Musée du Chateau d'Argent

Septembre 2O16 - Littérature

 

Château d’Argent
Centre de Formations continues
 
Mois de septembre 2O16 :  Littérature
 
Jean-Jacques ROUSSEAU : Emile ou De l’Education (1762).

 

La biographie de Jean-Jacques Rousseau :

Jean-Jacques Rousseau est né le 28 juin 1712, à Genève, dans la famille protestante d’Isaac Rousseau et de Suzanne Bernard. Sa mère est morte à sa naissance, et c’est ce drame qui a déterminé le caractère et le destin de l’enfant.
Déstabilisé par la perte de sa mère, dont il s’est toujours senti coupable, n’ayant plus de vrai foyer, son père ayant été expulsé de chez lui, Jean-Jacques a inconsciemment cherché un point de chute toute sa vie, allant d’un lieu à l’autre, espérant trouver partout la mère qu’il n’avait pas eue. Sa relation avec les femmes a été plutôt filiale que véritablement responsable. C’est bien Madame de Warens, chez laquelle il fut hébergé dès 1728, à dix-huit ans, qu’il appelait « maman » . Plus tard, en 1745, lorsqu’il connut Thérèse Levasseur, il objectiva, on peut dire qu’il « mit en scène » l’abandon qu’il avait connu tout bébé : incapable de subvenir matériellement à leurs besoins, il remit à l’assistance publique ses cinq enfants.
La mort de sa mère conditionna chez lui une culpabilité et un sentiment d’infériorité inconscients. Lui qui était persuadé d’avoir « tué » sa mère, s’arrangea alors pour être l’éternel persécuté, accusé toute sa vie, haï et banni.
La douloureuse expérience de ce vide conditionna aussi sa pensée et son œuvre.
Il voudra donner aux hommes ce qu’il n’avait pas reçu lui-même : une éducation où l’affectivité et le bon sens prendront la place des échafaudages intellectuels ; guidée discrètement, mais non dirigée, et s’effectuant presque en autodidacte ; une société basée sur les enseignements de la nature et non plus sur l’artifice , la complaisance et l’hypocrisie ; où la simplicité du petit peuple est magnifiée, ainsi que les métiers manuels ; où la religion, loin de l’apparat et des dogmes incrédibles, sera celle du coeur et naîtra spontanément du contact avec la nature et de la contemplation.
 
Fuyant Genève et son travail d’apprenti chez un graveur dont il ne supportait pas la grossièreté, il trouve refuge à Annecy, aux Charmettes , chez Madame de Warens.
Elle veut en faire un bon catholique et, pourquoi pas, un prêtre. Elle l’envoie à Turin faire son catéchuménat, et il se convertit là-bas. Elle lui trouve ensuite une place de valet chez Madame de Vercellis . Puis il est laquais chez le comte de Gouvon, mais retourne bientôt aux Charmettes. Sa protectrice l’envoie au séminaire d’Annecy.
Ses dispositions pour la musique sont évidentes et sa carrière semble se diriger naturellement vers cet art. Il rejoint la chorale de la cathédrale d’Annecy, et devient ensuite maître de musique à Lausanne et Neuchâtel. Mais il est d’une instabilité maladive : il va parcourir la Suisse en compagnie d’un moine grec, devient domestique d’un officier retraité à Paris, revient en Suisse où « maman » lui procure une place au cadastre de Chambéry, en 1731. Il n’y reste pas. Il veut être près de sa mère adoptive et, réalisant le fantasme éternel d’Œdipe, il devient l’amant de Madame de Warens. Il reprend alors la musique, puis repart en voyage, atterrit à Lyon où le destin le met en face de sa vraie vocation : l’éducation. Il est précepteur chez Monsieur de Mably. Ce n’est pas son premier contact avec des enfants, puisqu’en Suisse il avait déjà eu des classes de musique.
Un écrit sur l’éducation vient à jour à ce moment-là : le « Projet pour l’éducation de Monsieur de Sainte-Marie », un des enfants de Monsieur de Mably (174O).
 
