tard à 8 heures. Je demandai l’autorisation de régler encore certaines affaires à la librairie (3), mais Koch s’y opposa, me disant : « Retournez maintenant chez vous et préparez-vous ; le sous-lieutenant (Untersturmbannführer) Eckerhart va vous accompagner à l’appartement et vous surveillera lors de vos préparatifs de voyage ! ». Je répondis :  « Alors je ne suis plus libre ;  c’est là mon arrestation ; vous auriez pu me le dire de suite ;  en ceci,  les Français étaient plus honnêtes ».
   Je me rendis avec Eckehart dans mon logement et expliquai à ma femme (4) que j’étais arrêté , lui demandant de me préparer les vêtements les plus nécessaires.  Elle me fit en outre quelque chose à manger.
   J’accompagnai Eckehart au bureau et lui allumai une bougie ; car Colmar était privé d’électricité depuis quelques jours !  Mon épouse monta au premier étage pour finir de préparer la malle avec mes vêtements.
   Je résolus de fuir. Je pensais d’abord partir par la cuisine. Mais remonter le long  volet roulant, me parut faire trop de bruit. Plutôt par la porte de la cave. Louis me remit la clé que je lui demandai et j’ouvris sans qu’on le remarque. Je mis rapidement mon manteau et mon chapeau et me glissai sur la pointe des pieds par la porte de la cave, dans la cour. -  Louis était seul à me voir ; ma femme était montée au premier étage.  M’aidant avec les fils de fer des arbres en espaliers, j’escaladai notre clapier , de là le mur de notre cour et sautai dans la basse-cour de H.Spieser, qui était fermée.  Je franchis péniblement la clôture métallique, haute de   deux mètres, sautai de là dans le jardin potager que je traversai en courant, et me trouvai brusquement devant le portail de la propriété fermé à clé.  Je l’escaladai aussi et  courus le long de la rue Schlumberger  à la faveur de l’obscurité.  Je parcourus l’allée du Champ de Mars en zigzagant  pour semer d’éventuels poursuivants, et me trouvai bientôt devant le portail de Madame le Docteur Sittler (5). Je sonnai et sonnai, en vain !  Sans courant électrique la sonnette ne marchait pas.
   Que faire ? Je ne voulais pas jeter de pierre dans une vitre : j’aurais attiré l’attention. Aller chez des gens de la famille ?  Cela aurait été dangereux, car c’est sûrement là qu’on me cherchait.
   Je ne savais plus quoi faire.
   J’eus la chance de remarquer que le portail de notre magasin dans la rue des Têtes, était encore ouvert. Je pouvais donc aller chez notre secrétaire, Madame Rodier. Je l’appelai dehors et lui exposai rapidement la situation. Je lui donnai la consigne de mettre, au petit jour, mon bureau de la rue Bartholdi en ordre.  Les demoiselles Wirth étaient en visite chez Madame Rodier. Je leur demandai de m’héberger pour la nuit dans leur chambre d’amis. Mais la plus jeune des demoiselles Wirth se mit à pousser de tels cris, que je renonçai séance tenante à ce projet. Je réfléchis où je pourrais aller.  Je résolus rapidement de me rendre chez mon ami Cattin et priai Madame Rodier de m’accompagner, pour mieux passer inaperçu.
   Nous allâmes ensemble chez Cattin ;  je lui exposai mon cas  et il fut de suite d’accord pour m’héberger. Madame Cattin me donna encore à manger et me prépara une chambre pour la nuit. Vers 21h3O je téléphonai chez moi à mon appartement :  il n’y eut pas de réponse. J’en conclus que ma femme était partie, ou alors pas libre.
 
