Musée du Chateau d'Argent

Journal août 2021

L A  V O I X   D A N S   L E   D E S E R T 
Mensuel du Château d’Argent - N° 29 - Août 2021 
 
LUCIEN JENN 
Curé de Bischoffsheim  
LE  JOURNAL  D’UN PRETRE ALSACIEN  EN  CAMP  DE  CONCENTRATION. 
 
LE  CAMP DE CONCENTRATION SCHIRMECK – STRUTHOF
PENDANT LA PERIODE FRANCAISE 
1 9 4 5
E X P E R I E N C E S     E T     D O C U M E N T S
(12 janvier 1945  -  24 décembre 1945) 
 
Première traduction française intégrale, introduction et notes par   
Danielle  VINCENT. 
  
-  V  -

(Suite de La Voix dans le Désert, n° 25, avril 2O21 ;  n ° 26, mai 2O21 ; n° 27, juin 2O21 ; n° 28, juillet 2021).

 Plusieurs thèmes intéressants apparaissent dans la réflexion de l’abbé Jenn, au cours de ce mois de juillet 1945.
Il explique pourquoi les Alsaciens dans leur grande majorité, ont coopéré avec le régime allemand pendant la guerre (1).  Comme auparavant, il déplore l’impuissance, le double-jeu et la flagornerie des autorités, tant civiles que religieuses (2). Ces dernières surtout ne semblent pas avoir la moindre idée de ce qu’il se passe dans le camp français du Struthof et, par diplomatie, préfèrent ne pas le savoir (3 ). L’ abbé Jenn reproche à  Mgr Ruch, l’évêque en place, son insensibilité et sa mauvaise volonté à secourir un père de six enfants  (4 ).
Avec finesse, il relève qu’insidieusement tout est fait par les autorités françaises, pour que disparaisse peu à peu l’identité alsacienne, ce qu’on avait déjà vu avec l’interdiction de prêcher en allemand (5). 
Il   dénonce l’hypocrisie des  responsables et aussi de l’aumônier officiel, leur double-jeu et leur manque total de scrupules, notamment quand il voit les chefs du camp   passer du jour au lendemain de la chambre de torture au banc de communion (14 juillet 1945).
Révolté par la corruption qui règne à tous les niveaux, il relève qu’elle est aussi la cause de la disette qui règne dans le pays comme dans le camp (6).
En effet, la vie, au Struthof français, est surtout marquée par la mauvaise nourriture et par la faim.  Des framboises au sucre, envoyées par la famille, sont un festin pour le dessert (7). 
Les enfants se réjouissent de pauvres cadeaux : quelques biscottes et une cuillérée de compote…(8).     Les malades aussi sont sous-alimentés (9).
La nourriture était bien meilleure au camp allemand, estiment d’anciens prisonniers.
Mais le pire, ce sont les frustrations morales : vexations, humiliations, insultes (1O), confiscation des biens  (11), refus complet de la liberté d’opinion et d’expression dans cette France d’après-guerre, ce qui met en faux ses prétentions et ses discours, qui apparaissent alors comme de prétentieux effets d’annonce (12).
L’inhumanité dont il est le témoin le révolte profondément, il ne cache pas qu’elle est aussi le fait de médecins tortionnaires (13).
Partout il déplore   le sort particulièrement cruel des Allemands qui n’ont pas pu regagner l’Allemagne à temps, de leurs femmes et de leurs filles restées en Allemagne. A la date du 13 juillet 1945, le réquisitoire de l’abbé Jenn est sans pitié et désormais le lecteur ne verra plus  l’ Histoire de la même façon ; l’auteur met à jour les crimes contre l’humanité (14) de la France d’après-guerre, ceux notamment qui ont été commis par l’armée française en territoire allemand, et qui nous font penser à ceux des Russes entrant à Berlin quelques mois auparavant.
Mais,  prêtre et chrétien, il sait utiliser les épreuves présentes  pour fortifier sa foi; ses lectures pieuses,  sa constante référence à l’Ecriture sainte, lui donnent la faculté de  transfigurer la réalité et  d’apporter courage et espoir à son entourage.
Comme le lecteur pourra s’en rendre compte, ce journal est une mine de renseignements, aussi sur les habitudes de l’ancien camp allemand du Struthof.
 
1O.7.45     A 9h, célébration en souvenir des défunts dont les urnes ont été trouvées sous une salle de classe. Le Chemin de Croix de Reinhold Schneider (15)   commence avec la phrase :  « Un jour, le chemin de chacun va se croiser avec la croix du Seigneur. A l’endroit où les chemins se croisent, la décision doit être prise. C’est peut-être une heure terrible et déstabilisante, l’heure où les deux chemins se croisent.  Mais c’est aussi l’heure de la Grâce, de la plus grande grâce de notre existence. La décision irréversible, pour le temps et l’éternité, sur la valeur ou la vanité de notre vie, nous sera proposée à l’intersection des chemins. »
Certains, dans le camp, ont  senti cette grâce  qui est devenue la leur, ici, et ont prié avec Louise Hensel  (16) :
« Père, cette heure douloureuse,
C’est ton amour qui me l’a donnée ;
Pour cette plaie brûlante aussi,
Père aimé, je Te rends grâces ».
D’autres n’ont pas reconnu ce qui contribue à leur paix, n’ont pas décelé qu’il s’agissait de l’heure de l’épreuve. Leur route descend toujours plus bas dans la nuit du doute, de la haine et…du désespoir.
Et cependant, le Sauveur crucifié pour nous les attend, celui qui jadis avait adressé ces paroles aux disciples d’Emmaüs :  « Ne fallait-il pas que le Christ souffre toutes ces choses, pour entrer dans la gloire céleste ? » (17).
Le chrétien doit  déceler dans sa vie :
Les épines de la couronne de Jésus,
Les éclats de sa croix,
Les gouttes de son calice,
Les souffrances de son cœur.
Celui qui a compris cela prononcera le « Fiat » courageusement. (18 ).
L’Amitié Française a tenu, le 7 juillet, une assemblée au Théâtre de l’Union (19), au cours de laquelle Maître Teitgen, bâtonnier au barreau de Nancy, déporté de Buchenwald,  avait dit entre autres :  « L’honneur, la dignité et la valeur de l’homme voilà ce que la guerre avait mis en question (et de quoi il s’agit pour la France et les Français) ».  Et Monsieur Stanislas Fumet, rédacteur en chef de Temps Présents, a expliqué :  « Si la France disparaissait, il y aurait lieu de la recommencer, parce que la France représente la plus juste mesure humaine ».  Est-ce que nous, au Struthof, pouvons partager ces deux opinions ? Nous qui, sans jugement, nous trouvons parqués, depuis maintenant plusieurs mois, derrière une clôture électrifiée ? 
3OO.OOO boisseaux de blé sont acheminés par le bateau Sam Hope de Montréal à Hambourg, pour sauver les travailleurs allemands de la famine. C’est fort bien, mais est-ce qu’on pense aussi à nous ?  Nous, au Struthof, pourrions aussi nous plaindre qu’ « il y avait beaucoup de pierres et peu de pain » , car hier nous n’avons par reçu de pain, ni à midi ni le soir ; le matin, nous n’en avons reçu qu’un petit bout, celui qui nous restait,  et qui était si moisi, que nous ne pouvions presque pas le manger. 
M.Licken est si enthousiasmé par le livre de l’abbé Alf. Heitz, que j’ai dû lui promettre de le lui procurer plus tard. Car il est apparemment épuisé.  Je lui en ai lu un extrait, le Cantique du Soleil de saint François. Pour les résidents du Struthof,  incapables de pardonner parce qu’ils ont trop souffert, cette strophe est particulièrement appropriée :
« Loué sois-tu, mon Seigneur,
Par ceux qui pardonnent à tous,
Qui, par amour pour toi, supportent le mal et la peine,
Heureux sont ceux qui endurent cela paisiblement.
De toi, Très-Haut, nous recevons la couronne » 
.Ma sœur Martha a été opérée et est déjà bien rétablie. Martha ne craint  qu’une chose : de devoir retourner en détention.
Le 8 juillet, nous avons, mon frère et moi, adressé la demande suivante au Préfet  (2O) :
« Monsieur le Préfet,
Les soussignés voudraient solliciter de votre bonté la grâce suivante. Leur sœur, Marthe Jenn, arrêtée par les FFI le 2O janvier à Bischoffsheim, fut d’abord enfermée dans la prison de Saverne. Le 27 mai elle fut transférée au Camp de Schirmeck. Agée de 54 ans, après un internement de près de 6 mois, sous-alimentée et épuisée par les travaux inaccoutumés, elle tombe gravement malade (cancer). Transportée à l’hôpital de Strasbourg, elle fut opérée le 23 juin 1945.  Les soussignés prient Monsieur le Préfet de bien vouloir accorder à leur pauvre sœur au moins la mise en liberté provisoire, afin qu’elle puisse reprendre de nouvelles forces et se remette complètement. En espérant que leur demande sera bien accueillie, et en vous remerciant d’avance de votre mesure de clémence, ils vous prient, Monsieur le Préfet,, d’agréer l’expression de leurs sentiments les plus distingués.  Lucien Jenn, curé de Bischoffsheim, interné au Struthof, B. XV, n° 5.6O8.  Joseph Jenn, fabricant de bonneterie,   Paris, 27 Bld des Italiens, interné au Struthof B.XIII, n° 4.468 ».
Cette lettre nous a été renvoyée avec la sèche mention :  « L’intéressée doit faire la demande ». R 1O/7. 
Voilà ce qui illustre bien l’affirmation, que  « la France doit sauver l’honneur, la dignité et la valeur de l’homme » (21 ). Et on refuse un prompt secours à une grande malade !
A la suite de cette note,  j’ai écrit à ma sœur en y joignant une demande pré-rédigée. Est-ce que ce pli sera transmis ? Pour en être sûr, il faudrait que j’essaie de faire parvenir à ma sœur, par un moyen détourné, une copie de cette lettre. Mais est-ce que je ne serai pas découvert ? Pour de nouveau atterrir au Bunker un beau matin ?  Dans l’escarcelle du temps, nous avons plus de lots de malchance que de chance. Mais si nous devons souffrir à cause de notre piété, à cause de notre amour fraternel, nous l’accepterons avec joie et courage.
Si la béatitude est promise à celui qui est persécuté pour la justice, à combien plus forte raison l’est-elle à celui qui est persécuté pour la charité.
Je cite ici le texte français de France-Soir, du mercredi 4 juillet, n° 319, au sujet des travailleurs étrangers en Allemagne :  « 45O.OOO travailleurs étrangers manifestent l’intention  de s’établir en  Allemagne ».
 
