Journal février 2025
L A V O I X D A N S L E D E S E R T
Mensuel gratuit du Château d’Argent.
N ° 7 2 - Février 2 0 2 5
Le cas de Gisèle Pelicot à la lumière de la Psychanalyse.
Le cas de Gisèle Pelicot ne m’a jamais convaincue. Que les faits se soient réellement produits, je n’en doute pas. Mais je doute de l’innocence de cette femme dans cette affaire invraisemblable. Il me semble qu’il s’agit de la plus vaste fumisterie française du siècle.
Les associations féministes en ont fait promptement leur cheval de bataille et ont influencé une opinion publique crédule et prompte à compatir. Maintenant on est culpabilisé de ne pas y croire. On aurait la France entière contre soi. Se poser des questions devient un délit, tellement la cause était d’emblée entendue.
Mais voici ce qui, dès le début, m’avait interpellée :
Gisèle Pelicot est une femme intelligente, ancienne cadre d’entreprise. En 2011, quand les faits ont débuté, elle n’avait plus de rapport de confiance avec son mari et avait cinquante neuf ans. Elle se trouvait donc en pleine ménopause. A ce stade, une femme a passé par toutes les étapes et se connaît parfaitement. Elle ne s’illusionne plus sur ce qui lui arrive. Même endormie, Gisèle pouvait parfaitement reconnaître, par intuition, si c’était son mari ou un autre qui partageait sa chambre.
Comment se fait-il que cette femme avisée n’ait jamais rien remarqué en se réveillant ?
Deux ou trois fois, passent encore : mais quatre-vingt-douze fois ? Peut-être des douleurs et des nausées au réveil, des traces inhabituelles sur le corps, des odeurs inconnues dans la literie, le désordre de la chambre, et, ce qui est possible, un vêtement étranger oublié ? Son mari qui, paraît-il, lui faisait la toilette à chaque fois, avait-il vraiment eu le temps de tout mettre en ordre avant son réveil ? Et n’aurait-il pas justement provoqué son réveil avant d’avoir terminé les ablutions et tout le ménage ?
Il y a des odeurs qui ne se dissipent pas tout de suite, et comme elles étaient toutes différentes, selon les visiteurs, Gisèle aurait dû se poser des questions en se réveillant.
Des vertiges et de la somnolence, le lendemain, elle en a eu, et a consulté des médecins pour cela. Mais comment se fait-il qu’aucun médecin en dix ans, et même pour une autre affection, n’ait jamais prescrit une prise de sang ou une analyse d’urines qui auraient révélé à coup sûr des traces de Lorazepam ? Elles peuvent subsister pendant plusieurs jours. Pourquoi seulement des électro-encéphalogrammes ? Et comme ils étaient négatifs, pourquoi n’avoir pas cherché plus loin ?
En effet, de 2011 à 2020, ces symptômes répétés, qu’elle savait n’avoir pas eus auparavant, auraient dû inciter Gisèle à consulter immédiatement, et seule, un médecin. Elle a dit qu’elle était toujours accompagnée par son mari : mais elle n’avait plus aucune confiance en lui depuis leurs infidélités réciproques. Pourquoi n’a-t-elle pas essayé de consulter seule ?
Mettre en doute, comme le fait Google, la compétence des médecins, aussi bien généralistes que gynécologues est infâmant : « On constate une méconnaissance endémique de la soumission chimique et du corps des femmes par la médecine » ( ! ) – « Les cas de soumission chimique se multiplient en France et le secteur de la santé a du retard dans sa prise en charge de la problématique », peut-on lire sur la toile.
Mais le fait était, probablement, que tout n’avait pas été avoué aux hommes de l’art, à cause de la présence du mari d’une part, mais aussi volontairement, puisque Gisèle n’avait pas essayé de consulter seule et de manière confidentielle. Parmi tous les médecins rencontrés par le couple, l’un d’eux aurait certainement eu des doutes si Gisèle avait tout dit, et aurait ordonné prise de sang et analyse d’urines, ce que la police fait réaliser automatiquement dans la recherche de drogue ; il se serait sûrement trouvé au moins un docteur qui aurait même, conscience médicale oblige, alerté les services de police pour soupçon d’empoisonnement. C’était comme si l’on avait voulu éviter cela.