   Dimanche 3 décembre.   -   Sur ma demande, mon ami Cattin (6) se rend chez Bleicher, pour qu’il s’informe de ce qui s’est passé dans mon appartement ; je le prie en même temps d’informer Madame le Docteur Sittler des événements passés. Vers 9 heures je donne un coup de fil chez moi ;  une voix masculine me répond ; je ne réagis pas. J’en conclus que la Gestapo se trouve encore dans la maison.
   Peu après, j’appelle  au téléphone ma belle-sœur, Madame Sutter, et lui demande de se renseigner au sujet de ma femme : je la rappellerai au courant de l’après-midi pour connaître sa réponse. Vers midi, Cattin revient de la ville et m’apprend ceci :
   Bleicher s’est rendu à mon domicile ; des gens de la Gestapo sont là en train de perquisitionner. Il n’a pas eu le droit d’entrer ; il n’a aperçu que Louis et Louise Brockhoff, mais pas mon épouse. Sur l’initiative  de Madame Rodier, tout a été mis en ordre  à l’entreprise. Mon bureau est rangé.  Madame le Docteur Sittler ne  viendra à mon appartement que vers 13 heures, pendant que la Gestapo  déjeune. Peu après 13 heures, Mme Dr.Sittler se rend chez Cattin pour lui donner des informations.
   J’apprends que ma femme a été emmenée hier soir par la Gestapo ; elle doit être sans doute en prison. Louise Brockhoff et son enfant ont été enfermés toute la nuit dans leur chambre. La Gestapo n’avait constaté ma fuite qu’une demi-heure après mon départ. Elle en a été furieuse. Plus de vingt membres de la Gestapo ont été alertés, et ont encerclé tout le quartier où se trouve mon domicile, contrôlant chacun qui entrait ou sortait. Ils ne pensaient pas que j’étais déjà loin. Quelques -uns de la Gestapo étaient restés  toute la nuit dans mon appartement, où ils se mirent à boire, se servant copieusement de notre schnaps et de nos liqueurs. Dimanche matin, ils passèrent toute la maison au peigne fin, de 8 heures à midi. Ils saisirent dans mon bureau beaucoup de documents, en remplirent quatre caisses et les emportèrent. Enragés, ils trouvèrent aussi des pneus en bon état et deux cents litres d’essence. Par contre, ils ne trouvèrent pas la brochure que nous avions mise au point :  « L’Alsace de 194O-45 », dont dix exemplaires se trouvaient chez moi. Louise avait réussi à tout faire disparaître. Pendant la perquisition, Geitner vint et annonça qu’il avait trouvé des traces d’un cambrioleur dans son jardin, supposant qu’il a dû faire effraction chez nous.
   La Gestapo se rendit sur les lieux et constata les traces de ma fuite. Cette absence momentanée permit à Louise de faire disparaître encore vite certaines choses. Des agents de la Gestapo firent une perquisition à mon bureau de l’Alsatia, où ils saisirent nombre de documents commerciaux, trouvèrent quelques drapeaux français, mais rien d’autre à part cela. D’autres fouillèrent la maison de Madame Rodier et des messieurs Heidet et Jacob,  cherchant partout  où me trouver et où découvrir des documents me concernant : mais tout cela en vain ! Quatre agents de la Gestapo voulurent aussi perquisitionner chez André Weiss. Mais il n’y avait là personne d’autre que les enfants ;  les agents en furent réduits à demander s’il y avait eu de la visite. Sur une réponse négative,  ils s’en allèrent.
   A la tombée de la nuit, Madame Rodier revint et me parla des perquisitions en cours.  Nous réfléchissons à ce que nous pouvons faire.  Je décide de quitter l’appartement C. qui, faisant partie du conseil de surveillance de l’Alsatia, pourrait voir son domicile perquisitionné aussi. C. appelle Mme le Docteur S. et lui  raconte que sa femme est en train de faire une crise cardiaque, nécessitant un transfert d’urgence à l’hôpital.  Mme le Docteur S. comprend le sens de l’appel. Elle arrive après 2O heures avec sa secrétaire, Melle Ramsbott. Les  deux femmes me prennent entre elles, chacune par un bras, et me conduisent discrètement à l’appartement de Mme le Dr. S.  Je tombe sur L.Hartmeyer qui est aussi caché là-bas avec sa femme. Nous soupons ensemble et je me retire au troisième étage, dans les deux chambres de Melle Ramsbott, qui déménage dans  celle de Claude Sittler.  Ces trois chambres sont totalement à l’écart, sans vis-à-vis.
   Avant d’aller nous coucher, nous décidons d’un commun accord, que Mme Dr.S. ira tôt demain à la prison pour apporter à ma femme de quoi manger et lui prescrire un arrêt de maladie, pour qu’elle soit transportée à l’hôpital.
 
   Lundi 4 décembre.  -  Vers 1O heures, Mme le Dr. S. revient de la prison tout abattue. Ma femme ne s’y trouve pas. Où est-elle ? Mme le Dr. S. a cherché partout, pour savoir si éventuellement elle avait été transportée à Baden ; mais on n’a pu en trouver aucun indice. Nous pensons alors qu’elle ne peut être que dans le bunker de la Gestapo.  Mme le  Dr. Sittler veut s’y rendre vers le soir pour savoir où elle sera transférée.  Mme Cattin vient vers 17 heures et me dit, à mon grand soulagement, que ma femme est de retour à la maison depuis dimanche soir. Elle avait dû passer une nuit et un jour dans le bunker de la Gestapo. On lui avait appris, dimanche soir, qu’on m’avait arrêté, ce qui était faux, et on l’avait reconduite à la maison. Elle apprit par Cattin et Werckmann que j’étais en sûreté , et je fus soulagé.
   Les pompiers de Colmar qui devaient se rendre à Fribourg (7), pour prêter main forte au déblaiement, se sont cachés avec femme et enfants, afin de ne pas être obligés d’y aller…  La Wehrmacht informe aujourd’hui qu’il y a des combats entre Sélestat et Marckolsheim.
 