11.7.45    « Si une seule âme a été induite en erreur par mes paroles et mes mauvaises actions, je n’aurais pas le droit de me plaindre du poids de ce temps ; je devrais aussi apprendre à porter en silence le pire, et tout malheur, tout bouleversement » (Schneider,  Kreutzweg II ).
Combien, au Mont des Oliviers et au Calvaire, Schneider sait-il nous donner de paroles réconfortantes !   Lui-même, autant que je sache, Dieu l’a placé sur un chemin de croix.  En lui-même, il a fait l’expérience de sa force consolante et c’est pourquoi il peut consoler les autres.
A la 1Oe station, il prie ainsi :  « Aie pitié de tous ceux qui subissent l’opprobre, l’injustice, et fais luire devant leurs yeux l’image puissante de tes souffrances ! Dans l’ignominie on découvre  ta Grâce, elle nous appelle à toi à travers l’offense. L’humiliation est ton action sacrée ; là où elle nous atteint , tu es tout près, et nous avons dans les plus dures tribulations du monde, la sainte faculté de te choisir. Te dire oui. L’injustice devient salutaire depuis que tu as goûté librement sa suprême amertume. Mais combien d’hommes doivent endurer l’outrage sans te connaître, ou avec seulement un très faible reflet de ton visage dans leur cœur, qui émane de leur enfance, mais ne peut plus traverser l’épais taillis des erreurs, des illusions et des mensonges ! Aie aussi pitié d’eux, sur ton chemin… C’est justement en cela que réside la grâce de l’humiliation : pouvoir extirper l’égoïsme du cœur, renverser les fausses illusions de nos aspirations, et  nous délivrer des chaînes de  la vanité. C’est alors que le plus petit, qui se souvient de toi, fait le premier pas vers toi ».
Deux Allemands du Reich, de ma baraque XV, se sont de nouveau enfuis. Ils ont été poussés à cela par un espoir toujours déçu. On vient d’apporter, en passant, les grelots qu’on va maintenant fixer aux pieds des fugitifs. Ils avaient cherché à couper d’un seul coup le nœud gordien qui les tenait captifs, et cette corde est devenue maintenant un anneau de fer.
Le Mark vaut de nouveau 2O F. L’Etat français paie pour rattraper les 5 F au change d’un Mark à 15 F.  Il paraît qu’en banque le Mark est déjà à 42 F !
Est-ce que cela ne montre pas la confiance que les autres Etats ont dans la capacité de travail et d’organisation du peuple allemand ?  Ici on ne pense qu’à l’épuration, et ce mauvais et même sanglant esprit de vengeance recouvre ce qu’il y a de meilleur. 
J’ai signé aujourd’hui les mandats pour les mois de mai, juin et juillet. Mon revenu mensuel est de 3.163 F,  2.7OO de moins que du temps allemand  (25O M  =  9.489 F)  (22 ).
D’après le Journal officiel, les détenus des trois départements, qui n’ont pas encore reçu l’arrêté préfectoral et sont depuis six mois en détention, doivent être libérés (Dr. Frey).
Aujourd’hui, parmi les Allemands du Reich, on a dressé une liste de ceux qui ne sont pas capables de marcher. De ce fait, le baromètre de l’espoir est très en hausse chez les Allemands du Reich.
 
12.7.45     Vingt-huit détenus ont été libérés aujourd’hui et parmi eux madame Hern, courageuse et pleine de confiance en Dieu, Monsieur Goosz, le gendre de Karl Roos qui, après seulement deux jours d’emprisonnement au Bunker, a été relâché avant-hier, alors que le commandant du camp  l’avait chargé de 42 jours de Bunker. En effet, M. le commandant a pris connaissance, il y a deux jours, de l’ordre  de libération de son « ami ».  P. Fleischmann a été prié de fournir des renseignements sur les circonstances de la mort de M. Postal.  M.Postal a été terriblement brutalisé le 27 janvier.  De Baulin, qui était prisonnier dans la cellule d’en face, m’a raconté :  « Il a traîné trente jours en hurlant et en cognant la tête contre le mur et le plancher ».  Le médecin-chef  (Dr Dufour) a dit, au moins à trois reprises : « Il ne crève pas assez vite ».  En dépit d’un témoin aussi digne de foi, le P.Fl. persiste à dire que « M.Portal est mort par manque de médicaments ».
Tous les détenus doivent de nouveau se laisser couper les cheveux ras, pour le 14 juillet.
Aujourd’hui on nous a distribué des petits capuchons confectionnés avec une sorte de toile d’emballage. Aujourd’hui, cela fait exactement six mois que j’ai été arrêté, une demi-année pleine de fatigue et d’épreuves, une demi-année de journées pénibles et de nuits sans sommeil, une demi-année remplie d’humiliations, d’outrages et d’insultes. Que dit Louise Hensel ?  « Pour cette  plaie brûlante aussi, bon Père, je te remercie ! ».
 
13.7.45  Un détenu nommé Ruch a écrit à Son excellence  l’évêque et lui a demandé, étant donné qu’il est père de six enfants, de faire quelque chose pour lui, afin qu’il puisse bientôt revenir chez les siens.  L’évêque a répondu  (23) :  « Même si nous étions parents, même si j’étais votre père ou votre frère, je ne pourrais rien faire pour vous. Je ne puis que vous recommander à Dieu dans mes prières ».   Alors son prêtre aussi a peu, sinon rien à attendre de celui qui avait toujours affirmé être  (« même si j’étais votre père ») le père de son clergé.
Mais pourquoi d’autres arrivent-ils à obtenir la libération de leurs protégés ?  Est-ce que la châtelaine d’Osthouse n’a pas rapidement réussi à récupérer l’intendant de son château ?  Là où il y a une volonté, il y a aussi un chemin, surtout dans les nombreux cas, les centaines de cas où l’on ne pouvait invoquer aucune faute ;  libérer les prisonniers, n’est-ce pas là une œuvre de charité ?  Un évêque n’a-t-il pas le droit, n’a-t-il pas le devoir de faire une bonne œuvre de ce genre ?  Bien trop ont attendu en vain, en ces jours de grande détresse, une parole réconfortante de la part de leur évêque. Avait-il donc un cœur insensible envers les innombrables brebis de son diocèse, qui étaient sacrifiées à une implacable et aveugle colère populaire ?  Il y a eu des actes barbares qui se sont joués, et qui n’ont pu être pires dans les temps obscurs du paganisme.  Aujourd’hui encore, on rencontre dans le camp des femmes aux têtes rasées.  Une  haine s’est déchaînée ici, une absence de charité s’est dévoilée, qui auraient honoré les barbares.  Et même, certains d’entre eux en auraient eu honte.  En plein été, un froid glacial vous saisit le cœur, quand on pense  aux atrocités des derniers mois.
Et cependant à l’extérieur, la bienveillance et la charité ne sont pas totalement mortes. Plusieurs colis amicaux sont arrivés ici, venant de ma paroisse.  Je dirai une sainte messe pour chacun qui en a envoyé.  Je ne peux pas exprimer autrement ma reconnaissance.
Dans les toilettes  (sic !), on a trouvé le brouillon d’une communication de M. le commandant, que l’on peut bien appeler « diffamatoire ».  En voici un extrait  (24) :
« L’état d’esprit des internés politiques est révoltant et donne tendance à une nouvelle fermentation de la politique nazie. Il a déjà fallu régler plusieurs différents (25)  en isolant les internés qui tenaient des propos anti-français. Je ne sais qui doit les mettre au courant de certains faits, vu qu’ils se voient soutenus, ce qui leur donne bien souvent un air arrogant, voire même de rébellion. Le service des colis fonctionne normalement ainsi que les écoles et le culte. Le trafic se fait aussi plus intense malgré les poursuites que je fais journellement pour parer à ce fait. Malgré tout, j’en viendrai quand même à bout et ceci m’oblige déjà à resserrer la discipline encore… Pour parer (à ces) aux évasions (des Allemands), il m’a fallu prendre d’autres dispositions et à cet effet je leur ai enlevé tous les vêtements qu’ils avaient en surplus. J’ai fait marquer les effets qu’ils portent par une croix dans le dos et une bande au pantalon ».
Et aujourd’hui encore, nouveau coup de théâtre. Deux Allemands du Reich sont encore passés par les mailles du filet  (de la baraque XII et VIII).  Il est huit heures du soir. Alarme !  La baraque VIII est cernée, tous doivent sortir et sont sévèrement fouillés. On trouve sur l’un d’eux un chapelet.  « Etes-vous prêtre ? » demande Fifi, railleur.  Chez un autre, on trouve un appareil à raser dans la poche du pantalon.  Fifi le trouve à son goût, et l’appareil change de propriétaire.  Chez un troisième, on trouve une cuiller.  « J’étais trois ans au camp chez les Nazis et je n’avais pas de cuiller. »   -   « Si un autre s’enfuit encore, dix d’entre vous seront pendus au gibet ».
2e acte du scénario :  le coiffeur doit découper une large raie dans la chevelure de chaque Allemand du Reich,  depuis l’avant du front jusque dans la nuque.  Et ainsi, chacun a été marqué comme une pièce de bétail, pour rendre impossible toute tentative d’évasion.  Sept Alsaciens (de la baraque XV),  qui étaient aussi venus, ont, par erreur, été rasés avec les autres :  attrapés, rasés, pendus ! (26 ).  Maintenant, le sieur commandant a de nouveau matière à un autre rapport.  Est-ce que personne ne peut donc faire quoi que ce soit contre un traitement aussi humiliant ?
On raconte que le délégué des Allemands du Reich est vendu ; il reçoit du pain, une meilleure nourriture, et ainsi il ne pourra pas mettre de bâtons dans les roues du commandant.  Est-ce qu’à ce niveau, le Père Fl. ne pourrait pas agir ?  « Il devrait donc intercéder pour nous, même au risque de perdre sa place », s’était plaint quelqu’un auprès de moi. « Jusqu’ici, nous avons toujours été bercés de promesses, c'est-à-dire trompés ».  Celui qui ment une fois, on ne le croit plus, dit le proverbe.  Comment pourrait-on encore avoir confiance, quand on a été trompé dix, vingt, et même cent fois ?  Ces plaintes et ces reproches sont assurément justifiés.
Les prisonniers allemands savent que les troupes françaises ont terriblement sévi parmi leurs femmes et leurs filles.  Ils évoquent les paroles de consolation de l’évêque de Fribourg, s’adressant aux âmes de son diocèse et disant que les victimes de certaines factions enragées étaient nombreuses.  Beaucoup ont dû être conduites à l’hôpital, dans un affreux état.
Et ensuite, on écrit, comme si c’était tout naturel  (27) :  « Pour la France, il s’agit de l’honneur et de la dignité de l’homme, et de la valeur de l’homme… Si la France disparaissait, il y aurait lieu de la recommencer ».  L’Histoire ne donnera pas  un  jugement honorable de ces premiers jours de l’Occupation  (28) .  Les Allemands qui sont retenus ici ne savent pas si leurs propres femmes et leurs filles comptent parmi les victimes de ces bandits ;  ils sont aujourd’hui sans nouvelles de chez eux. Les tortures morales que ces hommes sont en train d’endurer, le commandant ne peut en avoir l’idée.
Les peines morales, il les appelle de la « révolte », et a fait hisser le drapeau noir à l’entrée du camp.  Mais il y a une chose que ces Allemands du Reich savent parfaitement, parce qu’ils en ont fait l’expérience, c’est que les Américains se sont comportés bien plus amicalement avec eux et les leurs, que les Français. Ils ont obtenu d’eux des passeports pour retourner à la maison.  Les Français leur ont repris ces passeports, les ont déclarés invalides et les ont déchirés ;  ils ont arrêté ceux qui les détenaient, ont saisi leurs montres, bagues, appareils à  raser et stylos,  les ont battus et piétinés, avec la bénédiction des officiers ; et maintenant ils   sont ici dans le camp,  et ressentent leur situation et le traitement dont ils sont victimes comme un crime contre le droit des peuples.
 