Peut-être aussi que les effets secondaires de cette situation n’avaient pas échappé à tout le monde. Quand ça ne va pas et qu’on n’a rien à cacher, on se confie volontiers à un membre de la famille ou à une amie intime. Personne ne lui a donc posé de questions pendant dix ans, alors qu’on voyait bien qu’elle dépérissait, tombait en syncope, perdait ses cheveux, avait sans cesse besoin de dormir ? Pourquoi ne s’était-elle jamais confiée ? Pourquoi cette discrétion ?
Enfin, je doute que l’inconscience avait vraiment noyé dans l’oubli complet l’intégralité des rapports masculins de Gisèle . N’a-t-elle jamais été en demi-conscience ? Ne s’est-elle jamais réveillée plus tôt ? On sait qu’il se produit une accoutumance à la drogue et que celle-ci fait moins d’effet à la longue. Il arrive que des malades se réveillent pendant une opération. En dix ans et en une centaine de prises répétées, l’organisme avait certainement dû s’habituer au narcotique. Le Temesta ne suffisait peut-être plus.
Ces questions me conduisent à soupçonner que, même si son mari l’avait bel et bien droguée, Gisèle n’était pas innocente non plus dans cette affaire.
La classe politique aurait-elle eu les mêmes réserves que moi ? Les media se sont interrogés sur le silence du gouvernement, et internet n’a pas manqué de l’insulter lui-aussi, en le soupçonnant de corruption.
Et là, pour éviter de tomber dans des hypothèses invérifiables, je me suis tournée vers un homme de science, connu pour la rigueur de ses analyses et le caractère révolutionnaire de ses conclusions. J’ai rouvert les Leçons d’introduction à la Psychanalyse de Freud (1 ).
Ces leçons se présentent en trois parties :
- Les opérations manquées ( 2 )
- Le rêve ( 3 )
- Doctrine générale des névroses ( 4 ).
On y lit, dès les premières pages, que : « L’accumulation des phénomènes révèle une obstination telle qu’elle ne relève presque jamais du hasard, mais est bien du ressort d’une résolution » ( 5 ).
L’oubli total ou partiel de ces événements est caractérisé d’ « opération manquée » par Freud. Or « ce qui est important et essentiel dans l’opération manquée, ce n’est pas sa forme ou les moyens dont elle use, mais la visée qu’elle sert et qui doit être atteinte par les voies les plus diverses » ( 6 ).
Ce n’est, pour l’auteur, jamais par hasard qu’on se fait du mal à soi-même et qu’on met en danger sa propre intégrité ( 7 ). « Les symptômes sont un substitut de la satisfaction dont les malades sont privés dans la vie » ( 8 ). On sait en effet que Gisèle et son mari ne s’entendaient plus. Elle devait terriblement manquer d’affection.
Dans sa XXVe leçon, consacrée à l’angoisse, Freud nous fait découvrir que des actes « contraints », que l’on est obligé par soi-même d’exécuter, comme par exemple les rites du coucher, servent en fait de couverture à une angoisse profonde : « Si nous essayons d’empêcher (les névrosés) d’exécuter leur action de contrainte, leur lavage, leur cérémonial, ils sont obligés, par une angoisse épouvantable, de se plier à la contrainte » ( 9 ). De sorte que l’intérêt inconscient, que Gisèle aurait eu à laisser perdurer ses viols, aurait été d’échapper à l’angoisse du vide créé par l’absence affective de son mari.
La névrose qui se caractérise par l’oubli d’expériences même récentes est appelée hystérie : « L’hystérie est caractérisée la plupart du temps par des amnésies tout à fait prodigieuses » ( 10 ).
Chez l’intéressée, le symptôme ne résidait certes pas dans le fait d’avoir été inconsciente ou d’avoir eu des trous de mémoire, puisque ceci était causé par la drogue, mais bien dans le fait de n’avoir pas réagi à des malaises qui étaient inhabituels auparavant, malaises survenus sans doute déjà au réveil et pendant la journée.
Un autre symptôme était de n’avoir probablement pas tout dit aux médecins. Ce laxisme et ces dissimulations étaient des manifestations de son hystérie. En conséquence, les médecins n’avaient pas prescrit les analyses qui s’imposaient, analyses que la gendarmerie ordonne couramment en cas de soupçon de drogue. Il est impensable qu’un médecin n’eût pas soupçonné, en dix ans, la présence de drogue, si les phénomènes lui avaient été correctement décrits.