   Mardi 5 décembre.  -  Madame Docteur était auprès de mon épouse, qui est très affectée par son emprisonnement.  Elle doit rester alitée ;  Mme Dr. S. lui a délivré un certificat disant qu’elle est malade, impotente et ne peut en aucun cas être transportée.
   Koch, le chef de la Gestapo de Colmar, était aujourd’hui chez  le Dr.Sittler à la maison,  pour prendre congé et arranger les détails de la  sécurisation de mon logement après son départ.  Il devait partir d’une minute à l’autre.
   Il a dit, lors de sa visite :  « J’aurais bien aimé rester à Colmar, ça me plaisait bien ici. Dommage que le Parti a tout cassé en Alsace, et que maintenant il pulvérise même les morceaux » .
   Kornük  avec ses bureaux, a quitté Colmar aujourd’hui…
   Hier soir,  la Gestapo a saisi deux femmes qui étaient hébergées par des Italiens et les a évacuées vers Baden ;  mais elle  dispose encore de temps pour les actions policières.
 
   Jeudi, le 7 déc.  -  La nuit passée, le pont de Horbourg traversant l’Ill a été très endommagé par les tirs d’artillerie ; tout le peloton de surveillance a été tué.
 
   Vendredi le 8 déc.  -  Cattin était chez moi et  m’a parlé de ses entretiens d’hier avec un certain Bruckner, qui doit être le chef des FFI colmariennes (8). Le responsable de Colmar et des environs est l’abbé Vuillemin de Zimmerbach.  Il ressort de toutes ces discussions, que les FFI où ce sont les Communistes qui donnent le ton, ne sont rien d’autre qu’une avant-garde communiste déguisée. Il y aura bientôt une scission  entre les différentes tendances de cette organisation, et les éléments anti-communistes feront bien de prendre sans délai leur autonomie et  réintégrer leurs propres positions.
 
   Samedi le 9 Déc.  -   Tôt, ce matin, de 4 heures jusque vers 7 heures, il y a eu  de violents  combats entre Kaysersberg et Ingersheim. Les Alliés  ont essayé d’avancer  à partir de Bennwihr vers la plaine de Colmar, mais ils ont été repoussés au niveau de Sigolsheim. Les Allemands ont eu, paraît-il, de grosses pertes ; on dit que quatre  grenades ont touché la propriété Borocco, dans la rue de la Papeterie, mais sans provoquer de gros dégâts…
   Hier, on a tiré sur les  ouvriers , qui travaillaient dans la rue Manf… Il y a eu trois blessés ; la propriété Mathis a été endommagée… Un obus, qui était tombé hier dans la rue Gutenberg, a tué un homme.
   D’après les nouvelles que Madame Docteur Sittler rapporte de la ville, l’ensemble de la Gestapo mulhousienne, au nombre de cinquante hommes, est arrivé à Colmar. Ils semblent surtout s’en prendre à des gens qui hébergent des soldats et les aident à se soustraire au combat…
   Depuis deux jours, une affiche annonce que personne ne doit plus être dans la rue après 18 heures. Une autre affiche interdit d’héberger des soldats. On a démonté le standard téléphonique de la Préfecture pour le transporter à Baden. Tous les téléphones ont été volés par la Gestapo au Tribunal régional. La Gestapo recherche partout des véhicules et des appareils de  communication…
   Quelques Alsaciens qui étaient allés se réfugier à Baden la semaine dernière, ont fait de mauvaises expériences et sont revenus en Alsace ;  par exemple, Melle Bunz, la fille de l’ancien directeur de la prison de Colmar ;  elle était secrétaire de la section de la Semm.
   Sengel, le chef de section de la Semm, n’est pas parti, mais se cache en Alsace.
   On entend dire que Vogel aussi, qui, lors du bombardement de Fribourg, a perdu tout ce qu’il avait emmené, est revenu en Alsace et se tient caché.
   Melle Mathé, dentiste à Colmar, et la veuve de Jean-Joseph Simon (enseignante), sont parties en Allemagne.
   Madame Manny, l’épouse du premier bourgmestre de Colmar, a été transférée il y a quatorze jours à Fribourg par Madame le Dr. S.  De suite après, il y a eu le bombardement aérien de Fribourg, et elle a fait une fracture du fémur ;  Manny a perdu tout ce qu’il avait emporté de Colmar. Engel, le directeur du sanatorium, est parti en Allemagne avec femme et enfant ;  le Dr. Hosenlopp – Riedisheim, est aussi parti,  de même que les frères Hascher de Mulhouse, qui travaillaient tous les deux au service de la Gestapo.
 