14.7.45    A 9h3O a eu lieu une messe festive.   Dans  l’assistance :  dix policiers, le sieur commandant,  cinq gardiennes, qui sont venues en retard, juste avant la communion. Les chorales protestante et catholique ont embelli la cérémonie, avec plusieurs motets. Le commandant, en quittant la salle, n’a pas eu le moindre regard pour les choristes qui avaient si bien   fait leur travail. A côté de moi, un simple villageois a remarqué :  «  Quand un vannier me rapporte un panier refait, je lui dis merci. Il y a des gens qui ne renient pas leur jardin d’enfant ». Le jeune et très sympathique pasteur protestant Neumann a dit :  « Le culte d’aujourd’hui a été presque un blasphème.  Hier soir on a torturé les gens  - il y en a un qui a été battu avec un fouet de bœuf tellement, que le sang lui coulait de la tête ; il avait, lors de la fouille au corps, jeté son canif – et aujourd’hui, on se présente humblement devant Dieu. Comment cela peut-il se concilier ? »
Justement, il est 1h3O, et le P.Fl. passe sous ma fenêtre entre les deux surveillants du Bunker.
Où va-t-il ?  Se rend-il au Bunker ou à la croix ?  Tous deux sont très près l’un de l’autre. Beaucoup de détenus ne peuvent pas se mettre dans la tête que des gens ont pu ériger une croix, symbole de la miséricorde, au même endroit qui a été pour un si grand nombre, la place où s’est déchaînée une haine sauvage ; des gens qui, jour après jour, portent sur leur habit l’étoile soviétique, qui n’a certainement rien de commun avec celle de Béthléem.
Ce matin, les gardiens ont contraint le détenu Hagen, à jouer l’Internationale avec sa flûte (29) .  On lui a demandé aussi de jouer la Marseillaise. Hagen a répondu qu’il ne savait pas jouer sans notes. Pendant tout  cet épisode, Hagen a été vilipendé et tous se sont moqués de lui
P.Fleischmann a cependant pu obtenir la libération des prisonniers du Bunker.  Ils sont juste en train de regagner leur baraque, hommes et femmes, en tout quarante­-deux, avec leur couverture de laine sous le bras.
Amnistie en raison de la Fête nationale !  Pour la même raison la consigne de rester dans les baraquements a été levée pour les Allemands du Reich.  On vient d’entendre un sifflet et l’annonce que le baraquement est libre !
 
17.7.45     Hier, un officier supérieur de la gendarmerie a visité notre camp.  Le surveillant de la guérite du bas était couché, ivre, dans son local. Les Allemands du Reich n’ont-ils pas attiré l’attention du visiteur, lors de sa traversée du camp, avec leur coiffure originale ?  Le trompettiste du camp n’était pas en mesure, hier, de sonner l’heure du coucher, car il ne tenait plus sur ses jambes, sans parler de porter la trompette à ses lèvres.
Les détenus qui avaient assumé la partie musicale de la fête nationale des FFI, sont rentrés déjà à 9h, car la fête avait été brusquement interrompue.  Pourquoi ? 
Les Allemands du Reich  n’ont pas eu la permission d’aller à la messe aujourd’hui. Sur la tour de contrôle, devant la baraque XV,  une mitrailleuse avait été installée.  Le sieur commandant est parti précipitamment en voyage. On murmure qu’il ne reviendra plus. Mais qui croira cela ?
Hier soir, avant d’aller dormir,  un détenu m’a apporté les deux premiers numéros du Volksfreund,  l’Ami du Peuple, nouvellement paru.  A côté de l’en-tête, on peut lire : « Justice et Liberté ».  La justice, on l’a cherchée en vain. La liberté, on ne l’a connue ici qu’en négatif. Le petit mot de « charité »,  celui-là on l’a complètement oublié.
Une petite poésie que j’ai trouvée dans ce journal m’a bien plu. Elle semble dire timidement, que quelque chose n’est pas en ordre.  Elle est signée J.L. Serait-ce le père catholique Jeser Lucien ?   L’Ami du Peuple, 8.VII.45 :
 
« Soyez unis !
Le temps de l’après-guerre est bouleversé,
L’humanité aspire à la paix,
La discorde a divisé maint peuple,
Séparé l’ami de l’ami,
La concorde est sans cesse menacée,
Le monde s’en va vers l’abîme !
Où sont les forces, qui peuvent 
Arrêter le mal ?
 
Il n’y a qu’un pouvoir
Contre  ces coups du destin,
Le Christ nous l’a apporté,
C’est l’amour fraternel.
Il nous l’a commandé,
Il est le pain céleste de l’unité,
Afin que nous soyons solidaires,
Et ne nous divisions jamais.
 
Le monde sans foi ne connaît pas
La puissance de l’amour fraternel,
Qui ne déploie ses pouvoirs
Que sur le champ sacré de la foi.
Il est parti du Cénacle
Pour pénétrer au sanctuaire des catacombes,
Et coule à travers tous les âges,
Pour répandre la paix.
 
Le temps a souvent relâché,
Et même déchiré le lien de l’unité.
Nous le voyons aujourd’hui avec la patrie,
Que nous regrettons si douloureusement !
L’amour fraternel a disparu,
Il reste le  vert plein d’espérance (30) 
La bénédiction  nous fera défaut,
Pour le grand plaisir des païens.
 
Sommes-nous catholiques jusqu’à la moelle ?
Sommes-nous encore de vrais chrétiens ?
Jamais l’ennemi ne pourra nous tromper,
Si nous sommes unis et forts.
Alors venez, frères, tendez la main,
Portez haut l’entente dans le pays,
La forte résistance de la foi
Pour le salut et l’honneur de la France !          J.L.
 