Mais il ne reste pas à Lyon non plus. Il revient chez madame de Warens, puis s’en va à Paris. Il contacte l’Académie avec un ouvrage proposant de nouveaux signes musicaux, écrit une Dissertation sur la Musique, rencontre Denis Diderot et se lie d’amitié avec les Encyclopédistes. Il trouve un emploi de secrétaire dans une famille parisienne, puis, en 1744, est nommé secrétaire d’ambassade à Venise. Désormais, sa carrière et sa renommée auraient pu être assurées.
Or, il retourne à Paris l’année d’après, et y rencontre une fille du peuple, Thérèse Levasseur, avec laquelle il se met en ménage. Complexé, ne se croyait-il digne que d’une union inégale ?
Il s’occupe alors d’opéras, mais aussi d’un sujet plus sérieux : la réfutation de l’Esprit des Lois de Montesquieu (1747).
Il rencontre , en 1748, Madame d’Epinay et va s’installer chez elle quelques années plus tard, en 1756. Entre-temps, sa compagne met au monde cinq enfants, mais Rousseau n’a pas de quoi les élever, et les remet à l’assistance publique..
C’est l’année 175O – il a trente-huit ans - qui voit éclore sa véritable activité littéraire, avec le Discours sur les Sciences et les Arts, récompensé par l’Académie de Dijon, mais qui ne passe pas sans contestations dans le public. Le Devin du Village (1752) et la Lettre sur la Musique française (1753) sont les derniers vestiges de ses hésitations entre la philosophie et la musique.
On retrouve Rousseau à Genève en 1754 où il retourne au protestantisme. Il publie, l’année d’après, le Discours sur l’Inégalité (1755). Au même moment, il écrit un article sur l’Economie politique, et y aborde encore le sujet qui lui tient à cœur : l’éducation. Il voudrait que l’instruction soit publique et régie par l’Etat.
C’est à partir de 1756, chez Madame d’Epinay, que sont mises en chantier ses grandes œuvres : La Nouvelle Héloïse (achevée en 1758, publiée en 176O), l’Emile (dans sa première version en 1759). Le Contrat social est ébauché dès176O à Montmorency, chez le Maréchal de Luxembourg. Rousseau étant tombé amoureux de Madame d’Houdetot, il avait été congédié par Madame d’Epinay.
Le Contrat social est terminé en 1761, publié en 1762, ainsi que la dernière version de l’Emile. Ces œuvres se heurtent tout de suite à l’incompréhension et à la censure. L’Emile est condamné à être brûlé et Rousseau s’enfuit en Suisse pour ne pas être arrêté. Mais à Genève aussi les deux livres sont interdits. L’auteur doit se réfugier sur les terres du roi de Prusse à Neuchâtel. Cependant, à Genève, une partie de la population se soulève contre le sort qui est fait à ces écrits et prend la défense de l’écrivain.
On est en 1763. Le 6 mai, Maximilien de Robespierre voit le jour à Arras. Déjà, le destin tisse le fil qui va relier si étroitement Rousseau à la Révolution française.
Obligé de défendre ses écrits, il publie les Lettres écrites de la Montagne (1764). Elles seront condamnées à leur tour en Hollande et à Paris. La même année - Rousseau a cinquante deux ans - il commence ses Confessions. Il les achèvera en 1771.
Il reprend sa vie errante. A Môtiers, on lui jette des pierres. De l’Ile Saint-Pierre où il se réfugie, il est expulsé. Il retourne à Paris chez le prince de Conti. Puis va en Angleterre, mais se brouille avec David Hume, le philosophe empiriste, et revient en France, de nouveau chez le prince de Conti, mais sous un nom d’emprunt. On le retrouve à Lyon, Grenoble, Bourgoin, et enfin de nouveau à Paris.
 
L’éducation reste sa grande préoccupation. Dans ses Considérations sur le gouvernement de
la Pologne, en 1771, le chapitre quatre est consacré à l’éducation. Dans les salons parisiens ,
pour qu’on le connaisse mieux, il lit des extraits de ses Confessions. Mais même ces lectures vont être interdites par la police .
De 1772 à 1775, Rousseau essaie de gagner sa vie en copiant de la musique. Il écrit encore : Rousseau juge de Jean-Jacques, pour se défendre contre l’hostilité générale, et y parle de l’Emile dans son troisième Dialogue. En 1776, voilà les Rêveries du Promeneur solitaire, qu’il ne terminera jamais : il avait été accueilli à Ermenonville, chez le marquis de Girardin, et mourut avant d’avoir achevé la dixième Promenade, le 2 juillet 1778.
Dans la neuvième Promenade, il avait repris, encore, une réflexion sur l’éducation.
 
Jean-Jacques Rousseau fut enterré dans le parc d’Ermenonville. En 1794, ses cendres furent transférées au Panthéon. Ce que sa mère - et on revient à son problème fondamental - n’avait pas pu faire pour lui, ni son père si fantasque, et ce que lui-même, par misère, n’avait pu faire pour ses propres enfants, Jean-Jacques a voulu le faire pour la postérité. Son masque mortuaire est empreint d’un sourire de paix et de lumière, comme s’il avait trouvé, enfin, le face-à-face consolant avec l’humanité à venir.
 
Danielle Vincent
Ste Marie-aux-Mines.