   Dimanche, 1O Déc.  -  Toute la journée, Colmar a été fortement bombardée par l’artillerie. Il y a eu quatorze morts.
   A 16h45, alors  que je bavardais justement avec le Professeur Bleicher, au rez-de-chaussée, un obus est tombé dans la véranda de la maison Sittler. Les éclats pleuvaient tout autour de moi.  J’ai été légèrement blessé à deux endroits de la jambe gauche.  Par chance, tous les habitants de la maison se trouvaient à la cave. J’ai traversé la rue des Têtes dans un piteux état. Les voisins accouraient pour aider. Nous avons dû compter avec l’intervention des pompiers. Par un coup de chance, j’ai pu m’en sortir. Le portier de Mme Dr. Sittler, un certain Dussel, enfonça au pieu et au marteau la porte de secours de la cave. Ce souterrain aboutit dans la cour de l’Alsatia, à l’air libre. Je le suivis,  frappai chez Mme Rodier pour qu’elle sorte, et me cachai entre les meubles de bureau dans l’espace de l’Alsatia.  Vers 2O heures, j’envoyai  Mme Rodier en reconnaissance dans l’appartement des Sittler. Elle m’annonça qu’aucune personne étrangère ne s’y trouvait plus et que je pouvais revenir, ce que je fis sur- le- champ.  Après le  souper, nous nous installâmes à la cave ; nous y avons dormi toute la nuit.
   Au sujet de l’attaque, j’apprends que des obus sont tombés à la Croix Rouge (rue Talbahn), rue Neutor, à l’Office du travail (Moorfeldwall) ;  le refuge Golritt de Logelbach doit être en flammes…
   Dans la nuit de samedi à dimanche, l’actuel commandant de Colmar, le colonel Huhnenram et son ordonnance le capitaine Vieland, ont été destitués. Le commandement en chef est représenté par un Chevalier de la Croix de Fer, qui passe pour une brute totalement inculte et inapprochable…
   Une ordonnance du chef de Région (Gauleiter),  stipule que toute action contre les dispositions prises depuis le 25 octobre 44,  sera punie de mort.
   Les entretiens de la nuit ont révélé les faits suivants, que j’ignorais,   concernant la politique alsacienne :
   Kayser, l’ancien chef de la Gestapo de Colmar, le bourreau de Colmar.  Sa femme est originaire de Kuhnheim dans la région colmarienne, où Kayser a des biens.
   Les  gens de la SS ont engrossé nombre de travailleuses venues de l’Est.  De tels enfants  étant considérés comme des êtres inférieurs, ils ne devaient pas venir au monde. Les filles enceintes ont été toutes rassemblées à l’hôpital de Colmar. La fille de Piescklaut pratiqua alors des avortements, et ce jusqu’à sa mort.  Ensuite, ce fut le Dr. Fleurent  qui aurait dû le faire. Mais il ne voulait pas.  Alors c’est Piescklaut lui-même qui l’a fait.
   Le camp de Schirmeck a déménagé. Les prisonniers du Struthof ont tous été éliminés au gaz. Les hommes du camp de concentration (de Schirmeck, n.d.l.r.), ont été transférés à Baden, et les femmes ont été libres de s’en aller.
 
   Lundi, 11 décembre. -  Parce qu’il n’était pas venu aux travaux de  déblaiement, le Dr.Febray a été arrêté et mis en prison.  Madame le Dr. S. est en train d’intervenir en faveur de sa libération par la Gestapo, et a un entretien avec le distingué Eckehart.
   Madame Dr.S. a reçu une lettre contenant un pressant appel au secours de Mme Rentz d’Ostheim.  Là, près de deux cents Ostheimois sont entassés dans la cave depuis huit jours, sans aucun soin.  Ils n’ont pas de lumière ni d’eau, seulement un petit fourneau. Le lieu change constamment de propriétaire. Il est complètement dévasté.  A cause des tirs d’artillerie incessants, les gens  ne peuvent même plus sortir chercher de l’eau.  Mme Rentz lui demande de leur envoyer un peu de nourriture.
   La Gestapo s’est annoncée ce matin au local de la rue des Têtes et a demandé à voir la salle des machines à écrire. Elle a confisqué les cinq nouvelles machines qui se trouvaient là.
 
  Mardi 12 déc.  -  Mme Dr. S. a  remis,  pour les Ostheimois, deux caisses de vivres au soldat qui avait apporté hier la lettre de Mme Rentz.  Vers le soir, ce dernier  retourna les caisses, car il y avait un tel bombardement sur la route vers Ostheim, qu’il ne pouvait pas passer.
 
  Mercrei 13 déc.  -  Il y a une nouvelle vague d’arrestations qui sévit dans la ville ;  ont été arrêtés, entre autres :  le directeur Théo Cattin, l’avocat Kiener, le pharmacien Luth, le charcutier Seelig, et Gaschy, du Service d’électricité de la Ville.
  Il y a eu une perquisition chez Cattin ; on trouva deux cents paquets de cigarettes, quelques paquets de cigares suisses, une fourrure, des fusils de chasse et des cartouches. Une chance, que je n’étais plus là-bas !
 