Au-dessous de ce poème, il y en a un autre qui mentionne comment les Alsaciens ont   « exercé » l’amour fraternel contre ceux qui, souvent de bonne foi, croyaient devoir collaborer sous la domination allemande.  J’en connais certains qui se sont dévoués pour rendre la vie supportable sous le nouveau régime, et écarter autant que possible les difficultés qui pouvaient facilement surgir dans ces nouvelles circonstances.  D’autres ont « fait avec », parce qu’ils attendaient du pouvoir allemand la garantie que la particularité  de l’Alsace et sa langue maternelle soient préservées.
Un fonctionnaire, qui était un de mes paroissiens, m’a écrit un jour les lignes suivantes, pour justifier sa coopération (31) :
« Cher Monsieur le Curé,
On ne peut juger des sentiments. J’ai porté l’uniforme, ma femme a été  chef de Block (32). Si nous avons fait ces concessions extrêmes, c’est qu’elles correspondaient à notre ligne de conduite. Nous n’avons pas renié pour autant nos sentiments, bien au contraire. C‘est  qu’alors nous avions compris les intentions monstrueuses du boche à l’endroit de notre pays et de ses habitants. Bien décidés à nous y opposer de toutes nos forces, nous nous étions rendu compte qu’une lutte, pour être efficace, ne pouvait être qu’indirecte et devait s’effectuer dans l’ombre. Et  ce fut pour mieux dissimuler notre action, que nous avons été amenés à faire de telles concessions. Grâce à Dieu, et pour notre honneur à tous, des milliers de nos concitoyens se sont engagés dans la même voie, vous le savez comme moi.  Croyez-moi, je n’ai endossé cet uniforme abhorré qu’avec un  extrême dégoût, et c’est la mort dans l’âme, que ma femme a assumé cette fonction de Blockleiterin, qui ne lui a attiré que des ennuis et de continuels reproches. »  (33 ).
« Des milliers de concitoyens » ont agi aussi intelligemment et judicieusement que l’auteur de cette lettre ; mais des milliers ne s’en sont pas aussi bien tirés que lui avec la jaquette jaune
(34) et elle comme chef de Block. Si on avait fait valoir les justifications invoquées ici, en faveur de tous ces malheureux qui, en conséquence de leur sage comportement ou justement à cause de lui, ont dû subir des mois ou des années durant, des souffrances sans nom,  comme l’affreuse époque aurait vite été oubliée et les plaies guéries ! Cela aurait été si beau, cela n’a pas dû être !  (35). Mais venons-en à l’histoire que je voulais ajouter ici, et qui caractérise bien ceux qui utilisent le changement pour décharger leurs bas instincts sur les compatriotes « qui ont été amenés à faire de telles concessions » (36)   pour apporter une aide efficace  et sans faire de vagues.  Wilh. Kutter, de Radio- Stuttgart (37) a utilisé une Fable de La Fontaine, qu’il a traduite en allemand, ce qui n’est pas facile, et qui est prise de la réalité.
« Le Lion devenu vieux.
Le lion, jadis terreur des forêts,
Chargé d’ans et pleurant sa vigueur passée,
Devenu vieux est  agressé par les animaux,
Qui montrent leur force, alors qu’il est faible.
Vient le cheval, qui lui donne un coup de sabot,
Le bœuf, un coup de corne, et le loup un coup de dent.
Le lion , triste et languissant, les regarde sombrement.
Emporté par l’âge, il peut rugir à peine.
Il attend son destin, sans gémir,
Et, voit, de loin, arriver l’âne vers lui.
‘C’en est trop’, lui dit-il,  je veux bien mourir,
Mais c’est mourir deux fois, que de subir la bêtise ».  Struthof, juillet 1945  (38).   
Des animaux humains se ruent, ces dernières semaines et ces derniers mois, avec idiotie, sur tous les soi-disant « collaborateurs », et leur distribuent des coups de pied, de dents et des raclées.  Ces victimes de l’aveugle colère populaire ont été bien plus maltraitées que le lion de la Fable.
« Oui, capable de tout,
Est celui qui n’a d’homme que le nom,
Qui, sauvage,  monstrueux,
Barbare, arrogant, despotique,
A grandi parmi les bêtes ! »   (Calderon, La vie, un  rêve)  (39).
 
Dans l’Ami du Peuple on parle déjà des mesures à prendre pour faire disparaître petit à petit notre identité alsacienne (N° 2, 1er juillet 1945)  (4O) :
« Comme le gouvernement prescrit de titrer  entièrement en langue française tous les journaux alsaciens, nous avons dû nous plier à cette consigne. En outre, il est ordonné que 25% du texte et toutes les annonces soient publiés en français ».
Hitler n’aurait pas pu mieux faire (41). C’est un bouillon de culture ; aucune trace ici de démocratie, d’égards pour l’âme alsacienne et pour son originalité.
Nous ne sommes pas contre la culture française ni contre sa langue, mais nous demandons qu’on respecte notre mode de vie particulier. Nous, Alsaciens, sommes beaucoup plus sensibles sur ce point, et le Volksfreund,  pardon,  L’Ami du Peuple veut, utrique fidelis, être fidèle autant à la France qu’à l’Alsace. Il écrit  (42) :
« Sachant que la diffusion de la langue française en Alsace est pour le pays et le peuple un grand avantage et une nécessité, nous allons bien plus loin que ce que le gouvernement nous prescrit. A partir d’aujourd’hui, à côté de l’édition actuellement bilingue, va paraître pour la première fois depuis 1858, une nouvelle édition tout en français. Nous voulons en cela servir notre cause nationale et contribuer au redressement de la France ».
Dans Temps Présent, n° 45, du 29 juin, on trouve une petite note, de deux lignes seulement, sur la seconde page  (43) :
« L’échange des billets a rapporté à l’Etat 5O milliards de Francs ».
Qui a payé ces cinquante milliards ?  A qui ont-ils été pris ? A nul autre qu’au peuple français. Dans le n° 47 du même journal, voici une autre notice  (44) :
« D’autres s’étonnent de ce  qu’un tableau de rations  journalières indique :  5 grammes quotidiens d’un chocolat dont, pendant 8 mois ils n’ont jamais vu la noire couleur.  Où passent, demandent certains, les 1.4OO.OOO rations que nous octroie M.Pineau et qui pèsent, paraît-il, dans la balance des ravitaillements ? »
1.4OO.OOO rations pour une armée de 3OO.OOO hommes. Qui reçoit (ou plutôt vole) ce chocolat et ces centaines de milliers de rations ?
Et dans le même numéro il est dit (45)  qu’ « il y a plus grave que le manque d’habits… C’est le manque d’un bon moral. C’était le fait de l’ancienne armée, ce ne doit plus être celui de la nouvelle armée que de considérer le soldat comme un citoyen diminué ».
Est-ce que, peut-être, ce « manque de moral » n’a pas été la cause de la première défaite et   de la perte de l’Alsace ?  Cette disparition du chocolat et des rations monte bien qu’aujourd’hui encore « beaucoup de choses sont pourries au…Danemark ».
Qui va donc une fois nettoyer l’écurie ?   Pour que les choses s’améliorent,  il faudrait que le nouvel Hercule vienne vite. « Pour que l’armée française soit la nouvelle armée française, il n’y a pas une heure à perdre, pas une minute »  (46).
 
16.7.45   (47)  Temps Présent, n° 47,  écrit de nouveau, le 13 juillet  (48) :  
« Occupation ou Partage ?  Quand (au Reich) on sait seulement que les Anglais ont parlé d’un Etat rhénan, qui n’a recueilli ni l’assentiment  des Américains ( ? sic)  ni celui des Français ».
Le problème « Alsace », croit-on, serait ainsi réglé pour longtemps. Les Américains ont-ils peut-être encore d’autres solutions en vue ?  Des officiers américains ont exprimé l’opinion  (ce qui fait soupçonner l’existence d’un projet particulier) suivante  (49) :
« … Comment, dans ces conditions, les Alliés parviendront-ils à fixer et imposer une politique commune ?...et les Allemands seront prompts, en tout cas, à profiter des hésitations et des rivalités de leurs vainqueurs »  (Sirius).
Cet après-midi, à 1h26, deux religieux spiritains ont de nouveau traversé le camp. J’ai essayé de leur parler et de leur décrire la gravité de notre situation. L’un d’entre eux, le P.Wilm, qui a été lui-même prisonnier ici du temps allemand, n’a pas montré beaucoup de compréhension pour mes arguments.  J’ai évoqué le fait que le Dr Brauner, l’Archiviste de Strasbourg, avait été battu à mort, ici, et qu’à la suite des mauvais traitements qu’il avait endurés en ce lieu, il est décédé à l’hôpital de Strasbourg (5O). D’autres sont de suite morts sous les coups.
« C’était au début », avait dit mon interlocuteur, comme si, « au début », on avait le droit de faire  ces choses-là. Nous sommes ici déjà emprisonnés depuis une demi-année, sans qu’aucun verdict n’ait été prononcé à notre sujet. N’est-il pas honteux de torturer des gens innocents, adultes et enfants, avant de leur avoir donné l’occasion de se défendre à l’aide de témoins, de documents et de confrontations avec leurs accusateurs, et au moyen de justes procédures ?   Sans aller trop haut, on peut dire facilement que 85% des détenus du camp ne se sont rendus coupables d’aucun délit pouvant justifier un tel traitement.
« On ne peut pas juger les sentiments »,  « De interioribus non iudicat praetor ». Si on s’en était tenu à ce précepte fondamental des païens,  les chrétiens d’aujourd’hui n’auraient pas eu à endurer tant de mal.
Lorsque  j’ai avancé que les repas étaient bien meilleurs du temps allemand, comme en témoignent des menus qu’on a retrouvés  et   d’anciens détenus,  le religieux a rétorqué que ce n’était que sur le papier.  Il va de suite aller à la cuisine pour goûter la soupe. Mais que se passera-t-il ?  Ce soir, le potage, fait de pain et de biscuits, était exceptionnellement bon et comestible. Et le Père pourra dire maintenant, selon l’ancien dicton : « ab uno disce omnes », que l’ordinaire des pensionnaires du Struthof est vraiment délicieux. Mais les détenus pensent qu’ une fois n’est pas coutume.
 