Dans ce cas, la malade est complice de son mal et cherche à le prolonger, ce qui a été le cas pendant toutes ces années.
Et cela nous amène à reconsidérer tous les cas semblables de femmes qui avaient, ensuite, accusé leur violeur, comme dans le cas de l’abbé Pierre.
Ne se produit, d’après Freud, que ce qu’on veut qu’il se produise. Mais la responsabilité n’est pas totalement engagée, quand le consentement est plus ou moins inconscient.
Par contre, la responsabilité est vraiment engagée quand des signes, des phénomènes répétés, ne sont volontairement pas pris en compte ni avoués, et ne le sont pas parce qu’ils constituent, pour le malade, une satisfaction dont il a besoin. Ils peuvent alors persister très longtemps.
Une schématisation abusive serait, par conséquent, de séparer en deux camps opposés l’agressé(e) et l’agresseur ; de faire de l’agressé(e) la victime et de l’agresseur le coupable. Car la frontière entre les deux n’est pas nette. Elle ne l’est pas non plus quand il s’agit de mineurs ou d’enfants, dont Freud montre bien que l’attente d’affection et de contact corporel est immense, dès la naissance. On peut dire que la psychanalyse voit plutôt la victime et le coupable des deux côtés, en ce sens que toutes les victimes sont en fait des victimes-coupables, et que les agresseurs sont eux-aussi des victimes de leurs pulsions inconscientes.
Si l’on interprète les faits à la lumière des motivations sous-jacentes de l’inconscient, on voit que l’agresseur trouve toujours un champ d’exercice ouvert sur lequel il est sollicité par l’agressé(e).
Ainsi, les verdicts de la Justice, quand ils font l’économie du recours à la psychanalyse, passent toujours à côté d’une réalité qui est ignorée et deviennent injustes par là-même.
Si l’abbé Pierre, et tous les autres, n’avaient pas trouvé de terrain favorable, de pôle d’attraction, de victime qui, plus ou moins consciemment, ne souhaitait que cela, les abus cachés ne se seraient pas produits.
Voilà qui interpelle la responsabilité des femmes. Ne se produit que ce qu’elles veulent bien qui leur arrive, par manque d’anticipation, par manque de prudence, de réserve dans le comportement et dans l’habillement. Car la provocation, même passive, est une forme de harcèlement. L’homme, conquérant de nature, est enclin à prendre où il trouve.
C’est pourquoi, au milieu du laxisme ambiant, la femme doit tenir dans le domaine des mœurs, comme dans tous les domaines de la société, le rôle de la grande éducatrice.
Danielle Vincent.
N O T E S :
( 1 ) Sigmund Freud : Oeuvres complètes, volume XIV, 1915-1917. Presses universitaires de France, an 2000 (1ère édition) , 2015 (2e édition). Traduit de l’allemand, 516 pages.
Voir aussi les numéros de mai, juin, juillet, août, septembre, octobre, novembre et décembre 2022, de la Voix dans le Désert, consacrés à l‘œuvre de Freud.
( 2 ) p. 9 - 8O.
( 3 ) p. 81 – 250.
( 4 ) p. 251 – 480.
( 5 ) op.cit. p. 52.
( 6 ) op. cit. p. 52.
( 7 ) op. cit. p. 77.
( 8 ) op. cit. p. 309.
( 9 ) op.cit. p. 419.
( 10 ) op.cit. p. 293.
L A P H R A S E D U M O I S :
« Il est dans la nature humaine qu’on soit enclin à tenir pour inexact ce qui vous déplaît, et il est alors aisé de trouver des arguments là-contre. La société transforme le désagréable en inexact, contestant les vérités de la psychanalyse avec des arguments logiques et concrets, mais qui proviennent de sources affectives, et elle maintient ces objections, qui sont autant de préjugés, contre toutes les tentatives de réfutation ».
(S.Freud, Les opérations manquées, Introduction, op. cit. p. 17).
Château d’Argent : Comprendre pour s’entendre.
La Voix dans le Désert : mensuel gratuit du Château d’Argent
Directrice de publication : Danielle Vincent.
Editions du Château d’Argent, 185 rue de Lattre de Tassigny, 68160 Ste Marie-aux-Mines.
Mise en page et impression : ZAPA Informatique.
ISSN : 2650 – 7925.
Dépôt légal : 1er trimestre 2025.
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