  Jeudi 14 déc.  -  Toute la nuit il y eut une folle canonnade :  d’après ce que j’ai entendu, les Alliés ont été repoussés vers Sélestat.  Ribeauvillé et Riquewihr ont été, paraît-il, repris par les Allemands. Les villages des environs de Colmar, vers Sélestat et W.B. ( 9) ont été totalement détruits.  A Benwihr, il doit y avoir encore quatre maisons debout, et à Mittelwihr aussi  il n’en reste que quelques-unes.   Vingt maisons ont été rasées à Kaysersberg.  Horbourg est fortement  atteint.  L’ensemble de la population est démoralisé par la tournure que prend la guerre. Le jour de la Libération s’éloigne de plus en plus.
  Il devient évident, à présent, qu’on est plus en sûreté en ville qu’à la campagne. Les gens qui ont fui Colmar pour la campagne sont mal en point…
  Mme Dr.S. comme médecin des prisons,  a contacté Cattin en détention et lui avait apporté quelque chose à manger.  Lorsque la  Gestapo l’a arrêté, elle  l’a rassuré en lui disant qu’il ne s’agissait que d’une garde à vue.  C’est la raison pour laquelle il n’avait rien emporté. Il n’est que légèrement vêtu et a froid dans une cellule sans chauffage.  Son épouse est à Voegtlinshoffen  avec le petit. Nous  espérons qu’elle sera tenue au courant et que Cattin aura des vêtements chauds.
  Vers le soir, des réfugiés sont venus de Schoppenwihr à Colmar : ils seront hébergés à Saint-André.  Schoppenwihr est entièrement détruit ; dix-huit soldats ont été tués.
  La population d’Ostheim doit être évacuée aussi tôt que possible. En attendant, Mme Dr.Sittler a pu envoyer quelques caisses de conserves par des  militaires.
  Comme l’annonce « Die Wacht », le Dr. Ernst ( 1O) a quand même été arrêté à Strasbourg.  Les Allemands ont prévenu les Français que, s’il devait arriver quoi que ce soit au Dr. Ernst, ils entreprendront des représailles.  Les arrestations qui ont lieu en ce moment à Colmar et aux environs sont probablement liées à cela…
  Radio-matin de Strasbourg fonctionne de nouveau.  L’évêque, Mgr Ruch a célébré la première messe à la cathédrale de Strasbourg.  A Erstein, une messe solennelle a été célébrée, avec une prédication en alsacien…
  La Commission d’Alsace-Lorraine du gouvernement parisien a décidé d’appliquer l’ensemble des lois françaises à l’Alsace-Lorraine, également les lois sur la laïcité. Cette décision , que soutiennent apparemment aussi les Démocrates Populaires, va sans doute refroidir les enthousiasmes de certains milieux…
  Les événements militaires prenant une tournure plus favorable, le Commissaire de région (Landkommissar) Kroepfle est retourné à son poste à Colmar. Manny doit aussi avoir reçu l’ordre de regagner Colmar. Le Chef d’arrondissement (Kreisleiter)  Glas est toujours là ; il loge à la Pouponnière, rue de Bâle .
  Beaucoup d’ouvriers municipaux sont occupés dans les cimetières à creuser des tombes.  Deux cent cinquante soldats, qui ont été tués hier et avant-hier, doivent être enterrés dans une fosse commune.
  On ne trouve plus de cercueils et on ne peut plus célébrer de funérailles.
  Les civils, victimes des tirs d’artillerie, ont été enterrés sans avoir été examinés par un médecin, et le plus souvent sans cercueil…
  La population d’Ostheim était annoncée pour ce soir ; elle n’est pas venue, probablement parce qu’elle ne pouvait pas sortir ;  le prêtre catholique aussi est dans la maison Rentz.
  La plupart des médecins colmariens ne sortent plus. Dans la plupart des hôpitaux  on a  placé un  médecin et une sage-femme  qui doivent  soigner tous les malades.
  Samedi, le 16 Déc.   -  Cattin,  Selig, Dr.Schlumberger de Guebwiller et le pharmacien Luth de Colmar, ont été transférés hier à Fribourg par la Gestapo. Mme Cattin, qui avait été avertie à temps, était descendue de Voegtlingshofen, et a pu encore parler avec son mari.
  L’avocat Kiener a été mis en liberté grâce à l’attestation médicale du Dr. Mme S.  Gaschy, de l’usine municipale d’électricité, a également été mis en liberté provisoire.
  Il ne peut plus y avoir à Colmar que deux enterrements par nuit…  Hier, les habitants de Bennwihr sont arrivés ici  comme réfugiés ;  leur village est complètement bombardé.  Ils se sont sauvés par Ingersheim vers Colmar et sont hébergés à Saint-André, dans la rue Rapp…Une nouvelle ordonnance stipule que tous les habitants des circonscriptions de Colmar, Sélestat, Guebwiller, Thann et Mulhouse devront remettre leurs appareils de radio jusqu’au 2O du mois. Ceux qui en sont dispensés sont seulement les Allemands du Reich, qui ont obtenu leur citoyenneté avant le 1er mai 194O.  Ce qui fait qu’en somme, tous les Alsaciens sont obligés de rendre leurs appareils…(11).
  Comme l’annoncent même les radios ennemies, les Allemands ont réussi à enfoncer sérieusement le front allié dans le Sundgau grâce à une nouvelle méthode d’approvisionnement de leurs chars.  La route secondaire Belfort-Mulhouse est coupée,  et Mulhouse est menacée.
  En Alsace centrale, les Allemands ont reconquis un promontoire dominant la plaine colmarienne;  il s’agit probablement du Hohneck .
  La maison du directeur général de l’Alsatia a été réquisitionnée aujourd’hui pour servir de cantonnement aux soldats.
 