17.7.45    Le chef de chœur, l’instituteur Bliedersdorf, vient de me donner sa démission, et je voudrais la transmette au P.Fl.  Il prend comme prétexte un mal d’oreilles, mais la vraie raison  c’est le clair désaveu des  choristes lors de l’enterrement d’hier, au cours de la messe et devant la tombe.
Pendant la Préface, le P.Fl. s’est retourné à l’autel et a dirigé les répons ; à la tombe, il y a eu des remarques comme :  « Ils chantent faux, trop bas, n’importe comment ».  M. Bliedersdorf m’a dit :  « Si le P. Fl. devait exercer dehors comme curé, il ne pourrait rester quatre mois à sa place ! ».
Les deux religieux qui étaient là, hier, ont été pris sous la loupe par les détenus,  en leurs faits et gestes.  L’abbé de Baulin a essayé d’entrer en contact avec eux. Mais ils l’ont plus ou moins ignoré, et les détenus ont dit, moqueurs :  « Un prêtre est venu, l’a vu, et est reparti ! ». Une heure après, certains d’entre eux qui voulaient renvoyer à la maison leurs  cartons vides, ont vu le commandant traverser le camp entre les deux religieux :  « Un prophète à droite, un prophète à gauche, l’enfant du monde au milieu ». Le commandant a renvoyé les porteurs de  paquets et ne leur a pas donné la permission (alors qu’ils l’avaient jusqu’à présent), de déposer leurs  boîtes et cartons à la Poste. L’interdiction du commandant a influencé les religieux, à tort ou à raison, comme si eux aussi en avaient été  partie prenante,  et on a dit après : « Qu’ils soient rouges ou noirs, les deux nous traitent de la même façon, avec dureté et sans pitié ».
Un ancien garde-forestier, Alfred Kreuzberger de Rothau, 76 ans, voudrait emprunter à  notre bibliothèque du camp, le livre sur les Esquimaux.  Lorsqu’il était jeune étudiant, il avait participé à une expédition à l’Hammerfest (51) aux Spitzbergen  (52)  et  à l’Alaska.  Le périple avait duré treize mois. Il avait été dix sept ans et demi en Afrique, plusieurs années dans les Balkans, en Herzégovine et en Albanie. En Afrique, il recherchait les forêts de caoutchouc ; dans les Balkans  il a dessiné des cartes d’Etat major, avec les crevasses où les Partisans, au cours de cette guerre, avaient trouvé des cachettes. Il a fait plusieurs conférences à ses camarades sur sa vie et ses aventures.
Il s’appelle Kreutzberger, et gravit en effet un chemin de croix comme nous tous, résidents   Struthof. Sur cette montagne, chacun de nous avait une croix particulièrement lourde à porter. Combien de temps encore ?  « Quousque tandem abitere Francia patientia nostra ? » (53)
 Les élites de ma paroisse  ont, paraît-il, entrepris des démarches en ma faveur auprès de la Préfecture. P.Fl. m’a monté le document suivant de l’Ordinariat de l’évêque  (54) :
« Evêché de Strasbourg. Strasbourg, le 8 juin 45 – 16, rue Brulée ». La date est très intéressante. Le P.Fl. a  attendu pratiquement six semaines avant de me remettre cette lettre. Le document lui-même est juste, justement remarquable. Qu’on écoute :
« Révérend Père Fleischmann… Notre affaire tombe à mauvais moment   ( ?  sic ). La démarche est faite, mais il sera compliqué et difficile de la faire aboutir. Détails verbalement à notre prochaine rencontre. Votre dévoué, signé Kolb ».
Dans ces quelques six semaines, le P. Fl. a déjà appris « verbalement » les détails, en particulier ce qui, entre autres, a fait du « moment », un « mauvais moment », et a tellement compliqué et alourdi « la démarche ».  Mais de cela, je n’ai perçu dans sa bouche aucun     souffle, aucune syllabe, pas un mot, pas une phrase, pas une allusion. Pourquoi tous ces mystères ?  Ne sont-ce pas des artifices, selon le dicton :  «Pourquoi faire simple, quand on peut compliquer ? »  On peut dire aussi :  « Plus c’est long, mieux c’est ».   « Qu’il fasse pénitence ! »  disait l’évêque Ruch. 
La rencontre des trois « grands » s’est tenue aujourd’hui à Potsdam (55). Il manque le « troisième grand », Joseph Staline de Russie. « Je ne sais pas ce que cela veut dire ».  Les autres deux grands le savent-ils ? « Hésitations et rivalités des vainqueurs ? » (56).  
Aujourd’hui de nouveau, trente détenus sont partis. Douze seront jugés, quinze libérés. Les deux enfants de Hélène Braun et la petite Mariette Munch m’ont apporté ce soir un petit  pot de framboises, qu’ils avaient cueillies eux-mêmes. « La vraie joie est de pouvoir se réjouir des petites choses ». J’ai donné à chacun deux biscottes et une cuiller de compote de figues. Ils ont enfoui le cadeau dans leur sac et se sont vite faufilés dans leur baraque.  Mon frère Joseph a d’abord ôté les locataires de ces odorants fruits de forêt, et M.Baltzer a fourni quatre morceaux de sucre qu’on a écrasés avec une bouteille ; et ainsi, notre dessert  était prêt. Au repas du soir, il y avait des carottes que nous avons pêchées dans la soupe épaisse et que nous avons cuites pour les ramollir, avec des tranches de lard, sur le réchaud électrique, un héritage du curé Rauch. Si l’amour rend inventif, la faim aussi. Mon frère ne s’est jamais autant régalé aujourd’hui, depuis qu’il réside sur les hauteurs du Struthof.
 
Le conseiller général Bauer a passé plusieurs jours au Bunker de Schirmeck. Dans ma cellule – qui était celle de Wodli - (57) a dit M. Bauer, on avait laissé mon dessin : « O tête couronnée d’épines ». En face de l’image, on a accroché une grande étoile rouge soviétique, avec la mention :  « Wodli a été pendu au Struthof ». J’ai eu une autre version. Wodli a été conduit en interrogatoire à Strasbourg et gardé prisonnier dans les caves du tribunal. Saura-t-on une fois toute la vérité ?  Ni l’étoile russe, ni toutes les étoiles du drapeau américain ne pourront apporter la paix au monde, aussi longtemps  que le monde refusera de lever les yeux vers l’étoile de Béthléem ; elle conduira rois et peuples, grands et petits, dans une étable, près d’un enfant de prolétaires, et finalement les conduira chez le « maudit » de cette terre, le crucifié du calvaire, le Fils de Dieu, le seul qui peut et ose dire : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; je ne vous la donne pas comme le monde la donne »  (58 ).
A Potsdam, les grands ne réussiront pas leur œuvre de paix, aussi longtemps qu’ils excluront de leurs entretiens et décisions le plus grand. « Christus Pax nostra » disait St Paul jadis et cette parole est plus actuelle que jamais  (59)Vous autres, grands de Potsdam, ne laissez pas passer la parole éternellement vraie du Sauveur du monde :  « Sans moi, vous ne pouvez rien faire »  (6O ).
 
18.7.45    Non seulement le bréviaire mais aussi la messe d’aujourd’hui,  consacrée à St Camille, célèbre de Cantique de l’amour : « Celui qui n’aime pas demeure dans la mort. Celui qui hait son frère est un meurtrier. Et vous savez qu’aucun meurtrier ne peut avoir en lui la vie éternelle »  (1 Jn 3/13).  « Nous reconnaissons en cela l’amour de Dieu, c’est qu’il a donné sa vie pour nous. Nous aussi  nous devons donner notre vie pour nos frères. Celui qui a des biens dans le monde et qui ferme son cœur… »  (61).    « Voici mon commandement… »  (Jn 15/17).
Combien et combien de fois, dans les semaines et les mois écoulés, ce commandement du Christ a-t-il été totalement oublié ?
A Bischoffsheim, la sirène hurle !  Comme des chiens enragés, des hordes remplies de haine et d’esprit de vengeance se sont précipitées sur des hommes, des femmes, des enfants sans défense  (Spehner, Kuss, Braun, Heriot et d’autres) et les ont frappés jusqu’au sang : « Regardez comme ils se haïssent ! » (62).
 La sirène retentit de nouveau à Bischoffsheim. C’était le dimanche soir, 15 juillet.  En pleine musique de danse et de fête foraine, un orage s’est abattu. Comme chiens enragés, la foudre et le feu s’attaquent au village. En quelques heures, trois maisons d’habitation et quatre granges s’écroulent en ruines et cendres ; les débris fumants, et les ouvertures de fenêtres béantes en font réfléchir plus d’un.  Parce Domine, parce populo tuo ! Epargne Seigneur ton peuple, ne garde pas ta colère à toujours ! Fais revenir plus d’amour dans les coeurs !
Les enfants de la famille Munch et le jeune Louis Spehner ont été cherchés ce matin dans le camp. Ils peuvent retourner à Bischoffsheim. Ils sont venus chez moi pour me dire au-revoir. Les deux bambins de E.Braun doivent malheuresement encore rester ici. « Saluez de ma part les Bischoffsheimois et dites-leur que je prie pour eux et que j’espère moi aussi bientôt rentrer à la maison ».
Le drapeau du camp est à mi mât. Le petit cercueil rempli des  urnes de cendres, qui a été caché, paraît-il, du temps allemand par des prisonniers  ( ? sic) et a été découvert, a été placé dans la petite fosse au pied de la grands croix (63).  C’était une cérémonie purement laïque. De grandes couronnes de branches de sapin, garnies de roses rouges, étaient portées derrière le cercueil.  Les détenus n’ont pas pris part à la cérémonie.
Voici un extrait du Journal officiel n° 79, du 26.8.1944, avec l’Ordonnance du 14.3.44 sur les « Centres de séjour surveillés » (64)
Détention au local pénitentiel :
a)  par le Directeur du Centre, pour une période maximale de huit jours ;  pour cela, il faut qu’un rapport mentionnant les raisons de ces sanctions soit envoyé au préfet ou au commandant militaire, ainsi qu’au Commissaire de l’Intérieur.
Art. 25 :  L’emprisonnement dans un local pénitentiel ne peut avoir lieu qu’en conséquence   de fautes graves et avérées. L’emprisonnement ne peut être assorti d’aucune punition  supplémentaire. La peine sera levée, si le médecin du camp estime qu’elle est préjudiciable à la santé du prisonnier. C’est pourquoi le médecin est tenu d’examiner le prisonnier chaque jour et de reporter son diagnostic dans le ‘Registre d’écrou’ ».
Dans mon cas,  ces dispositions n’ont pas été observées. Comme je n’ai été emprisonné (65) que sept jours au lieu des huit prévus, aucun rapport n’a été   envoyé aux membres de la famille qui étaient désignés.  « Seulement pour des fautes graves… ».  Ma faute grave était d’avoir prêché en allemand, quand j’ai remplacé l’aumônier du camp.   On m’a fait comprendre que je m’étais permis des « allusions politiques » et qu’on avait détecté chez moi une perpétuelle opposition à la France. Mais il n’y a pas trace de tout cela dans mes paroles ni dans mon comportement. Tous ceux qui ont assisté à mes prédications peuvent en témoigner. J’ai remis le brouillon des prédications au Père Fl., qui l’a soumis à mes supérieurs, à l’évêché. L’objection :  « Vous travaillez toujours contre la France »
A fait que j’ai été transféré du Bunker de Schirmeck au Struthof. N’était-ce pas une sanction supplémentaire ? Et même une pénible sanction, car elle était assortie d’une insulte contre mon état ecclésiastique.
 