  Dimanche le 17 déc.  -  Un obus est tombé cette nuit dans l’immeuble de la banque situé rue des Clés, en face de la mairie, et dans le magasin Sadal près de la droguerie Grunewald…
  Hier, on ne trouvait plus de viande dans toute la ville. Chez Fincker, les gens faisaient la queue pendant des heures et ont attendu en vain d’avoir de la viande.
  On a apporté hier un cochon entier au Chef de l’arrondissement  (Kreisleiter) et à ses administrés, qui logent maintenant rue de Bâle, dans l’ancien foyer pour mères célibataires. Toute une chambre de leur bâtiment est remplie de caisses de Châteauneuf-du-Pape…
  Ce matin, ont comparu devant le tribunal militaire de Colmar, composé du Sous-lieutenant (Untersturmbannführer)  Eckehart (Baron Freiherr von Lersner),  du Commissaire d’Etat (Staatskommissar) Koch , et du chef de la propagande locale Wagner,  cinq citoyens de Colmar qui ne se sont pas rendus au travail, en dépit de la convocation officielle.  Deux d’entre eux (Eckert et le marchand de lait Gebel) ont été acquittés ; deux autres ont été condamnés au camp de concentration ;  D.L. Febray  a été condamné à mort. Au courant de l’après-midi, Mme le Dr.Sittler est allée à la prison, faire un recours en grâce pour Febray ; son épouse aussi a fait la même demande.
  Les SS qui, très  affectés, sont retournés aujourd’hui dans la maison Sittler, rue de Bâle, ont déclaré : « A Illhäusern nous avons frappé très fort, six fois, mais pour rien ! Si la Wehrmacht était comme nous, ce serait bien ; mais l’armée ne veut plus.  Les officiers se font porter malades et les soldats se défilent… »
  Une rumeur circule selon laquelle les machines à coudre aussi vont être réquisitionnées…
 
  Lundi le 18 déc.  -   Ce matin la ville a été bombardée.  Environ vingt obus sont tombés sur la ville. Entre autres, la cathédrale a été touchée, ainsi que la boulangerie Helmstadler et le secteur de la rue des Têtes.  A la Saunière, trois femmes ont été tuées et un homme grièvement blessé. Un obus est aussi tombé dans la rue Bartholdi, dans le jardin de la Maison des Sœurs. Il est fort probable qu’à l’Alsatia toutes les vitres ont volé en éclats.
  Hier soir, le Dr. Schwartz qui se tenait aux trois-Epis,  a été arrêté   et conduit à la prison de Colmar. Lors d’une perquisition, on a trouvé chez lui des livres français. On l’accuse de n’avoir dans sa bibliothèque de Colmar et des Trois-Epis pratiquement que des livres français…
  Le recours en grâce en faveur du Dr. Febray a été accepté ; il n’a pas été fusillé, mais a été déféré aujourd’hui à Baden, avec le Dr.Schwartz.
  Le Staaskommissar Koch, chef de la Gestapo colmarienne, a donné aujourd’hui à Madame Joseph Simon, les clés de son appartement, disant qu’il s’en allait et comptait revenir encore une fois, mais que ce n’était pas sûr. Ainsi s’en va de Colmar un homme qui a causé beaucoup de mal à notre ville et aux environs.
 En ces jours de bombardement, on ne voit plus du tout la NSV ( 12). Elle ne se manifestait     que  lorsqu’il n’y avait pas de danger et qu’on pouvait puiser dans  les caisses pleines.
Les sœurs catholiques elles-aussi capitulent en grand nombre. Au lieu d’organiser des ambulances volantes, pour intervenir partout où le besoin se fait sentir, elles sont assises jour et nuit  dans la cave à prier.
 
(Suite prochainement dans le mensuel La Voix dans le Désert,  n° 23, février 2O21).
 
Notes :
 
(1)   Depuis le 1er novembre 194O,  la famille de Joseph Rossé a occupé le n° 19 de la rue Voltaire, rebaptisée Lesersstrasse, à Colmar. Auparavant, et depuis 1927, le n° 21 de la rue Camille Sée.
 
(2)   A la suite de l’attentat du 2O juillet 1944 contre Hitler,  cinq mille  personnes  soupçonnées d’être hostiles au régime sont arrêtées par Himmler. En Alsace, Jean Keppi, secrétaire du Conseil de surveillance de l’Alsatia, est recherché par la Gestapo et lui échappe provisoirement en se cachant à Strasbourg  dans sa cave et dans les souterrains d’une banque connue.  
Rossé avait été trahi par un moine du couvent de l’Oelenberg, le Dr Zelle.  Koch, commissaire d’Etat, était accompagné de Eckehart, chef de la Gestapo de Strasbourg et de deux autres policiers. (Voir :  M.Krempper, op.cit. p. 27O).
 
(3)   Les bureaux et l’imprimerie de l’Alsatia se trouvaient 1O rue Bartholdi à Colmar. Ces bâtiments ont été démolis par la suite et remplacés par des habitations.  Au 28 rue des Têtes se trouvait la librairie-papeterie ; magasins de souvenirs, actuellement. Des succursales de la maison-mère de Colmar avaient essaimé dans toute l’Alsace et en  France :  Strasbourg, Mulhouse, Guebwiller, Thann, Sélestat, Huningue, Saint-Louis, Saverne, Haguenau, Wissembourg, Paris, Lyon, Belfort, Lourdes, Périgueux.
 
(4)   Joseph Rossé, né Allemand à Alt-Münsterol (Montreux-le-Vieux) le 26 août 1892, avait épousé Françoise Sonntag le 7 septembre 192O.  Elle était la fille de  Charles Sonntag, économe, et de Françoise, née Dreyer, domiciliés à Colmar.  Leur mariage religieux avait été célébré le 8 septembre 192O, en la Collégiale St Martin de Colmar. Le couple sans enfant avait adopté un petit garçon handicapé.
 
(5)    Le couple de médecins Erika Sittler-Wittmer  et Pierre Sittler étaient domiciliés  26 rue des Têtes à Colmar. « Cette femme, réputée mystérieuse et impénétrable,  cache bien son jeu. Elle abritera dans une autre  chambre un officier de réserve français, André Jochem, qui était son ancien élève, également pourchassé par les nazis (…). Depuis des années elle n’avait cessé de multiplier les interventions en faveur des Alsaciens menacés» (M.Krempper, op.cit. p.  271).  Elle hébergera Rossé pendant deux mois. 
 
(6)  Théo Cattin , directeur de l’administration des Domaines, de la ville de Colmar, était l’un des collaborateurs de l’Alsatia, avec Paul Gestermann (agent général d’assurances), le Dr Josef Oster (directeur des hospices civils de Strasbourg), et le Dr Luzian Sittler (archiviste de la ville de Colmar).  Le président du Conseil d’administration de l’Alsatia était Medard Brogly (enseignant à Mulhouse) ; son remplaçant , August Sipp (vigneron à Ribeauvillé).
 
(7)  La ville de Fribourg-en-Brisgau avait subi un premier  bombardement, le 1O mai 194O, par la Luftwaffe. A 2O h,  au soir du 27 novembre 1944, dans le cadre d’une opération appelée « Tigerfish »,   la Royal Air Force  avec 3OO bombardiers Lancaster et 6O avions de chasse Mosquitos, déverse 1.7OO tonnes d’explosifs, soit 15.OOO bombes incendiaires  sur Fribourg,  qui n’était pourtant pas un site stratégique,  réduisant en vingt minutes par surprise,  la quasi ­­ totalité de la ville en cendres.  Ni les habitants, ni la défense anti-aérienne allemande  n’avaient   eu le temps de réagir.  Fribourg brûle pendant deux jours. Seule la cathédrale sera miraculeusement épargnée.  Il y aura près de 3.OOO morts et 1O.OOO blessés.
 Il faut faire mention des bombardements des plus grandes villes allemandes  par les  alliés :  Dresde (14 février 1945 : 7.1OO tonnes de bombes ),  Essen ( mars 1943, octobre à décembre 1944 : 37.938  t.),  Leipzig (  4 décembre 1943, 2O février et mai 1944, 11.616 t.), Cologne (mai 1942 – 2 mars 1945, 72 raids , 44.923 t.), Munich (24-25 avril 1944, 19.329 t.), Hambourg (18 avril-3 mai 1945, 39.687 t),  Berlin (mars 1944 –avril 1945, 67.6O7 t.).  Au total 1.419.6O4 tonnes de bombes ont été larguées sur l’Allemagne par  la Royal Air Force et la US Air Force, pendant la seconde guerre  mondiale.  (Voir internet : « Un bilan de la guerre aérienne, une catastrophe sans précédent »). 
On parle volontiers de la barbarie nazie ;  mais la barbarie  et les crimes de guerre alliés ?...
 