19.7.45     Hier soir, j’ai été appelé auprès d’un camarade très malade, dans la baraque VI, alors que le Père Fl. était encore absent. J’ai recueilli la confession du malade, atteint d’une grave pneumonie, et lui ai donné les derniers sacrements. Ce matin, j’ai lu la messe à son intention et lui ai ensuite porté la communion.
L’architecte Schmolz de Munich a été invité hier soir chez nous pour le souper. Il y avait des carottes cuites sorties du potage, avec quelques rares pommes de terre. M. Schwartz a deux projets intéressants pour la « maison d’été » des Jenn. Ces projets plaisent beaucoup mais, d’après moi, ils ne seront jamais réalisés.
Un temps d’été magnifique depuis quelques jours. Sur les sommets venteux du Struthof (66), les chaudes journées d’été sont particulièrement agréables.
Sur le bureau du commandant, ou plutôt du directeur du Centre, il y a, paraît-il, des piles entières de bons de sortie. Mais il semble qu’on ne soit pas pressé, et qu’on ne pense pas sérieusement à les distribuer. Ou bien, s’agirait-il de nouveau d’une annonce – mensongère, hypocrite et cachottière  -  de la radio du camp ?
M.Stocky a été conduit hier à Saverne pour le procès. On espère qu’il s’en sortira bien. On l’espère !  Combien de fois ce mot traverse-t-il mon esprit !  Le Struthof est vraiment devenu la cour  (67) de l’espoir, d’un espoir souvent amèrement déçu, oui.
« Quand je demande au camarade :  ‘Où veux-tu aller ?’
A la maison, à la maison, dit-il avec nostalgie ».
Dans le Nouvel Alsacien de mercredi 18 juillet 1945, il y a sous le titre : « Internement administratif », la note suivante :
« Louis Marin, le chef du Parti  de l’URD (URD modérée), Fédération républicaine, élève sa voix dans le journal La Nation, contre les mesures d’internement  arbitraires qui sont toujours encore en vigueur. Louis Marin écrit que l’internement est la marque des régimes totalitaires… Le gouvernement ne devrait plus perdre un moment pour faire cesser le dangereux scandale de telles arrestations, qui sont, en somme, la continuation abhorrée des méthodes du temps de l’oppression. De telles méthodes sont incompatibles avec une régime qui aurait un idéal, même restreint, de la liberté humaine, de la démocratie et de la république » (68)
Ce manifeste, nous, à Schirmeck et au Struthof, pourrions le ratifier pleinement.  Sera-t-il  écouté et appliqué ?  « J’entends bien le message, seule me manque la foi ».
De ma baraque XV, six Allemands du Reich  se sont de nouveau échappés.  On redoute de nouvelles mesures de rétorsion. Si souvent bercés d’espoir et toujours déçus, ces Allemands du Reich prisonniers  - dont le seul délit est leur extrait d’acte de naissance  -  sont poussés au désespoir. La croix blanche sur le dos, les cercles blancs aux pantalons, la coupe de cheveux à l’africaine, n’ont pas pu  entraver les tentatives d’évasion de ces prisonniers.
Du grand incendie de Bischoffsheim, Le Nouvel Alsacien du 17 juillet donne la description suivante :  « Le dimanche 15 juillet vers 11h du soir, un grand incendie a été provoqué par un coup de foudre, et trois maisons d’habitation et quatre granges ont été complètement réduites en cendres. Les  propriétés sont celles de Legin Remy, Clar Edouard, Kirrmann Joseph et Kirrmann Auguste. L’extension du sinistre a été circonscrite par les efforts conjugués des pompiers locaux et de ceux d’Obernai,  venus en renfort » (69).
Au Struthof, du temps allemand, les différentes catégories de déportés étaient marquées de diverses couleurs :  rouge pour les prisonniers politiques, vert pour les passeurs de frontière,  à carreaux pour les étrangers, violet pour les prisonniers de droit commun.
P.Fleischmann m’a apporté aujourd’hui le calice et le bréviaire. La messe et la lecture du bréviaire sont les deux avantages que ma détention m’a procurés.
Il y a eu  128 condamnations, et elles seront distribuées ce soir.  P. Fl. a dépensé personnellement pour le camp près de 25.OOO  F.  (en livres, fournitures scolaires  etc…)
La sanction pour les Allemands du Reich  évadés est vraiment tombée. Tous les Allemands du Reich seront de nouveau rasés. La large raie dans les cheveux, que certains appellent « le toboggan » et d’autres « l’autoroute » a été refaite.
M. Heckmann m’a annoncé  le bruit  qui circule dans le camp :  le curé Jenn va être libéré.  C’est la radio du Struthof !  D’autres disent qu’un des Jenn va être libéré.  Joseph a fredonné : « C’est pour moi, ou c’est pour toi ? »  C’est pour aucun.
 
2O.7.45     On n’a reçu aujourd’hui qu’un cinquième du pain, et on doit s’en sortir avec ça ?  oui, en s’en sortira certainement très vite.
Le 14 juillet à Strasbourg, M. Bouchard, président de l’Association des  Internés politiques (AIDPA) et conseiller technique du ministère (7O) a déclaré (ouvrons les oreilles et étonnons-nous)  (71) :
« L’ennemi vaincu mais pas assez démembré, pense déjà, au milieu de ses ruines, à la revanche ; lâche et dissimulé, comme seul l’Allemand peut l’être, lui, le tortionnaire scientifique moderne. Pour que votre sacrifice n’ait pas été vain, nous demandons  que ce peuple, dont l’effronterie n’a d’égal que sa barbarie et son sadisme, soit une fois pour toutes  abattu et rayé de la carte ».  Quel sadisme !  La remarque est de moi  (72).  « Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons aller à la rencontre de l’avenir, et la pierre tombale qui vous recouvre sera l’indestructible fondement de la paix, que vos avez particulièrement méritée… ».
Quand on entend de telles paroles, et quand on lit ces lignes, on comprend pourquoi la romancière Simone Weil a pu dire que, la politique extérieure de la France était la plus « brutale, la plus agressive que l’on connaisse actuellement dans le monde » ( 73).
A-t-on le droit de confondre l’Allemagne avec le Nazisme ?  (74)  «  M. le chanoine François Boursier (Lyon), mort à Montluc quelques jours seulement avant la Libération, le 2O août 1944, dans l’horrible tuerie de Saint-Genis-Lasal.  A ceux qui lui demandaient de s’éloigner, de se cacher, il répondait : ‘ Un laïc, oui, peut partir, mais un prêtre, un curé de paroisse, reste à son poste ‘.  A plusieurs reprises, il disait : ‘ Il faut qu’il y ait des prêtres en prison, nous prêtres, nous devons témoigner pour la justice de la vérité, et si cela est nécessaire, je serai ce prêtre, ce  témoin du Christ dans les geôles’.  Il fut arrêté le 16 juin 1944 et envoyé à Montluc »  (Courrier français du Témoignage chrétien, 13.VII. 45, n° 59).
Ma sœur doit aller en convalescence au Mont Ste Odile.  Mgr Brunissen va-t-il réserver là-haut une petite  place à ma sœur pour se reposer et reprendre des forces ?
Une carte de ma soeur, datée du 23.8.45, me contraint aujourd’hui (75) de répondre négativement à cette question :  « Mgr Brunissen n’avait pas de place pour moi » (76)Ma sœur ne pouvait pas comprendre cela. Elle me l’a toujours redit plus tard :  « Imagine un peu :  si Mgr Brunissen et sa sœur étaient dans notre situation et nous adressaient une telle demande, est-ce que nous n’aurions pas de suite accueilli sa soeur avec joie ? »
Deux capitaines français, qui avaient visité tous les camps allemands, ont aussi voulu voir le nôtre. On les avait prévenus que, pour visiter le camp, il leur faudrait l’autorisation de M. le Préfet ou du commandant du camp. C’est par ce dernier qu’ils ont cherché à obtenir l’autorisation. Ils ont attendu dix minutes, puis une demi-heure, puis trois quarts d’heure. A la fin du compte, on les informa que l’autorisation ne pouvait pas leur être accordée, parce que la diphtérie  sévissait dans le camp. Les officiers ont pris congé en disant qu’ils en référeraient à Paris.
Un religieux, qui se présentait comme aumônier des maquisards, a demandé à parler au P. Fl., car il aurait voulu lire la Ste Messe demain, et particulièrement « près de la croix où beaucoup ont été torturés par les Allemands » (77) .  « Je ne suis pas au courant de cela, ai-je répondu, mais je sais une chose, (78)  c’est que les Français ont torturé le pauvre abbé Brauner, qui est mort à la suite de centaines de coups qu’il a reçus, et il y en a d’autres qui ont été tués sur place. Près de la croix, il n’y a pas d’autel, il faut dire la messe dans la grande salle, qu’on a arrangée en chapelle. Lorsqu’on a inauguré la croix, on avait placé là un autel portatif pour la circonstance.  -  Je suis retenu ici, sans avoir été jugé ! N’emploie-t-on pas ici les méthodes des régimes totalitaires qui ne respectent ni la liberté ni la dignité de l’homme ? »
 