(8)  Les Forces Françaises de l’Intérieur , ont été constituées le 1er février 1944, par la fusion des  groupements militaires de toutes les régions résistantes de  France, sous le commandement du général Pierre Dejussieu.  Elles contribuèrent à préparer le débarquement allié  de juin 1944 et la libération  du territoire ;  les FFI s’intégrèrent à la 1ère armée du général De Lattre de Tassigny, mais ont été sévèrement  critiquées par le général Leclerc, qui estimait qu’il y avait parmi eux 1O% de très bons  et braves combattants, 2O à 25% d’acceptables et le reste : « racaille et fumisterie ».
 
(9)   M.B. :  sans doute, en lisant bien,  N.B., Neu -Breisach.
 
(1O)   Robert Friedrich Ernst, né à Hurtigheim le 4  février 1897  était le fils  du pasteur  de  l’église Saint -Thomas de  Strasbourg . Officier dans l’armée allemande pendant la première guerre mondiale, il fait ensuite des études de droit et d’économie politique à Heidelberg  et à Tubingen, où il obtient son doctorat. Il s’implique activement dans le Hilfsbund (aide aux exilés alsaciens-lorrains) et dans les associations d’étudiants.  En 1921 il lance un mensuel : Les Voix de la Patrie d’Alsace-Lorraine  (Elsass-Lothringen  Heimatsstimmen), et crée un Groupement des Alsaciens-Lorrains d’origine, en 1923 (Alt-Elsass-Lothringische Verinigung). A Colmar, en 1928,  au procès des Autonomistes,  il est  condamné à vingt ans d’interdiction de séjour.
 Dès 194O, il s’engage comme officier dans la Luftwaffe et combat en  Pologne.  En août 194O il est nommé SS-Standartenführer  (grade de colonel). Il crée l’Elsässer Hilfsdienst pour l’aide au retour des Alsaciens évacués.  Il est nommé ensuite General Referent (Rapporteur général) et Oberstadtkommissar (Haut -commissaire) de la ville de Strasbourg. Après un nouveau retour dans la Luftwaffe, il est nommé Oberbürgermeister  (maire) de Strasbourg.  Le 16 décembre 1944, croyant toujours à la victoire de l’Allemagne,  il crée à Colmar l’Elsässische Freiheitsfront (Front alsacien de Libération),  pour appeler les Alsaciens à se battre contre les alliés.
Il est arrêté à la Libération et passe  neuf ans en prison, où il rédige ses mémoires.  En 1954, un nouveau procès le condamne à  vingt ans d’interdiction  de séjour pour avoir appelé les Alsaciens à se soulever contre les armées françaises.  Il meurt le 14 avril  198O à Rimsting en Bavière.
 
(11)    Lors de l’annexion de l’Alsace-Lorraine par le Reich, le 25 juillet 194O, il était stipulé que seuls les Alsaciens et  Lorrains qui se reconnaissaient de souche allemande seraient admis, au retour de l’évacuation,  à réintégrer leurs foyers. Les  Français  ouvertement hostiles à l’annexion, ainsi que les étrangers et les Juifs   seraient expulsés. Rossé parle ici de ceux qui ont été considérés comme citoyens allemands après l’annexion : donc tous les Alsaciens.
 
(12)   Une association nazie de Colmar.   
 
Bibliographie :
 
Parmi l’énorme quantité d’ouvrages sur l’Autonomisme et l’Annexion  de 194O,  citons entre  autres :
 
Michel Krempper :     Widerstand . 13 Alsaciens qui ont dit « non » (Ed. Yoran   2017 ).
       ‘’         ‘’      :     Joseph Rossé, 1892-1951. Alsacien interdit de mémoire.  (Ed. Yoran,  2O16).
Bernard Wittmann :   Jean Keppi, 1888-1967.  Une histoire de l’Autonomisme alsacien.  (Ed. Yoran , 2O14).
Marie-Joseph Bopp :  Ma ville à l’heure nazie. Colmar 194O-1945. (Ed . La Nuée Bleue, 2OO4).
       ‘’         ‘’         :  L’Alsace sous l’occupation allemande. (Ed. Xavier Mappus, 1945). 
 
 
L A     P H R A S E     D U     M O I S :
 
« Les Nazis nourrissaient une profonde aversion pour les autonomistes et leurs revendications particularistes, qui n’avaient pas leur place dans un Reich centralisé ».  
 
                                                                         (Bernard Wittmann,  Jean Keppi, op.cit. p. 3O2). 
 
 
                                                                                       Château d’Argent : transmettre le savoir.
                                                                Le mensuel paraît sur internet :   www.museechateaudargent.com
 
  
La Voix dans le Désert. Mensuel gratuit du Château d’Argent.
Directrice de publication : Danielle Vincent.
Editions du Château d’Argent, 185 rue De Lattre de Tassigny, 6816O Ste Marie-aux-Mines.
Mise en page et impression :  ZAPA Informatique.
ISSN : 265O-7225. Dépôt légal :  1er trimestre 2O21.