21.7.45     Dans le Nouvel Alsacien du 2O juillet 1945, n° 135, il y a un article sur les camps d’extermination allemands.  Le SS Karl Schonenburg, surveillant de plusieurs camps, a reconnu avoir assassiné 5.OOO personnes juives et autres, qui, trop affaiblies, ne pouvaient plus travailler.  Plus loin, il a reconnu avoir tué des prisonniers avec des coups de pieds dans le ventre et au visage, et exécuté de sa propre main 17 juifs hongrois ou russes, au camp de Kaufring près d’Auschwitz.
Vers la fin de 1944,  2.5OO juifs avaient été tués et incinérés dans le camp, seulement parce qu’ils étaient juifs. Au camp de Neuengamme, les personnes qui étaient inaptes au travail, en majorité des juifs,  ont été pendues et  incinérées par tas entiers dans les chambres à gaz  ( ? sic).  Placé face à un témoin allemand, le monstre a reconnu avoir vendu des objets précieux ayant appartenu aux victimes, pour 4O.OOO  Marks, et avoir dilapidé cet argent avec des femmes.
Dans Temps Présent n° 45 du 19 juin, il est question de la lettre d’un déporté juif, qui témoigne que son père et son petit frère  « ont été envoyés dans ces célèbres chambres à gaz où cinq millions de Juifs environ de tous les pays sont morts ». (79)
Et ensuite les souffrances :   « Mon frère Emile et moi avons été envoyés dans une usine d’essence synthétique. Les souffrances que nous y avons connues sont vraiment inimaginables (8O), coups de trique, gifles, humiliations, quatorze heures de travail par jour, dehors par tous les temps, presque rien comme vêtements, etc. ».
Un commentaire de Stanislas Fumet est ajouté à cette lettre :
« Quand on songera au chiffre fantastique de ces victimes impuissantes et que l’on interrogera les annales de ce temps de guerre, on sera étonné de la timidité des protestations… ».  Le complot du silence  (81),  «  … pas cette clameur générale que l’on attendait, qui, peut-être n’eût servi à rien, mais qui eût décongestionné, en quelque sorte, la conscience du genre humain »  (G.A.Meyer).
Cet après-midi, Joseph a reçu de Paris l’information que  « Les Domaines ont pris possession de (son) mobilier, qu’ils ont enlevé ».
La lettre est datée du 17 juillet 1945 et signée par le propriétaire,  H. de la Bussière.  C’est ainsi qu’on fait.  Joseph est absolument déterminé à défendre ses intérêts.
 
22.7.45     Selon le Nouvel Alsacien du 17.7., l’évêque coadjuteur Mgr Weber  (82)   avait dit, lors de sa présentation à la cathédrale  (83) :  « L’A1sace a retrouvé, avec la patrie reconquise, sa liberté  ( ? sic )  (plusieurs milliers d’Alsaciens sont toujours parqués dans les camps de concentration, souffrent de la faim et attendent en vain leur libération. A l’entrée du camp de Schirmeck, on a apposé un grand placard en couleur, reproduisant le Pont du Rhin, avec la mention :  Ici commence le pays de la liberté. Quelle dérision pour nous et pour la France !)  (84) ... et elle (85) retrouvera aussi la paix dans la justice  ( ?  sic ),  la fraternité  ( ?  sic ),  comme dans la contribution au relèvement de la patrie si durement éprouvée. »
Ce sont là de belles paroles derrière lesquelles, nous autres du Struthof, devons placer malheureusement des points d’interrogation.  La pacification de l’Alsace  (86)  ne peut pas avancer aussi longtemps qu’on encouragera ses citoyens à la délation.  L’esprit de vengeance célèbre ici des triomphes bienvenus.
Le 14 juillet, une bombe au phosphore a été lancée à Ottrott sur une piste de danse.  Deux  Marocains, semble-t-il, les ont lancées sur les danseurs par jalousie  ( 87).  Deux soldats et vingt et un civils ont été blessés.
P. Fl.  a  parlé, dans sa prédication d’aujourd’hui, d’un malade qui s’acharne sur un morceau de pain durci  ( !  sic )  et se plaint de ne rien recevoir d’autre ; il voudrait un peu de confiture pour avoir un autre goût en bouche.  P. Fl. a prié tous ceux qui reçoivent des colis, de penser à leur copain malade.  Certains ont trouvé que cette remarque n’était pas appropriée : le Père n’avait qu’à faire des démarches en haut-lieu auprès des responsables du camp, afin que la nourriture dans le camp  et en particulier celle des malades s’améliore ;  il n’avait qu’à, lui aussi, donner l’exemple et apporter quelque chose à cette personne souffrante.  Cette dernière remarque  n’est pas à sa place et pas tout à fait juste, car P. Fl. a déjà dépensé des milliers de Francs pour les détenus.  Et, appliquée à ce cas, la parole de l’Evangile est assez dure à entendre par des prisonniers affamés :  «  L’homme ne vit pas seulement de pain ». (88) .  Le Père n’apporte toujours que des livres ; ce serait mieux, s’il apportait aussi du pain, surtout aux enfants dans le baraquement des jeunes.  Là une autre parole biblique pourrait souvent être mise en avant :  «  Les enfants crient famine et il n’y a personne pour les nourrir ».    Quand, en une journée,  on ne reçoit qu’une huitième partie de la ration de soldat, comme par exemple aujourd’hui, et que ce pain est encore souvent moisi,  dans ces moments il est pénible pour chacun d’accepter joyeusement la faim.  Et quand on est sous-alimenté et qu’on a perdu dix, quinze ou encore plus de kilos, il est souvent dur de partager encore avec d’autres.
Ici au camp, pratiquement tous souffrent de la faim, à l’exception de très rares cas ; et  en particulier les Allemands du Reich.  Car ils ne reçoivent absolument aucun colis.  Un petit morceau de pain est pour chacun d’eux une manne du ciel.  Pour le moindre cadeau que tu leur fais, leurs yeux s’illuminent de plaisir et ces pauvres gens te comblent d’exclamations de reconnaissance. 
Nous savons tous que, quand nos familles nous envoient des colis, elles ne peuvent le    faire qu’au prix de gros sacrifices personnels.  Elles se privent de ce qu’elles nous envoient.  Ce sont alors de véritables colis d’amour,  ce qui les font doublement apprécier.
« Nous avons été polarisés ici », pense M. Baltzer,  négativement et positivement ; de façon négative par la haine, et positive par la charité.
Après la messe, un homme (Sengelen), m’a apporté un morceau de gâteau pour un malade.  En catimini quelques gentillesses se distribuent, et souvent la gauche ne sait pas ce que fait la droite. Car les prisonniers ne se vantent pas de leurs bienfaits. La minorité de « gourmands »   qui préfèrent laisser durcir et moisir leurs  portions supplémentaires de pain, dessécher et pourrir leur fromage, plutôt que d’en donner seulement une miette ou une bouchée à un copain nécessiteux, sont repérés.  Par leur avidité, ils tombent sous le coup d’un mépris général.  Ce sont eux qu’on devrait plaindre, car ils ressemblent  aux animaux qui, on le sait, ne partageraient leur pitance avec aucun autre.  Leurs yeux sont aveugles à la détresse d’autrui ;  leur cœur est endurci, leurs mains fermées.  Une seule chose est ouverte chez eux : leur bouche, mais non pour des paroles édifiantes, ni pour prier ou rendre grâces,  mais pour engloutir avec avidité.  Quand Jésus a vu, dans le désert, l’assemblée affamée, il a dit : «  J’ai pitié de ces gens ». et leur a donné du pain pour apaiser leur faim.
Que va nous apporter ce   jour de nouveau ?  Le garde-forestier Semmler vient de me dire à la fenêtre, qu’il allait être libéré et devait se trouver à la porte du camp à 9 heurs, avec ses bagages.
Notre ordinaire :  25 g de beurre,  25 g de fromage, 25O g de pain le soir.  Nous avons reçu ces rations cinq fois en sept mois.  Trois fois, nous avons reçu un petit morceau de saucisson, trois fois de pâté, cinq fois du beurre seul,  cinq fois de la graisse, trois fois de la rhubarbe ; autrement uniquement de la soupe ou du café sans rien.   A noter :  le 24/7 du fromage seul, le 29/7 du fromage et du beurre,  le 1/8 du beurre.  (89)
Le 3O juin, les membres du Conseil général de la Moselle ont adressé au Général de Gaulle une supplique commençant par ces mots  (9O) :  « L’aggravation du désarroi moral déjà signalé des populations de la Moselle dans l’immense détresse qui les accable, sollicite d’urgence une information complète qui en décèle les causes et en recherche les remèdes. Seule une enquête approfondie permettrait d’atteindre ce but ».
Notre époque est devenue sauvage. Chaque opinion politique différente est passible de sanctions, et expose chacun au danger d’être tondu, battu, blessé, lynché… et des bandes de tortionnaires circulent partout !
 
(Suite dans La Voix… n°  3O,  septembre 2O21). 
N  O  T  E  S  : 
(  1  )     17.7.45,  p.ex. 
(  2  )     13.7.45,  17.7.45. 
(  3  )     22.7.45.
(  4  )     13.7.45,  21.7.45.
(  5  )     17.7.45.
(  6  )     17.7.45.
(  7  )     17.7.45.
(  8  )     ibid.
(  9  )     16.7.45 ;  22.7.45.
(1O)     ibid.
(11)      21.7.45.
(12)      22.7.45.
(13)      12.7.45
(14)     Ce qu’il nomme « Eine völkerrechtswidrige Unbill »,   « un crime contre le droit des    peuples :  13.7.45. 
(14)      11.7.45. 
(15)      Reinhold Scbneider :  poète et romancier allemand d’inspiration religieuse             (19O3-1958).  Ses œuvres complètes  comportent une vingtaine de volumes. 
(16)      Louise Hensel :   poétesse allemande  (1798 – 1876) . On lui doit notamment la prière enfantine très connue :  « Müde bin ich, geh’ zur Ruh… ». 
(17)      Luc 24/26. 
(18)     On voit à quel point les souffrances de la guerre et, en somme, les épreuves de toute l’histoire humaine, ont favorisé   masochisme, fatalisme  et image négative de Dieu, ce que, justement, le message du Christ voulait corriger. 
(19)      Le Sängerhüss ? 
(2O)     En français dans le texte, un assez mauvais français. 
(21)      En français. 
(22)      Précision de notre auteur. 
(23)      Il s’agit de Mgr Charles Ruch. Voir La Voix… n° 28, note 17. 
(24)      En français. 
(25)      « Différends ».  On remarque en général dans ce texte, l’usage d’un français qui laisse à désirer. 
(26)    Selon le dicton allemand :  « Mitgegangen, mitgefangen, mitgehangen »:  « Ils sont allés ensemble, ils ont été arrêtés et pendus ensemble ».  
(27)      En français. 
(28)      L’occupation française  en Alsace et Outre-Rhin. 
(29)      « Bockflöte ». 
(3O)      Cette patrie douloureusement regrettée, serait-elle ici la patrie allemande, symbolisée par la couleur verte ? 
(31)      En français dans le texte. 
(32)      « Blockleiterin » :  cheffe de prison de femmes. 
(33)      Beaucoup d’autres Alsaciens ont refusé clairement ce double-jeu .et sont entrés dans la Résistance.  L’abbé Jenn les a certainement connus mais, jusqu’à présent, n’en parle pas, sauf de Georges Wodli, dont il présente la résistance au nazisme comme une conséquence obligée de ses convictions communistes. 
(34)      Les tenues de l’Afrikakorps étaient de couleur jaune. 
(35)      « Das wär so schön gewesen, das hat nicht sollen sein » : extrait d’une opérette de Franz Lehar.  Pour l’abbé Jenn, il ne s’agissait pas de collaboration.  Question de Bac  Philo :  « Comment définir et identifier le phénomène de la ‘collaboration’ ? » 
(36)      En français. 
(37)      L’auteur précise :  « Frauenkopf, Rosengartenstr. Nr 22. 
(38)      Nous traduisons le texte allemand cité par notre auteur. 
(39)   « Das Leben, ein Traum ».  Sur le poète, souvent cité par notre auteur, voir La Voix…n° 25 (avril 2O21),  note  18. 
(4O)      Citation en allemand. Nous traduisons. 
(41)     Le National-socialisme s’opposait au particularisme et à la volonté d’autonomie de l’Alsace. 
(42)      La citation est en allemand. 
(43)      Citation en français. 
(44)      En français. 
(45)      Citation en français. 
(46)      En français. 
(47)      Les dates sont inversées.  Le 16 juillet vient ici après le 17 juillet. 
(48)      En français. 
(49)      En français. 
(5O)     L’abbé Brauner :  voir La Voix…n° 27,  juin 2O21,  note 11. 
(51)      Hammerfeste :  port de Norvège. 
(52)      Spitzbergen :  archipel norvégien de l’Océan arctique. 
(53)      « Jusqu’à quand la France mettra-t-elle notre patience à l’ »épreuve ? » 
(54)      L’extrait cité est en français. 
(55)     La conférence de Postdam  se tint du 17 juillet au 2 août 1945, entre les Etats-Unis (représentés par le nouveau président Harry Truman),   le Royaume-Uni  (avec le nouveau Premier ministre Clément Attlee, élu le 5 juillet 1945) et Joseph Staline, bien présent, contrairement aux rumeurs.  Ce sommet  succédait à la conférence de Yalta entre les mêmes puissances (4/2/45). Elle détermina l’indépendance et la neutralité de l’Autriche, un plébiscite pour la Pologne ainsi que le désarmement et le partage de l’Allemagne. 
(56)      En français. 
(57)      Sur Georges Wodli, voir La Voix… n°  26, mai 2O21, note 4O. 
(58)      Jn 14/27. 
(59)      Eph. 2/14. 
(6O)     Jn 13/15. 
(61)      1 Jn 3/16. 
(62)      Citation inspirée de « Voyez comme ils s’aiment ! »  
(63)     « Der kleine Sarg mit den Aschenurnen die in deutscher Zeit von Gefangenen versteckt worden sein sollen ( ? sic ) und wieder aufgefunden wurden, ist in die kleine Gruft am Fusse des grossen Kreuzes übertragen worden“. Il pourrait s’agir de cendres familoiales, que des prisonniers ont voulu garder, dans l’espoir de les emporter chez eux, une fois libérés. Les cendres, au camp allemand, auraient donc été placées dans des urnes individuelles et enterrées. 
(64)      Il s’agit des camps français situés sur le territoire. 
(65)      Au Bunker. 
(66)      Le Struthof se situe à 8OOm d’altitude. 
(67)      « Hof ». 
(68)      Cité en allemand. 
(69)      Cité en allemand. 
(7O)     En français dans le texte. 
(71)      En allemand. 
(72)      … poursuit notre auteur. 
(73)     Simone Adolphine Weil, philosophe juive, née à Paris le 3 février 19O9,  partie aux Etats-Unis en 1942, morte à Ashford le 24 août 1943.  D’inspiration communiste, elle se convertit peu à peu au Christianisme dès 1938.  Auteur de :  La Pesanteur et la Grâce ;  L’attente de Dieu ;   La Personne et le Sacré ;  la Condition ouvrière. 
(74)      Les lignes qui suivent sont en français. 
(75)     Ajouté après coup à la date du 2O. 7. 45. 
(76)     Le côté sombre d’un prêtre célèbre, directeur et restaurateur du Mont Ste Odile, mais diplomate avant tout.  Joseph Brunissen était né le 13 novembre 1884 à Niedernai, a été ordonné prêtre le 25 juillet 191O. Il a enseigné au collège épiscopal de Zillisheim, a été vicaire à St Pierre le Jeune de Strasbourg (1912),  puis aumônier militaire en 14-18. Secrétaire et trésorier de l’Evêché dès 1918, il est nommé directeur du Mont Ste Odile en 1923. Chanoine honoraire en 1929, camérier de Sa Sainteté en 1933,  prélat en 1947 et protonotaire  apostolique en 1952. Il est décédé le 25 juillet 1953 à Strasbourg, et est inhumé au Mont Ste Odile. Voir : La Voix… n° 25  (avril 2O21),  note 26. 
(77)      Cette dernière phrase est en français. 
(78)      C’est l’abbé Jenn qui répond. La phrase suivante est en français. 
(79)      Toutes ces citations sont en français. 
(8O)   L’abbé Jenn cite ces extraits pour mettre en parallèle ce que ses compagnons du Struthof endurent dans le camp français  et les maltraitances des camps allemands. 
(81)      « Komplott des Schweigens », écrit-il. 
(82)      Voir  la Voix… n° 28, note 16. 
(83)      La citation est en allemand. 
(84)      Ecrit L. Jenn entre parenthèses. 
(85)     L’Alsace.  Suite de la phrase citée de Mgr Weber. 
(86)      En français, ici. 
(87)     Au sujet des Marocains, partisans de l’autonomie alsacienne, voir  La  Voix…n° 26  (mai 2O21),  note 15. 
(88)      Dt 8/3 ;  Mt 4/4.  Plus loin :  « Les enfants crient famine… » :  Lm.  4/4.       
(89)       Ces détails sont en français dans le texte. 
(9O)      En français.   
 LA  PHRASE  DU  MOIS :  
« En plein été,  un froid glacial vous serre le cœur, quand on pense aux atrocités des derniers mois ».  
( Lucien .Jenn,  13 juillet 1945).
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Dépôt légal :  3e trimestre 2O21.